L’artiste peintre Aghilès Issiakhem et l’artiste américain Will Berry se sont retrouvés, lundi en fin de journée, au niveau de l’espace Artissimo Hub à Alger, pour parler de leurs propres parcours artistiques et se prêter au jeu du commentaire de l’œuvre de l’autre sous la modération de Michel Blancsubé, commissaire de l’exposition de Will Berry.
Comme à son accoutumée, l’espace Artissimo à Alger a accueilli une assistance nombreuse composée de Son Excellence l’Ambassadeur du Mexique en Algérie, José Ignacio Madrazo, de l’attaché culturel de l’ambassade du Mexique en Algérie, Adolfo Ayuso-Audry, d’artistes algériens et d’anonymes. Cette rencontre, née d’un partenariat avec l’ambassade du Mexique en Algérie, intervient, faut-il le rappeler, en marge de l’exposition qui se tient jusqu’au 7 juillet prochain au musée des Beaux-Arts d’Alger. Artissimo Hub a imaginé une rencontre naît du désir de l’artiste américain Will Berry, installé au Mexique, de rencontrer des artistes algériens.
Ainsi, ces deux artistes peintres, issus de deux univers différents, ont cette même passion pour les arts plastiques. Will Berry est un artiste mexicain, d’origine américaine, installé au Mexique depuis 2002. Il est très attaché à la matiére. Il se plaît, d’ailleurs, à se familiariser à toutes sortes de matières en les détournant de leur fonction première. Will Berry indique qu’il a utilisé récemment de l’oxyde de fer dont l’Etat mexicain se sert dans la construction pour colorer le ciment en rouge. Notre artiste académicien mexicain utilise, justement, cet oxyde pour faire des peintures sur des feutrines sur plusieurs centimètres d’épaisseur. S’il utilise des matières à l’état brut, pour sa part, l’artiste peintre algérien Aghilès Issiakhem est un autodidacte par excellence.
Il est plus dans le figuratif en peignant des portraits et des autoportraits saisissants et expressifs à la fois. Son inspiration découle, parfois, des gens qu’ils croisent dans la rue ou encore dans les cafés. Il a ce don de pénétrer sous la sinuosité des traits des visages. Will Berry fréquente, lui aussi, les cafés le matin. Il utilise les serviettes en papier et commence à exercer sa main en gribouillant des dessins.
Comme le dit si bien le modérateur Michel Blancsubé, c’est un dialogue entre le cerveau et la main de l’artiste. «C’est un peu son petit atelier ambulant. Ses dessins vont naître après des œuvres plus monumentales.» Will Berry a été influencé par l’habilité de sa mère au dessin. Ce qu’il l’a réveillé, aussi à l’art, c’est son attachement à la nature, aux arbres et aux chants des oiseaux qui l’entouraient. Il indique que le fait d’avoir déménagé au Mexique lui a permis d’accéder à un espace et à une nouvelle lumière qu’il ne connaissait pas auparavant, lui ouvrant des horizons insoupçonnés. Notre orateur indique qu’il travaille sur le thème du serpent depuis sept ans.
Ce dernier est très présent dans la culture et mythologie mexicaines. Depuis trois ans, il travaille avec des céramistes mexicains en reproduisant des têtes et des queues de serpents. Il a même réalisé un prototype en pierres volcaniques qui s’est rompu en deux et duquel il a sorti un gabarit qu’il a reproduit en céramique. Il s’est amusé à orienter les ondulations du corps en plusieurs directions pour pouvoir s’offrir la possibilité de construire de grandes fresques sans direction univoque. C’est du moins ce qu’il explique avec passion. «J’aime, dit-il, les serpents verts qui se trouvent dans le Tennessee. C’est une force de vie qui traverse l’histoire de l’humanité depuis le néolithique.
J’identifie le serpent comme une sorte de vie, de soleil qui se projette du soleil à la terre. Ce qui m’intéresse dans le serpent, c’est la présence de la symbolique. Il y a un ordre du monde. Cette force de vie du serpent est encore active en Asie et en Afrique. Elle a subi des transformations au fil du temps», ajoute-il. Depuis sept ans, ans, Will Berry se plaît à travailler avec du noir et du blanc et aussi avec de l’oxyde. Petit à petit, la couleur reprend de la présence dans son création.
Le travail d’Aghilès Issaikhem repose, quant à lui, sur du ressenti et de l’introspectif avec un contraste en profondeur. Portraitiste dans l’âme et perfectionniste, Aghilès Issiakhem adore travailler à partir de noirs et blancs différents qu’il creuse pour jouer sur les diverses nuances. Il use d’une technique mixte avec comme médium le fusain, le charbon et la pierre noire.
Il se sert aussi d’autres supports tels que l’échographie de sa petite fille ou encore une des portières de la Citroën 2 CV de son défunt oncle Tayeb. L’ensemble de ses œuvres se caractérise par une superposition de lignes aux contours croisés sur de larges bandes réalisées au charbon de bois pour construire des éléments clés, tels que les cheveux, le nez, les yeux ou encore le menton.
Ses traits sont dynamiques et en continuel mouvement, voire en transe. En somme, Aghilès Issiakhem ne choisit pas sa technique, elle découle d’elle-même. Notre jeune ingénieux interlocuteur stipule que toutes formes de matières peuvent le libérer. Cependant, il préfère vivre la couleur au lieu de la dessiner. Quand il a un moment de bien-être, il préfère le vivre pleinement.