Indépendamment des préjugés qui ont toujours été inculqués sur les chauves-souris, cette espèce de mammifères se veut comme un élément primordial dans l’équilibre de l’écosystème.
De nombreux pays ont enregistré d’importantes avancées dans les études axées sur cet animal. Malheureusement, l’Algérie demeure en décalage dans ce sens, en dépit des bienfaits des chiroptères sur le plan agronomique ou environnemental. Ce thème a été abordé pour la première fois à Constantine, lors d’une rencontre nationale animée par le Club de spéléologie et des activités de montagne de Constantine.
L’événement organisé, samedi 13 mai, à la bibliothèque principale de lecture publique Mustapha Nettour située à Bab El Kantara, dans la ville de Constantine, a connu la participation de nombreux spéléologues, chercheurs, médecins ainsi que des agronomes algériens. «Depuis 1870 jusqu’aux années 1980, il y avait régulièrement des études menées durant l’époque coloniale puis par les coopérants.
Mais il y a eu une rupture avec les mesures sécuritaires imposées en Algérie à la fin des années 80. Les sorties vers les forets et dans les grottes ont été suspendues, avant une reprise durant les années 2000», a déclaré à El Watan, Dr Moncef Aït Abdesselam, médecin vétérinaire, doctorant en sciences agronomiques et chercheur en chiroptérologie. Mais les études élaborées jusqu’à présent ne sont pas assez suffisantes, en comparaison avec d’autres pays à l’instar de la France. Cette dernière, selon notre interlocuteur, fait le tiers de l’Algérie en matière de superficie, mais ses chercheurs ont découvert et recensé 30 espèces. En Algérie, qui demeure le plus grand pays d’Afrique en superficie, nous n’avons listé que 26 espèces appartenant à 7 familles.
Dr Aït Abdesselam affirme que les experts algériens peuvent trouver plus d’espèces s’ils déploient leurs recherches dans les parties désertiques de notre pays et qui ne sont pas assez explorées. «Les Européens, les Occidentaux, les Chinois et les Américains sont plus avancés dans le domaine de la recherche, arrivant à l’étape du génie génétique. Leurs études se focalisent sur l’ADN pour distinguer plus d’espèces, contrairement en Algérie où on est sur la morphométrie et la morphologie des espèces», a-t-il ajouté. En plus de ce retard dans les études, il a été dévoilé lors de la rencontre que cette espèce demeure menacée par l’un de ses plus grands prédateurs, qui n’est autre que l’être humain. De nombreuses grottes en Algérie ne sont malheureusement pas protégées, exposant au danger de nombreuses espèces de chauve-souris, déjà moins vulgarisées chez le grand public.
Des espèces bénéfiques pour l’homme
Pourtant, il existe des lois qui protègent ce mammifère, dont le décret exécutif n°12-235 du 24 mai 2012 fixant la liste des espèces animales non domestiques protégées. «Les chauves-souris sont perçues toujours comme un danger ou une menace pour l’homme. Aujourd’hui, de nombreux investisseurs ou des amateurs qui, en accédant aux grottes, utilisent les insecticides pour allumer le feu et faire de lumière à l’intérieur. Ils ne sont pas conscients qu’ils sont en train de déranger des espèces bénéfiques même pour l’être humain. Ils laissent aussi des déchets, ce qui dérange la chauve-souris.
Cette dernière est très sensible, surtout dans des moments critiques dans sa vie. Par exemple comme la période de mise, de reproduction ou celle de l’hibernation. Imaginons si on dérange une chauve-souris un jour d’hibernation. Si elle s’envole, elle va consommer une énergie de 20 jours d’hibernation.
Ce qui provoque la mort assurée», a-t-il expliqué. Evoquant l’impact écologique et environnemental de la chauve-souris, notre interlocuteur affirme que les espèces en Algérie sont insectivores. Elles consomment les insectes ravageurs des cultures fruitières, maraîchères, le blé et autres. Mieux encore, elles consomment les insectes nuisibles pour l’être humain à l’instar des moustiques. Dans le domaine de l’agriculture, des déjections des chauves-souris appelées guano peuvent être utilisées comme engrais naturels. L’un des intervenants a estimé que c’est l’un des plus chers au monde. «Ce sont des engrais naturels, qui contiennent une grande proportion de phosphore et de potassium qui sont très bénéfiques pour les cultures fruitières et maraîchères. Et ce sont parmi les engrais les plus fertilisants dans le monde.
Et ils sont valorisés partout dans le monde, sauf en Algérie. Et il y a beaucoup à faire dans ce sens», a-t-il recommandé. Et de rappeler que même l’agriculture actuelle se veut comme un autre aspect ravageur des chauves-souris, avec l’utilisation des insecticides. Sachant que pendant une nuit, une chauve-souris peut manger jusqu’à 6 000 insectes (qui ont absorbé déjà les insecticides).
Avec le cumul de ce produit dans son organisme, l’animal peut avoir beaucoup de problèmes, dont la mort.