De plus en plus de paysans se mettent à la collecte de la semence ancienne, sélectionnant des graines adaptées aux réalités de l’environnement local, à savoir la sécheresse, les maladies et les excès d’humidité. Ils étaient d’ailleurs nombreux à participer à la rencontre sur «Les semences anciennes locales», organisée par Acteurs en action, l’association pour la valorisation et le développement du terroir, dans le village El Kitoune, relevant de la commune Fenaia Il-Maten, dans la daïra d’El Kseur.
Selon le Pr Khodir Madani, directeur du Centre de recherche en technologies agroalimentaires de Béjaïa, «le but de cette rencontre est de sensibiliser le grand public et les agriculteurs sur un sujet lié à la sécurité alimentaire, en l’occurrence la semence locale». Le monde, actuellement, estime l’universitaire, «dépend d’un groupe de fournisseurs mondiaux des semences qui détiennent le monopole.
Or, la semence locale existe depuis que l’homme est devenu sédentaire. L’idéal, aujourd’hui, c’est donc d’inventorier, d’enregistrer et de rassembler cette semence dans le cadre d’une banque de semences qu’il faudra construire en Algérie après avoir certifié cette semence locale». Le conférencier, qui a développé une communication sur «Les semences au cœur des systèmes alimentaires, des cultures et du droit», a également mis «la lumière sur les textes réglementaires encadrant les semences, en expliquant le rôle des acteurs institutionnels dans l’homologation de celles-ci, ainsi que les efforts en cours pour l’élaboration d’une banque nationale de semences».
Pour une participante, «les fellahs doivent échanger entre eux ces graines locales et les multiplier afin qu’elles ne disparaissent pas», précisant que celles-ci présentent de nombreux avantages sur le plan environnemental et écologique. «Cette semence s’est adaptée à notre environnement. Elle est surtout reproductible et résistante.»
Sécurité alimentaire
Sa préservation passe, selon elle, par l’instauration d’un réseau de collecteurs, introduire la recherche scientifique dans ce domaine dans le but d’homologuer la vérité locale productive pour attendre au final un certain niveau d’autonomie. Aussi, pour y arriver, «nous devons aussi rassembler l’agriculteur et l’officiel pour conforter la sécurité alimentaire du pays et préserver notre patrimoine variétal», conclut-elle. De son côté, Khaled Laiche, de l’université d’El Oued, a animé une conférence sous le thème : «Les semences anciennes locales : pilier de la sécurité alimentaire et de la résilience des agroécosystèmes».
Ce dernier a déroulé un argumentaire visant, dit-il, «l’éveille des populations paysannes». Valsant du militant écologiste au scientifique, pour lui, «la sauvegarde des semences anciennes entre les mains des agriculteurs constituera une solution pour le futur». Il a expliqué dans son intervention comment «gérer les risques menaçant la production agricole et notre sécurité alimentaire à travers le développement d’une stratégie de résilience, ou la capacité des systèmes agricoles à absorber les chocs».
Car, précise-t-il, «l’intensité et la fréquence des crises et des conflits mondiaux vont augmenter à l’avenir, selon les spécialistes, et c’est pour cela que la protection des rendements et la semence ancienne nous permettra de sortir de la zone de danger et de nous préserver de ces crises. Mais ce travail doit être accompli avec la base, c’est-à-dire les agriculteurs avant d’aller soutenir cet effort par des leviers, qui sont les institutions de l’Etat».
Enfin, notons que cette activité a rassemblé des universitaires, des agriculteurs et des représentants des services agricoles, la Chambre de l’agriculture de Béjaïa et de l’Institut national de la recherche agronomique d’Algérie (Inraa). De nombreuses associations ont pris également part à ce rendez-vous, mis en place dans une ferme, un décor épousant parfaitement la thématique du jour.