Sur son lit d’hôpital à Bangkok, un patient âgé relié à un enchevêtrement de tubes a du mal à respirer. La Thaïlande fait face à une «hausse énorme» des problèmes respiratoires, causée par un pic de pollution atmosphérique.
La femme du patient tient sa main et caresse son visage, pendant qu’une infirmière en blouse bleue applique un stéthoscope sur sa poitrine. Il peine à chaque respiration. Quelque 2,4 millions de personnes en Thaïlande ont eu besoin de traitements médicaux pour des problèmes liés à la pollution de l’air depuis le début de l’année, dont 200 000 personnes juste cette semaine, selon les autorités sanitaires.
Bangkok et la ville septentrionale de Chiang Mai figuraient vendredi parmi les 10 villes les plus polluées du monde, selon la société de surveillance de l’air IQAir. Piamlarp Sangsayunh, une spécialiste des maladies respiratoires à l’Institut central du thorax de Thaïlande, dit avoir constaté une «hausse énorme du nombre de patients depuis février», qui «présentent généralement des problèmes respiratoires comme la toux, le mal de gorge» ou les yeux irrités.
Les personnes âgées sont les plus sensibles à la pollution atmosphérique, qui peut aggraver des maladies déjà présentes et obliger à les mettre sous oxygène, explique l’experte. Selon elle, ceux qui travaillent en extérieur - telle la vaste armée de vendeurs de rue et de moto-taxis de Bangkok - sont «en première ligne».
Uraiwan Chantana, qui vend des boulettes de poisson dans le quartier commerçant du centre de Bangkok, dit qu’inhaler l’air toxique chaque jour a fini par l’épuiser. Mais elle ne peut pas fermer son stand, n’ayant pas d’autre source de revenus. «Je sens une douleur brûlante dans mon nez et je tousse régulièrement», raconte-t-elle.
«J’ai le souffle coupé quand je monte des escaliers, ce qui ne m’arrivait pas avant». Le représentant de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) en Thaïlande, Jos Vandelaer, souligne que la pollution atmosphérique est non seulement un problème de santé publique, mais qu’elle affecte aussi la productivité de l’économie.
«Quand les gens sont malades, ils ne peuvent pas aller travailler, il y a une réduction de l’activité économique», résume-t-il. Le coût de la pollution de l’air en Thaïlande en 2019 a représenté 63,1 milliards de dollars, ou 11% du PIB, selon Witsanu Attavanich, économiste environnemental à l’université Kasetsart de Bangkok.
L’une des principales menaces est constituée des particules fines PM2.5 qui peuvent pénétrer profondément dans les poumons et même transiter dans le sang. Selon IQAir, la concentration moyenne en PM2.5 en Thaïlande a dépassé de 3,6 fois la norme fixée par l’OMS en 2022. «Dans le long terme, il y a plus de risques d’infection respiratoire.
Si les gens ont de l’asthme, il peut s’aggraver, les gens peuvent développer des maladies chroniques des poumons, même le cancer», dit M. Vandelaer. «Ce qui est moins connu, c’est que les PM2.5 peuvent causer des maladies cardiovasculaire augmenter le risque d’AVC ou d’infarctus», ajoute-t-il.
La pollution de l’air figure comme facteur contributeur dans environ 31 000 décès en 2019 en Thaïlande, selon les données de l’OMS. La fumée des feux de forêts, celle des brûlis des agriculteurs tout comme les émissions des véhicules et celles de l’industrie lourde figurent parmi les principales causes de pollution atmosphérique dans le royaume de 70 millions d’habitants.
Le phénomène climatique El Nino, avec ses températures extrêmes, exacerbe lui aussi le problème en Asie du sud, selon les experts. A l’approche des élections du 14 mai prochain, la question est débattue dans la campagne électorale, le gouvernement actuel étant accusé de ne pas faire grand chose. «Il faut résoudre le problème à la racine, en tant que médecin je ne fais que traiter les conséquences», dit le docteur Piamlarp.