«Regarder nos ancêtres en face» : Un généticien raconte l’histoire de l’humanité en photos

27/09/2023 mis à jour: 20:20
AFP
1063

A quoi ressemblaient-ils ? Comment vivaient-ils ? Que savaient-ils faire ? Ce face-à-face avec les premiers humains aspire à faire comprendre «à quel point nous sommes proches d’eux», dit son auteur, généticien des populations et professeur à l’Université de Ferrare, dans un entretien à l’AFP. Traduit en six langues, Album de famille (Albin Michel) est un «roman non-fictionnel», celui de la généalogie humaine. 

Un voyage dans le temps à travers 15 portraits, de la célèbre Lucy aux premiers Homo sapiens, en passant par les petits hommes de l’île de Florès ou la momie Otzi. Les «photos» de leurs visages, que l’auteur a rassemblées dans l’ouvrage, ont été recréées par des artistes grâce aux archéologues, paléontologues et généticiens qui ont reconstitué leurs squelettes et leurs gènes. «J’ai beaucoup travaillé sur l’ADN de l’homme de Néandertal», une espèce disparue il y a 40 000 ans, raconte le biologiste de l’évolution, âgé de 67 ans. Mais sa relation avec lui a changé le jour où il est tombé sur une reproduction de l’artiste française Elisabeth Daynès. «La statue était exposée dans un musée, tapie dans un coin. Tout à coup, cet homme m’est apparu, nu, me souriant», raconte Guido Barbujani.
 

«Réduire la distance temporelle»

La rencontre a créé un «lien personnel intense» avec ces humains du fond des âges, une perception qui s’est ensuite renforcée avec la pandémie de Covid-19 : «On passait notre temps à la maison, seuls, tandis qu’on égrenait les morts. J’ai alors eu l’idée de réduire la distance temporelle entre nous et ces gens qui ont vécu il y a des milliers, des millions d’années», confie le scientifique. Au fil d’une échelle temporelle démarrant il y a trois millions d’années, se dévoilent leurs visages «potentiels». Il insiste sur ce terme car ce sont des reconstitutions sur la base d’hypothèses scientifiques. 

Chaque photo ouvre un chapitre qui décrit leur vie quotidienne, leur morphologie, leurs capacités manuelles, cognitives, leurs migrations... «J’ai interrogé les archéologues qui étudient les fossiles et en tant que généticien, j’ai recoupé les informations», explique le Pr Barbujani. L’étude de l’ADN ancien, qui a valu le prix Nobel 2022 au pionnier de cette recherche Svante Pääbo, «nous permet de connaître le processus évolutif qui a amené à ce que nous sommes aujourd’hui».  Son approche est «factuelle», contrairement au best-seller mondial de Yuval Harari «Sapiens» (2011), «qui apporte des réponses à tout, même à ce que nous ne savons pas», ironise le généticien.
 

«Ce que l’on ne sait pas»

Certains points peuvent être affirmés avec quasi-certitude : on sait ainsi notamment que Lucy a inauguré l’aventure humaine sur deux jambes, que le garçon de Turkuna, de l’espèce Homo georgicus (800 000 ans) a été le premier ancêtre à migrer, que Sapiens et Néandertal ont croisé leurs gènes... 
 

«On a la trame générale : quand Homo sapiens est sorti d’Afrique, toutes les autres lignées ont disparu. Cela ne veut pas dire qu’on les a tous tuées, mais que la compétition avec nous a conduit à l’extinction des autres groupes. Ce qu’on ignore, ce sont les détails de ce processus», explique le Pr Barbujani. 
 

C’est pourquoi Album de famille insiste «sur les très nombreuses choses qu’on ne sait pas». «Par exemple, l’intelligence, c’est quoi ? C’est un champ de recherche en constante évolution». Son personnage préféré ? Il avoue un faible pour l’homme d’Oase, vieux de 37 000 ans. «Regardez son visage, on a envie de prendre un café avec lui !» Mais en haut du podium, il place Charles Darwin, dernier Homo sapiens de son ouvrage, «l’un des plus gros cerveaux que notre espèce ait produite». 

Car le naturaliste britannique (1809-1882) a compris avant les autres «qu’au fil du temps les espèces acquièrent de nouveaux organes et se différencient les unes des autres, à partir d’ancêtres communs», devinant que «tôt ou tard on finira par parler de l’Homme». 
 

Copyright 2024 . All Rights Reserved.