L’exfiltration par les services consulaires français de l’activiste Amira Bouraoui à partir de Tunis a compromis, pour un temps, les relations algéro-françaises, qui n’en sont pas à leur première brouille, ni la dernière d’ailleurs, mais n’a pas altéré nos liens apaisés avec la Tunisie, surtout en ces temps où elle connaît un passage politique et économique difficile. Notre voisin restera pour l’Algérie un allié privilégié dans tous les domaines, et sa sécurité, sa stabilité et sa prospérité sont un atout important dans le rayonnement et le développement de la région. L’Algérie partage près de 400 kilomètres de frontière avec son voisin et les deux peuples ont de tout temps étaient proches l’un de l’autre. Depuis Habib Bourguiba, président de la Tunisie affranchie de la domination française, ce pays a toujours entretenu des liens privilégiés avec l’Algérie et les Algériens. Le soutien appuyé et désintéressé du peuple tunisien à la lutte du peuple algérien pour son indépendance restera dans l’histoire et dans les mémoires communes comme le creuset d’une fraternité éternelle. Grâce à l’aide et à la solidarité de nos frères tunisiens dans les villes et villages frontaliers, et plus en profondeur encore, toute la Tunisie a été la base arrière militaire et politique de notre combat contre l’oppresseur colonial. Le soutien de nos frères tunisiens a été de tous les instants jusqu’au sang mêlé lorsque l’aviation française a bombardé le petit village de Sakiet Sidi Youcef le 8 Février 1958. Des liens communs nous rattachent à nos voisins de l’Est. L’Algérie partage avec la Tunisie la géographie, l’histoire, une langue et une religion communes et une culture similaire. Et ce n’est pas l’immixtion scandaleuse et condamnable des services consulaires français à Tunis dans l’affaire Amira Bouraoui qui viendra ébranler les liens chaleureux et profonds entre nos deux gouvernements et nos deux peuples.
A l’ère coloniale, d’innombrables Algériens ont traversé la frontière pour aller chercher le savoir et apprendre particulièrement l’arabe, Le Coran et renforcer leur culture générale à Djamaâ Ezzitouna de Tunis, entre autres. Depuis 1956, à la signature du protocole d’indépendance, la Tunisie et Habib Bourguiba ont pris fait et cause pour la lutte du peuple algérien à se libérer du joug colonial. Le soutien tunisien a été solide et constant à mesure que les crimes coloniaux se perpétraient et que la répression se durcissait avec l’appui de l’OTAN.
Solidarité et développement
Les réfugiés algériens fuyant les exactions des forces militaires françaises et les bombardements au napalm se comptaient par centaines de milliers dans les camps mis à leur disposition par les organisations humanitaires internationales et comptaient sur les aides alimentaires acheminées par le gouvernement de Habib Bourguiba. Tout le long de la frontière ont été érigés des barrages quasi infranchissables ayant pour sinistres noms les lignes électrifiées Challe et Morice pour empêcher dans les deux sens les infiltrations des troupes combattantes de l’ALN. Il a même été dit que de nombreux ressortissants tunisiens souhaitaient prendre les armes pour combattre aux côtés des troupes de l’ALN, mais le commandement de celle-ci et le GPRA refusèrent de voir se compromettre le processus d’autonomie puis l’indépendance fraîchement acquise de ce pays frère. La souveraineté retrouvée, les deux pays ont opté de façon naturelle à entretenir des relations fraternelles et suivies, malgré quelques tentatives extérieures de semer le trouble et altérer leur bonne entente, du reste sans succès. Quelques rares situations de tension ont vite été surmontées. De nombreux projets économiques ont vu le jour des deux côtés de la frontière et le gazoduc reliant l’Algérie à l’Italie passe par le territoire tunisien. Un appui socioéconomique a été apporté par l’Algérie à la bande frontalière large d’une vingtaine de kilomètres et un projet d'octroi d’une carte d’identité spécifique commune aux ressortissants algéro-tunisiens n’a pu voir le jour. En 1983 a été signé, premier du genre, un «traité de fraternité et de concorde» entre les présidents Habib Bourguiba et Chadli Bendjedid, réaffirmé avec plus de volonté en 1987 à l’avènement du président Zine El Abidine Ben Ali. Dans les années 1990, au cours des événements qui ont ensanglanté l’Algérie, la Tunisie a été un des rares pays à ne pas exiger de visa d’entrée aux ressortissants algériens. Les deux pays ont même mobilisés leurs troupes militaires le long de la frontière pour neutraliser le passage dans les deux sens des bandes islamiques armées. Au plan économique, Algérie et Tunisie sont liées par un accord commercial préférentiel (ACP) signé à Tunis le 4 décembre 2008 et entré en vigueur le 1er mars 2014. Un projet de zone de libre-échange pour le développement de la bande frontalière, mais le projet, à l’étude depuis 2015, n’a pas encore abouti. Un accord lie également les deux pays pour l’approvisionnement de la Tunisie en gaz naturel algérien à tarif préférentiel et vise aussi l’interconnexion énergétique des régions frontalières que ce soit en gaz ou en électricité. Par ailleurs, les Algériens figurent parmi les premiers clients du tourisme tunisien, avec un chiffre alterné entre 1,5 million et deux millions de visiteurs ces dix dernières années (exception faite des années Covid).
«Renforcer la coopération et atteindre davantage une intégration stratégique et un développement solidaire et intégré» : c’est le résumé retenu de la visite effectuée par la Première ministre tunisienne, Najla Bouden, en novembre dernier, où elle a eu des discussions avec le Premier ministre algérien. Depuis quelques mois, le dialogue entre les deux pays est très relevé et des visites alternées et fréquentes ont lieu à un haut niveau, preuve d’une coopération dense et appuyée. A ce titre, le ministre algérien de la Communication, M. Bouslimani, a soutenu, dimanche dernier, dans le prolongement de l’affaire Amira Bouraoui, que la France officielle et des médias français ont tenté d'exploiter celle-ci à des fins de déséquilibrer les relations fortes et fraternelles entre l'Algérie et la Tunisie. A ce titre, le président Tebboune a enjoint, dans le cadre du raffermissement des liens entre les deux peuples, «de faciliter l’accès des citoyens tunisiens en Algérie via les postes-frontières».