Réchauffement climatique : Faire pleuvoir sur commande, un rêve immuable toujours d’actualité

19/11/2023 mis à jour: 00:56
AFP
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Les immenses besoins en eau sont encore aggravés par le réchauffement climatique

Manipuler les nuages pour faire pleuvoir ou diminuer la grêle : sur fond de réchauffement climatique, de nombreux Etats redoublent d’intérêt pour ces techniques, au risque de créer des tensions géopolitiques. 

En Australie, la compagnie d’électricité Snowy Hydro achève actuellement sa traditionnelle campagne d’ensemencement dans les Snowy Mountains, la chaîne de montagne la plus haute de l’île-continent.  Le but : augmenter les chutes de neige au moyen de générateurs de particules d’iodure d’argent. Snowy Hydro va ainsi alimenter les réserves d’eau pour produire davantage d’hydroélectricité, explique l’entreprise. 

Que ce soit pour l’agriculture, la consommation humaine ou l’électricité, les immenses besoins en eau sont encore aggravés par le réchauffement climatique. Selon l’ONU, 2,3 milliards de personnes vivent déjà dans des Etats où le manque d’eau pose problème.   Dans ces conditions, nombre de pays tentent de modifier la météo : l’Inde, la Thaïlande, les Etats-Unis, mais aussi la Chine. En 2020, Pékin a publié une circulaire détaillant sa stratégie : selon ce document, la Chine disposera d’un système développé de modification de la météo d’ici 2025. Les Emirats arabes unis mettent aussi les bouchées doubles. Le Centre national de météorologie a ainsi lancé il y a quelques années un programme de recherche d’amélioration de la pluie, doté de subventions de 1,5 million de dollars pour chaque projet de recherche retenu.  

Depuis les incantations aux nymphes de la pluie de l’Antiquité, les espoirs de faire pleuvoir à la demande ne se sont jamais taris. Dès la fin des années 1940, les Etats-Unis ont lancé des tentatives, y compris à des fins militaires : durant la guerre du Viêtnam, «l’opération Popeye» lancée par l’armée américaine consiste à ensemencer des nuages pour tenter de ralentir les troupes de Hô Chi Minh. L’efficacité de la manoeuvre reste sujette à débat. Depuis, les techniques ont relativement peu fluctué, même si des recherches sont en cours. Elles consistent globalement à disperser des particules - iodure d’argent, sel hygroscopique... - dans les nuages, soit par avion, soit par des générateurs ou des fusées depuis le sol. Les mini-particules introduites dans le nuage vont alors en modifier la structure et potentiellement le faire précipiter.Mais l’ensemencement présente des écueils. Notamment car il est difficile d’évaluer l’efficacité réelle des techniques. 

En France, l’Association nationale d’étude et de lutte contre les fléaux atmosphériques (Anelfa), créée au tournant des années 1950, pratique cette technique pour tenter de diminuer la grêle endommageant les cultures agricoles. «L’efficacité reste difficile à évaluer car il y a une grande variabilité de ce phénomène naturel», reconnaît Claude Berthet, sa directrice. «Mais nos relevés montrent une corrélation entre les zones qui ont reçu de l’iodure d’argent et celles qui ont reçu le moins de grêle.» Snowy Hydro parle de son côté de 14% de neige en plus dans les Snowy Mountains lors des campagnes d’ensemencement. 

Ce n’est qu’un aspect du problème. «L’idée principale dans le cadre du changement climatique, c’est que nous allons vers une raréfaction des ressources en eau, ce qui va produire de plus en plus de conflits sur ces ressources», avertit Marine de Guglielmo Weber, chercheuse à l’Institut de relations internationales et stratégiques, qui a consacré sa thèse au sujet. Dans ce cadre, «les techniques présentées comme pouvant forcer un nuage à précipiter alors qu’il aurait normalement pris plusieurs heures pour le faire vont devenir de plus en plus propices au conflit». 

En 2018, un haut cadre iranien a par exemple accusé Israël d’avoir volé les nuages iraniens.  Or, déplore l’écrivain et ancien avocat Mathieu Simonet, qui vient de publier un récit sur le sujet, il n’existe pas de droit international des nuages. «Les nuages correspondent à un bien commun, donc il faut des règles communes pour le partager», plaide-t-il. «Surtout, il faut que ces règles communes ne soient pas déterminées par l’endroit géographique où l’on se trouve : les nuages circulent partout. De la même manière, il ne faut pas que ce soit déterminé par les capacités et la richesse techniques de tel ou tel pays.» 

En attendant, l’auteur écume la France pour militer pour la reconnaissance d’une journée internationale des nuages.  
 

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