Le ministre des Affaires étrangères et de la Communauté nationale à l’étranger, Ahmed Attaf, a reçu hier un appel téléphonique du Haut représentant de l’Union européenne pour les Affaires étrangères et la Politique de sécurité, Josep Borrell, lors duquel ils ont évoqué les développements de la situation au Niger. L’entretien téléphonique a porté, selon un communiqué du ministère, sur «les développements inquiétants en République du Niger».
La même source a précisé que les deux parties ont eu un échange de points de vue et d’analyses autour des derniers développements dans ce pays frère et voisin et les dangers qu’ils entraînent pour ce pays et pour toute la région du Sahel en général. Dans ce cadre, Josep Borrell a informé M. Attaf «des mesures décidées par l’UE contre les auteurs du coup d’Etat au Niger», indique la même source.
Par ailleurs, les deux parties ont souligné «la nécessité d’œuvrer de concert afin d’exercer des pressions politiques et diplomatiques pour assurer le retour à l’ordre constitutionnel en République du Niger à travers le rétablissement de Mohamed Bazoum dans son poste de Président légitimement élu de ce pays», lit-on dans le communiqué. Pour sa part, Ahmed Attaf a réaffirmé «la conviction de l’Algérie quant à la nécessité de prioriser le processus politique et diplomatique, au vu des répercussions de l’option du recours à la force sur la situation qui risque de s’aggraver davantage au niveau local et régional».
C’est pratiquement le même message qu'Ahmed Attaf a délivré vendredi, à Alger, à l’envoyé spécial du président de la République fédérale du Nigeria, Baba Gana Kingibe. M. Attaf a reçu, de son hôte, un message écrit adressé au président de la République, Abdelmadjid Tebboune, par son homologue nigérian, Bola Ahmed Tinubu, en sa qualité de président en exercice de la Communauté économique des Etats d’Afrique de l’Ouest (Cédéao).
Cette visite s’inscrivait également dans le cadre de «l’échange de vues et la concertation autour des développements de la situation en République du Niger».Comme un peu partout en Afrique, des voix se sont élevées hier au Nigeria pour demander au président Bola Tinubu, à la tête du bloc ouest-africain, de reconsidérer son éventuelle intervention militaire de la Cédéao au Niger contre les putschistes. Des parlementaires et responsables politiques ont fait valoir leurs inquiétudes alors que la fin de l’ultimatum lancé par la Cédéao aux putschistes se rapproche.
Le 30 juillet, peu après le coup d’Etat qui a renversé le président élu Mohamed Bazoum, le bloc ouest-africain avait donné sept jours à la junte, soit jusqu’à ce soir, pour le rétablir dans ses fonctions. Tout en affirmant privilégier la voie diplomatique, ils avaient indiqué qu’en cas d’échec des négociations, un usage de la force n’était pas à exclure. La pression s’est encore accentuée vendredi lorsque les chefs d’état-major de la Cédéao réunis depuis trois jours à Abuja ont annoncé avoir «défini les contours» de cette «éventuelle intervention militaire».
Le soir même, les sénateurs des régions du nord du Nigeria ont mis le président Bola Ahmed Tinubu en garde contre «un recours à la force militaire sans avoir épuisé toutes les voies diplomatiques», qui aurait, selon eux, «de graves implications» pour le pays. «Les victimes seront des citoyens innocents qui vaquent à leurs occupations quotidiennes», a déclaré le Forum des sénateurs du Nord dans un communiqué signé par son porte-parole Suleiman Kawu Sumaila. En cas d’intervention, même le Nigeria, dont sept Etats au Nord partagent une frontière de 1500 kilomètres avec le Niger (Sokoto, Kebbi, Katsina, Zamfara, Jigawa, Yobe et Borno), serait «affecté négativement», ont-ils prévenu.
Ces sept Etats ont des liens commerciaux et sociaux historiques avec le sud du Niger, avec lequel ils partagent des affinités culturelles, religieuses et linguistiques. Les sénateurs disent également s’inquiéter de voir une intervention au Niger déstabiliser davantage ces régions, extrêmement pauvres et déjà sous le joug de groupes armés, et ouvrir un nouveau couloir d’insécurité avec les pays voisins du Niger, à savoir le Mali, le Burkina Faso et la Libye.
Ces inquiétudes sont également partagées par la plus importante coalition des partis d’opposition du Nigeria, pour qui une intervention serait «non seulement inutile» mais «irresponsable», écrit le Coalition of United Political Parties dans un communiqué publié samedi matin.
«Le Nigeria ne peut pas se permettre de gaspiller ses ressources qui s’amenuisent et les vies précieuses de nos soldats dans une guerre inutile», selon ce communiqué signé par l’un de ses porte-parole, Mark Adebayo. «La situation sécuritaire dans notre propre pays reste déjà un sérieux défi pour nos militaires», rappelle la coalition, pour qui un nouveau front aurait aussi pour conséquence de «plonger l’économie fragile du Nigeria dans une crise encore plus profonde».
Il est à rappeler que le Nigeria est en proie à une insécurité quasi généralisée et une crise économique profonde.