Regards rivés sur la «Bourse» de Yuzhny en Ukraine

01/03/2022 mis à jour: 11:46
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Si leurs pairs intervenant dans le négoce de blés sont dans la tourmente, la crise entre Moscou et Kiev ayant faussé tous leurs calculs en raison des lourdes contraintes logistiques, les compagnies de fret maritime désormais de moins en moins favorables à de nouveaux engagements pour les expéditions céréalières depuis les ports de la mer Noire à destination de nombre de marchés et de pays dont, en particulier, l’Algérie qui s’est tournée vers cette zone après l’interruption des achats en France, les négociants et traders spécialisés dans les fertilisants, l’ammoniac, surtout, commencent, quant à eux, à s’agiter et à se frotter les mains.

Sous très haute tension, le marché international pourrait s’éviscérer de ce produit très prisé, de moins en moins disponible et dont les cours ont déjà connu des hausses spectaculaires en 2021. Donc, de substantielles marges de bénéfice en perspective pour les traders et autres intermédiaires gravitant autour du célèbre port de Yuzhny (Ukraine), là où se négocient les transactions et se déterminent les prix internationaux, une sorte de Bourse dédiée à l’ammoniac issu du monde entier.

Entraînée, entre autres, par les prolongements de l’impact de la crise sanitaire de la Covid-19, des restrictions aux exportations appliquées par certains pays producteurs/exportateurs pour leurs propres besoins de consommation, ainsi que par la folle envolée généralisée des prix du gaz qui ont quintuplé, amputant ainsi la capacité mondiale de production d’ammoniac d’au moins 10%, cette hausse des cours devrait se poursuivre encore et pourrait, à nouveau, se hisser à des niveaux inédits, d’ici la fin de l’année (2022), d’après les pronostics de Commodity Markets Outlook (Banque mondiale).

Les fertilisants, faut-il le noter, sont obtenus à partir de l’ammoniac dans le processus de fabrication où intervient essentiellement le gaz naturel, ce dernier représentant pas moins de 80% du coût de revient. Ce qui, au bout de la chaîne, se répercute sur les prix des fertilisants à base d’ammoniac.

Passant au double depuis l’an dernier, ces prix qui devraient bondir encore de 60% en 2022 ont forcé certains fabricants à mettre leurs usines au ralenti, comme le géant norvégien Yara – il a réduit de presque moitié sa production –, tandis que d’autres ont carrément opté pour la fermeture. Autre facteur aggravant : la Chine, plus important producteur et exportateur d’engrais à base d’ammoniac au monde, fournissant environ 10% des approvisionnements en urée et 30% des approvisionnements en phosphate, a dû imposer des restrictions à l’export pour renforcer son stock de sécurité.

Idem pour la Russie, quatrième plus grand producteur mondial d’engrais azotés qui a, à son tour, eu recours à des restrictions sur les quotas d’exportation d’engrais azotés et phosphatés afin d’assurer la satisfaction de la demande domestique. Ayant pris effet début décembre 2021, ces restrictions devaient initialement prendre fin d’ici juin 2022. Mais le conflit armé russo-ukrainien et ses graves conséquences politiques et économiques risquent de tout chambouler.

Maillon fort

Le maillon fort de toute la chaîne qui aura à supporter le poids de cette diète et dont sont tributaires le comportement et les fluctuations des cours mondiaux n’étant autre que le port industriel de Yuzhny. Avec Odessa et Ilyichevsk, il est l’un des trois plus grands ports d’Ukraine et en mer Noire. Près du 1/5 des 140 MT, volumes produits, bon an mal an, de par le monde, converge vers ce port depuis lequel est également chargé l’ammoniac produit localement, c’est-à-dire en Ukraine, ainsi que celui en provenance de Russie.

Dans le monde, il existe beaucoup d’autres terminaux, y compris en Algérie, en Egypte, en Arabie Saoudite, aux Etats-Unis, en Russie et en mer Baltique. Toutefois, Yuzhny est doté du plus grand terminal de déchargement et de stockage à l’échelle mondiale ; ses capacités se situant à 120 MT pour l’ammoniac et 90 MT pour l’urée.

Globalement, en matière d’ammoniac ou d’engrais, l’attitude du marché mondial dépend des volumes exportés depuis Yuzhny et les prix ont toujours été ceux affichés à Yuzhny. S’agissant, en revanche, des mouvements à l’import, le port de Tampa (Etats-Unis) occupe la première marche du podium. Fort de quelque 5000 km de pipelines, il dessert plus d’une dizaine d’Etats d’Amérique.

C’est dire que la baisse drastique de la production mondiale d’ammoniac, en Europe surtout, et la hausse spectaculaire des cours sont susceptibles de créer des occasions indéniables à l’export et des ressources inouïes pour l’Algérie, pays gazier et dont les capacités en termes de production d’ammoniac n’ont rien à envier à celles de Sluiski (Pays-Bas), longtemps n° 1 en Europe.

Avec des capacités installées avoisinant les 3 millions de tonnes (usines des deux co-entreprises Sorfert-Arzew et Fertial Arzew et Annaba), dont 80 à 90% est placé à l’étranger, notre pays, déjà principal exportateur d’ammoniac en Méditerranée et l’un des opérateurs internationaux-clés ; 2e dans le monde arabe derrière l’Arabie Saoudite et 7e au niveau mondial, pourrait ravir des parts de marché supplémentaires aux autres fournisseurs de l’Europe.

Aussi, la conjoncture actuelle est des plus favorables pour y asseoir son leadership considérant la guerre opposant l’Ukraine et la Russie, producteurs non négligeables d’ammoniac, la mise au ralenti et la fermeture de plusieurs capacités de production, notamment en Ukraine, en Europe de l’Est et en Europe centrale à cause de la hausse des prix énergétiques. 

 

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