Le GIEC vient de publier le troisième volet du même rapport d’évaluation. Ce rapport fait suite aux deux premiers sur le diagnostic et les conséquences. Le troisième volet porte plutôt sur les scénarios d’atténuation visant à limiter le réchauffement climatique et les impacts de l’élévation de la température. Décryptage avec Samir Grimes, expert en environnement et changement climatique. Onze messages qu’il faut retenir, selon l’expert.
1. Agir rapidement et de manière ambitieuse devrait être notre première option si on veut réellement, à moyen terme,infléchir la trajectoire climatique, d’autant que les dix dernières années ont été marquées par des émissions mondiales annuelles moyennes de gaz à effet de serre les plus élevées de l’histoire de l’humanité, même si le taux de croissance a quelque peu ralenti.
Ce rapport vient nous rappeler à travers les scénarios élaborés par les experts du GIEC qu’il n’est pas trop tard pour agir de manière ambitieuse même si la fenêtre de l’action climatique se rétrécit de plus en plus.
L’intitulé du rapport «Limiter le réchauffement à +1,5°C ou +2°C, c’est maintenant ou jamais» traduit parfaitement cette urgence absolue. La courbe doit commencer à s’infléchir en 2025 pour espérer être au rendez-vous de 1.5°C-2°°C de réchauffement climatique, soit autour de 43% de réduction pour espérer 1.5°C et de 25% de réduction des émissions de GES pour atteindre la cible de 2°C.
La température ne pourra être stabilisée sans neutralité carbone. Selon ce rapport, pour 1,5°C, il faudra atteindre des émissions nettes de CO2 nulles à l’échelle mondiale en 2050 et pour 2°C, il faudrait l’atteindre en 2070.
2. Ne pas minimiser ni sous-estimer l’ampleur des dégâts qui seront engendrés par la non- action et la non-maîtrise des émissions de gaz à effet de serre. Chaque degré, chaque fraction de degré de température aura des conséquences, parfois désastreuses sur la vie sur terre et dans les océans.
3. Tout retard dans l’action et toute ambition minimisée engendreront une lourde facture. Celle-ci sera lourde non seulement dans son volet financier mais également et surtout en termes de pertes et dommages occasionnés aux infrastructures et équipements publics, en vies humaines et de manière globale en termes de développement.
4. En dépit du fait que l’action climatique mondiale n’est pas encore à la hauteur du défi climatique, on observe, quand même, un peu partout dans le monde une multiplication des actions et des mesures de types atténuation des émissions de GES ou adaptation au changement climatique à différentes échelles spatiale et temporelle.
5. L’agriculture et l’industrie forestière ont un rôle primordial mais non suffisant pour stocker le CO2. La planète n’a plus les capacités de compenser les émissions humaines et par voie de conséquences, la seule possibilité qui subsiste c’est la réduction de ces émissions (anthropiques) de manière volontaire et ambitieuse.
6. Il faut absolument revoir, repenser et adapter le modèle de développement à travers des décisions difficiles, courageuses et en même temps nécessaires sur la remise en question des modes de consommation et de production et les comportements individuels dans les sociétés. Les forces motrices du changement climatique sont à travailler au niveau des drivers socio-économiques, démographiques et d’aménagement du territoire.
7. De nombreux secteurs peuvent agir pour atténuer les émissions de GES, en particulier l’énergie et l’industrie qui sont à l’origine de respectivement 34% et 24% des émissions de CO2 mais également l’agriculture, la sylviculture et le changement d’affectation des sols qui cumulent 22% des émissions mondiales de CO2. Les émissions mondiales dues aux transports sont de 15% et celles du bâtiment de 6%.
Dans tous ces secteurs d’activité, il est possible d’amorcer une véritable transition, voire, une transformation des modes de consommation et de production pour les rendre plus vertueux vis-à-vis du climat et de l’environnement. Le rapport du GIEC identifie des solutions et secteurs d’opportunité de développement «climato-compatibles», notamment à travers de nouveaux procédés de production, l’électricité décartonnée, l’hydrogène.
Les travaux de recherche développés récemment ouvrent également, de nouvelles perspectives en matière de systèmes de capture et de stockage du carbone. L’économie circulaire, la réutilisation des matériaux, le recyclage des produits et la réduction des déchets sont également des segments qui sont identifiés comme prioritaires pour la réduction des émissions de GES.
Les options sont diverses et variées et les coûts de la technologie «amis» du climat sont de plus en plus accessibles ; c’est le cas des coûts de l’énergie solaire, de l’énergie éolienne et des batteries qui ont diminué de manière substantielle, depuis 2010 et atteignent dans certains cas une diminution de 85%.
Les villes sont une niche appréciable où la diminution des gaz à effet de serre peut être importante, notamment dans les espaces urbains. Les villes intelligentes sont des espaces où il est possible d’agir sur tous les secteurs d’activité (secteurs de consommation et de production).
8. Les politiques publiques doivent encourager, inciter, accompagner et soutenir toutes les solutions qui sont apportées, soit par les secteurs économiques, ceux de l’innovation ou de la gouvernance et visant à réduire les émissions de GES et s’adapter au changement climatique.
9. Une meilleure coopération internationale pourrait aider à développer un cadre pour une action internationale mieux coordonnée, plus efficace et avec une meilleure efficience.
10. L’innovation et l’investissement sont indispensables à une action climatique ambitieuse.
11. Il existe suffisamment de financements pour actionner la cible +1,5°C ou +2°°C, toutefois, c’est la volonté réelle qui manque et système de financement transparent et traçable qui fait défaut.