Le représentant de la Banque mondiale a confirmé la possibilité pour l’Algérie, évoquée par le président Tebboune, d’atteindre un niveau de PIB de l’ordre de 400 milliards de dollars en 2027.
Abdelmadjid Tebboune réussira-t-il à tenir sa promesse de campagne pour un second mandat dont il dit a qu’il sera «économique par excellence» ? Sa réélection avec plus de 94% des voix va-t-elle lui conférer cette volonté politique nécessaire pour s’attaquer à de vastes chantiers économiques ?
Il y va bien entendu de la problématique du chômage dont on ne connaît pas encore l’ampleur du phénomène en l’absence de chiffres officiels même si l’on s’accorde à dire que la courbe reste encore importante notamment au niveau des jeunes, selon les données des organismes internationaux. Le pouvoir d’achat des ménages est aussi cet autre dossier qui doit accaparer l’attention des autorités qui, selon toute vraisemblance, peinent à maitriser l’inflation dans des seuils acceptables en dépit de multiples tentatives.
Alors que les dernières augmentations salariales ont, en tous cas, davantage concerné la Fonction publique que le secteur économique. Ce sont là deux importants points qui attendent en priorité le locataire d’El Mouradia. La tâche n’est certes pas mince puisque pour y arriver, il faudrait déjà entreprendre toute une batterie de mesures susceptibles de huiler la machine économique de sorte à ce qu’il y ait une croissance économique suffisante pour créer de l’emploi.
Le candidat Tebboune s’est engagé ces dernières semaines depuis Oran sur le chiffre exponentiel de 450 000 emplois à créer durant son nouveau mandat et de porter l’allocation chômage à 20 000 DA. Mais a-t-on déjà fait le bilan sur ce registre afin de mesurer l’effort consenti en la matière ?
Quoiqu’il en soit, les niveaux de croissance sont révélateurs des performances économiques d’un pays. Selon les projections fournies par le président de la Banque mondiale pour l’Algérie, à la mi-juillet dernier, la croissance devrait atteindre 4,2% en 2024, 3,9% en 2025 et 4,0% en 2026.
Dans le même sillage, le représentant de la BM a même confirmé la possibilité pour l’Algérie, évoquée par Tebboune, d’atteindre un niveau de PIB de l’ordre de 400 milliards dollars en 2027. «Nous avons de nombreux indicateurs qui peuvent permettre d’atteindre cet objectif dans deux ans. 2026 pourrait être l’année de décollage et d’aller vers un autre pallier de développement économique», a-t-il indiqué.
Le calcul du PIB (Produit intérieur brut) a en effet été recalculé pour le porter à un niveau supérieur par l’entremise de ce qu’on appelle «le rebasage». «Il y a lieu d’indiquer que le produit intérieur brut (PIB) a été réestimé et revu pour l’année 2022, sur la base des travaux de rebasage des comptes économiques, menés par les services de l’Office national des statistiques (ONS), en prenant comme année de base l’année 2001 au lieu de l’année 1989», note le texte de loi de finances 2024.
Ces travaux consistent donc à reconstituer les nouvelles données économiques en prenant comme année de base l’année 2001 au lieu de 1989, dans une première étape, l’année 2011 en seconde étape et 2022 en troisième tape. «Le rebasage a permis d’ajuster la valeur courante du PIB en 2022, qui s’est répercutée sur les perspectives des années 2023 à 2026».
Et de préciser qu’«il est passé de 27 688,9 mds de dinars (base 1989) à 32 028,4 mds de dinars (base 2001), soit 233,4 mds de dollars». Ce travail devrait donc surtout se poursuivre puisque l’opération sera recommencée deux autres fois. Cela va-t-il changer le quotidien des Algériens ?
Là n’est pas le propos puisqu’il s’agit ici d’améliorer, sur le plan comptable, le PIB et les comptes nationaux. Quant au reste, la création de l’emploi ou la lutte contre le chômage, l’amélioration du pouvoir d’achat des ménages qui doivent être la finalité de toute politique économique requiert des actions de réforme à même d’entraîner la dynamique recherchée.
Quid du marché pétrolier ? La situation actuelle du marché mondial du brut incite à la vigilance, voire à la prudence pour les pays dont une part importante du revenu national dépend des recettes d’exportation de pétrole et gaz à l’instar de l’Algérie. Des experts s’interrogent sur les signes de ralentissement en Chine et de la baisse de la demande aux Etats-Unis. Le brent évoluait au-dessus de 71 dollars mais d’aucuns écartaient l’effondrement du marché pétrolier pour l’heure. La prochaine loi des finances devrait ainsi en tenir compte puisqu’elle est élaborée sur la base d’un prix moyen prévisionnel du marché.
Dans la loi de finances 2024, le déficit budgétaire représente 16,2% du PIB (PIB ancien). Globalement, dans le projet de loi de finances rectifié (PLFR-2023), le déficit budgétaire s’élève à 5780,8 milliards de dinars, les recettes prévues étant de 8926 milliards et les dépenses de 14 706,8 milliards de dinars.
Il faut dire que le déficit s’est creusé durant ces trois dernières années. La Banque d’Algérie, dans un rapport retraçant l’évolution économique et monétaire en 2023, mentionne la dégradation des finances publiques en raison d’une augmentation, durant cette année, des dépenses budgétaires (17,97%) «plus rapide» que celle des recettes budgétaires (12,54%), les dépenses de transferts ayant particulièrement contribué à l’augmentation des dépenses totales, avec une hausse de 27,90%.
Les recettes budgétaires, quant à elles, ont été soutenues par les recettes hors hydrocarbures, qui se sont accrues de 28% entre 2022 et 2023. Au début de l’année en cours, le ministre des Finances, Laaziz Faid, s’est voulu rassurant lorsqu’il a annoncé que la dette est de 15 500 milliards de dinars et est constituée presque totalement de la dette interne. Selon lui, «la dette externe étant quasi insignifiante, le ratio dette/PIB, quand il atteint un taux de 60%, on dit que la dette est soutenable.
Aujourd’hui, le taux d’endettement du pays est de 47% du PIB. C’est-à-dire qu’on a encore une marge de manœuvre pour aller vers le déficit public». La question se pose aujourd’hui de savoir si l’on compte poursuivre de creuser le déficit ? Par ailleurs, d’autres dossiers épineux attendent sur la table.
Il s’agit en l’occurrence d’améliorer la sécurité alimentaire, de mener à bon port la réforme du secteur bancaire et financier qui n’est qu’à ses débuts et de transformer le secteur public économique. Enfin tout un programme... Ce scrutin saura-t-il communiquer l’énergie nécessaire pour ce nouveau quinquennat ?