Région du Sahel : Le Mali s’isole

12/04/2025 mis à jour: 10:08
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Le président Assimi Goita, entouré des principaux dirigeants militaires maliens

Une semaine après la neutralisation par l’Armée nationale populaire (ANP) d’un drone malien à Tin Zaoutine, ayant violé l’espace aérien national, la tension entre Alger et Bamako reste palpable. Une tension qui s’étend à toute la région du Sahel. Les pays limitrophes du Mali le font savoir. Ils ne cachent plus leurs inquiétudes face à un régime devenu toxique et où l’instabilité sécuritaire pose de sérieux défis à l’échelle régionale. 

La Communauté économique des Etats de l'Afrique de l'Ouest (Cédéao) l’a exprimé clairement jeudi. Au nom des Etats membres, la Communauté a, en effet, fait part de sa profonde préoccupation face à cette situation. Elle a, aussi, lancé un  appel au Mali et à l’Algérie pour désamorcer la situation et privilégier le dialogue par le biais de mécanismes régionaux et internationaux appropriés. 

Dans son appel, la Cédéao penche clairement pour l’idée que la junte malienne joue un jeu risqué au sein de l’Alliance des Etats du Sahel. Et ce, malgré les efforts fournis par l’Algérie pour accompagner les régimes issus de coups d’Etat dans cette région. 

Des efforts visant essentiellement à leur épargner plus de souffrances et d’interventions étrangères. Il faut dire que les choses ont bien avancé avec le Niger et le Burkina Faso. Mais des volontés extra Sahel s’appliquent encore à court-circuiter l’action d’Alger. Et c’est encore le Mali qui intervient en trouble-fête. 

Pour le Niger, la coopération, notamment dans le domaine énergétique, connaît une courbe ascendante. Ouagadagou, qui bénéficie encore de l’assistance algérienne, semble avoir été entraîné bien malgré lui dans une action de manipulation qui tend à piéger tout le Sahel. 

D’ailleurs, sur le plan économique, la fermeture de l’espace aérien de l’Algérie au Mali va avoir un impact immédiat. Selon des médias, les conséquences de cette fermeture impacteront la mobilité entre les deux pays : suspension de trois vols directs par semaine entre Alger et Bamako. 

En 2023, plus de 25 000 voyageurs maliens passaient par l’aéroport d’Alger pour rejoindre l’Europe, la Turquie ou l’Asie. Cette fermeture poussera ces voyageurs à utiliser des itinéraires plus longs et plus coûteux via Lomé, Abidjan ou …. Casablanca. 

Le corridor aérien Alger-Bamako était également utilisé pour le transport de marchandises vitales, telles que le matériel médical, les produits agro-industriels et les diverses pièces de rechange mécaniques. 

Pour des confrères maliens, la fermeture de ce corridor entraînera une augmentation des coûts logistiques pour les entreprises maliennes de l’ordre de 15 à 25%. Selon des institutions financières mondiales, les échanges commerciaux entre l’Algérie et le Mali ont chuté, en 2024, à 22 millions de dollars, contre 67 millions de dollars en 2016. La rupture entre Alger et Bamako pourrait conduire, selon les mêmes sources, à faire baisser ces échanges sous la barre des 10 millions de dollars en 2025. 

Autre chiffre : les régions sud du pays (Tamanrasset, Bordj Badji Mokhtar) accueillent chaque année plus de 5000 commerçants et travailleurs maliens déclarés. 

Aussi, l’Algérie a longtemps servi de médiateur – indirect – dans les négociations entre les groupes armés et les gouvernements du Sahel. Ainsi, la réduction des canaux de médiation augmentera forcément le risque d’escalade militaire. Abritant des groupes de mercenaires et de djihadistes, des réseaux de trafiquants transnationaux, le Mali risque gros en s’isolant au cœur du Sahel. 

Un isolement perceptible dans un contexte de manipulation où toute sorte de fausses rumeurs et d’images sorties de leur contexte sont diffusées, comme l’a rapporté hier RFI. «Sur les réseaux sociaux, un flot de désinformation attise les tensions entre l’Algérie et le Mali», lit-on dans un compte-rendu consacré à la vérification de certains faits (fact-cheking). Des vidéos mensongères publiées sur TikTok ces derniers jours montrent «des affrontements qui auraient eu lieu entre les armées malienne et algérienne». 

Des images sorties de leur contexte et qui se comptent par dizaines. RFI note qu’il suffit de taper «Algérie-Mali» sur les réseaux sociaux pour tomber très rapidement sur ce genre d’infox. A l’origine de ce flot d’infox, on retrouve un écosystème de comptes suivis par des centaines de milliers de personnes, principalement sur TikTok, fait savoir RFI.  M. Abdelkrim
 

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