Quartiers lointains – Saison 7 à l’institut français de Constantine : Métamorphose(s) portée(s) au cinéma

22/10/2024 mis à jour: 00:00
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Scène du film «Terre d’ombres» de Fatima Kaci

Dans l’obscurité presque totale, un faisceau de lumière éclaire légèrement deux stèles. Un zoom laisse apparaître un croissant et une étoile. C’est la tombe d’un musulman. D’un ton faible et à peine compréhensible, la voix off d’un vieil homme raconte un drame, le décès d’un Algérien sur le chemin de fer. 

Le jour se lève sur le cimetière musulman de Bobigny à Paris, datant de l’époque coloniale. Un lieu relégué au milieu d’une zone industrielle où des tombes font face à des chantiers ou une ferraille pour voitures. C’est la où la réalisatrice franco-algérienne Fatima Kaci est allée à la rencontre de femmes, d’hommes et de jeunes, dont certains sont venus de loin pour se recueillir sur les tombes de leurs proches. Un moment saisi pour la prière, les rituels, mais aussi pour l’entretien d’une tombe ou la remise en l’état d’une stèle. 

Dans son documentaire Terre d’ombres, Fatima Kaci montre avec ingéniosité des personnes qui viennent dans ce lieu parce qu’elles ont besoin de parler à leurs morts, avec le sentiment que ces derniers les entendent. Une manière d’exprimer aussi un très fort attachement à la mémoire de ces personnes, mais aussi aux traditions surtout quand il est difficile de rapatrier les morts vers leurs pays d’origine, pour diverses raisons. 

C’est ce qu’on ressent chez cette vieille dame qui ne retient pas ses larmes devant la tombe de son fils auquel elle demande de lui pardonner. Dans le documentaire de Fatima Kaci, c’est souvent le silence qu’on entend le plus. Un état qui exprime les questions d’existence, de survie et d’adaptation à une nouvelle culture, dans des sociétés où on vit, mais on ressent en même temps qu’on est étranger et incompris parce qu’on a une autre culture et une autre identité.

 Ces questions qui s’agitent dans les esprits de la diaspora africaine et cette problématique des transformations subies durant l’exil ont été choisies comme thème de la Saison 7 du programme «Quartiers Lointains», intitulé «Métamorphose(s)» et qu’on retrouve également dans le film d’animation On the surface de la Franco-Malienne, Fan Sissoko, évoquant les méditations d’une femme noire sur le fait d’élever un enfant dans un pays où elle reste étrangère. 

Dans le court métrage Bulles d’air du Franco-Sénégalais Daouda Diakhaté, on vit l’histoire d’Omar qui sort d’un long séjour en hôpital psychiatrique, mais qui n’arrive pas, malgré sa bonne foi, à se libérer de sa dépendance à la drogue, après avoir constaté avec amertume que sa petite amie l’a abandonné, alors qu’il reste encore mal vu par son entourage. Ne supportant plus sa situation, il tente de s’immoler par le feu, mais échoue face au regard de sa petite sœur, avant de se retrouver encore une fois en hôpital psychiatrique. Ce ne sera pas le cas d’Aden, qui joue le rôle d’une coiffeuse dans le film Anansi d’Aude N’Guessan Forget, qui parvient à surmonter sa maladie grâce au soutien de ses amies. 

Projetés, mardi 15 octobre, à l’Institut français d’Algérie à Constantine (IFAC), ces quatre courts métrages ont été sélectionnés dans la thématique «Métamorphose(s)» pour la saison 7 du programme «Quartiers Lointains» qui s’intéresse aux œuvres des réalisateurs de la diaspora africaine. 


Soutien aux courts métrages

En l’absence des réalisateurs pris par d’autres engagements, c’est Claire Diao, journaliste et critique de cinéma franco-burkinabè, à l’initiative du programme «Quartiers Lointains», qui était présente à l’IFAC pour animer les débats. Interrogée par El Watan sur le choix de villes algériennes pour abriter cette saison 7 de «Quartiers Lointains», Claire Diao a expliqué que cela a été possible grâce à l’initiative de l’Institut français d’Algérie, ce qui a permis d’organiser une tournée au profit des cinéphiles et du public algériens à Constantine, Annaba, Alger et Oran, tout en rappelant que la première saison de «Quartiers Lointains» a été abritée en 2013 par la cinémathèque de Béjaia. «Nous avons constaté il y a des années que le principal problème des réalisateurs des courts métrages est la diffusion de leurs films pour qu’ils soient connus du public et provoquent des débats ; c’est pour cela que nous avons créé une société de distribution dont la mission est d’assurer la diffusion des films d’Afrique et de la diaspora. 

D’où le but du programme itinérant «Quartiers Lointains» qui aborde à chaque fois un thème en fonction de l’actualité et des courts métrages réunis», a révélé Claire Diao lors du débat ayant suivi les projections. «Après les thèmes de l’identité, la famille, l’amour à la française, la justice, l’image de soi et l’afrofuturisme, nous avons choisi cette année la problématique de l’existence dans les sociétés à travers le thème Métamorphose(s), alors que le thème de la résistance sera au menu de la saison 8», a-t-elle ajouté. 

«Depuis le début de ce programme en 2013, nous avons pu projeter les films de 30 réalisateurs ; plusieurs d’entre eux que nous avons aidés à diffuser leurs œuvres, ont réussi à voler de leurs propres ailes en décrochant des prix dans divers festivals à travers le monde», a conclu Claire Diao.  

 

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