Une année après la sortie du premier tome (I-Les chemins de traverse) de son roman Le passé ressuscité relatant les pérégrinations d'un jeune cadre algérien (Ferhat) face aux pesanteurs administratives et socio-culturelles qui minent la société ultra conservatrice dans laquelle il évolue avec son épouse (Hassina), l'essayiste Abdelkader Hammouche vient tout récemment de livrer, comme promis, son second opus qui s'inscrit dans la même lignée chronologique aussi bien littéraire que romanesque.
Il s'agit en fait du prolongement du récit initial qui nous emmène cette fois dans l'atmosphère imprevisible des banlieues parisiennes où le couple Ferhat et Hassina ,accompagné désormais de leurs deux enfants, ont élu refuge pour fuir le terrorisme qui sévissait en Algérie.
Une nouvelle vie est donc la suite naturelle de cette «saga» familiale d'un genre tout à fait anodin qui plonge les personnages centraux de cette fiction un peu linéaire dans un univers social et émotionnel captivant par ses rebondissements et déroutant par le lot de ses tournures pour le moins miraculeuses.
En effet, contrairement aux exilés de tous bord et aux migrants volontaires qui connaissent des fortunes plutôt poignantes et déchirantes, confrontés à la réalité amère de leur nouvelle existence sur le sol étranger, celle du couple algerois aura été une succession de «bénédictions» qui leur a valu une insertion progressive tendant toujours vers le bon côté de la médaille.
C'est un peu comme le rêve américain, où parti de rien, tout devient possible, il suffit juste d'y croire. Une parenthèse s'impose à ce propos pour dire que rares sont les témoignages des intellectuels algériens sur les dures épreuves subies en terre d'exil dans laquelle les a jetés le terrorisme. Racontées ça et là, ceux-ci donnaient sur cette vie de déracinés une impression de dégradation humaine douloureuse et combien pénible à supporter, surtout lorsqu'on débarque complètement démunis devant l'adversité et l'inconnu.
A ce sujet, Abdelkader Hammouche a tenu à nous préciser que la désespérance étant déjà à son paroxysme au pays avec les assassinats intégristes au quotidien, il a délibérément fait le choix de donner un avenant optimiste au récit. L'aventure qu'a vécue ainsi la famille Draouche en arrivant en France était certes truffée d'imprévus, mais ressemblait d'avantage à une tribulation empreinte d'une extraordinaire «félicité» qu'à un rude parcours du combattant où le moindre écueil traversé, le moindre espace conquis dans le feu de la vie quotidienne prenait l'allure d'un affranchissement inespéré.
Grâce au sérieux, à la bonne conduite, à l'abnégation, à la persévérance et au respect des valeurs sociétales dont ont fait preuves ses personnages, l'auteur a certainement voulu nous adresser un message entre les lignes selon lequel la réussite sociale est possible sous le ciel hexagonal si ces critères sont scrupuleusement respectés.
Le cheminement de ce couple incroyablement fusionnel avec leurs enfants, doté d’une patience à toute épreuve et d’une croyance profonde en la destinée divine, atteste s’il en est de cette «baraka» providentielle qui a été omniprésente dans leur itinéraire au moment des doutes paralysants et des attentes insupportables. Le récit rapporté dans un style très simple, très fluide, repose sur une histoire à la limite banale sans énigmes ni soubresauts dramaturgiques.
C’est l’aventure d’une famille d’exilés algériens qui, sans argent, sans papiers, sans repères ni perspectives, complètement désorientés, débarquent en France pour tenter de survivre en fuyant la menace terroriste et qui quelques années plus tard se retrouve dans une posture sociale très enviable à la tête d'une agence immobilière très prospère, d'un beau et spacieux pavillon dans une proche banlieue parisienne, avec des ressources financières appréciables et une scolarisation sans faille des enfants.
En somme, une intégration parfaite dans la société française à l'abri des besoins que n'importe quel exilé voudrait faire sienne. Ce statut est l'aboutissement d'une persévérance et d'une opiniâtreté remarquables auxquelles n'ont pas failli Hassina et Ferhat. C'est bien entendu grâce surtout au sens de l'anticipation de ce dernier en tant que chef de famille que les Draouche ont pu se frayer une place respectable dans un monde où il ne faut jamais abdiquer.
Il a commencé comme serveur au noir dans un restaurant tenu par un compatriote, puis chef de rang dans le même établissement avant de changer de registre comme agent immobilier dans une agence réputée pour enfin aboutir comme directeur et propriétaire de sa propre société immobilière, alors que licencié en droit cette orientation professionnelle n'a jamais fait jusque-là partie de ses attributions. Ferhat à rencontré, pour ce faire, au bon moment les bonnes personnes (M.Robert, M.Baracas, M.Berstein) qui lui sont venues en aide en lui mettant les pieds à l'étrier.
Cette chance miraculeuse à chaque fois rappelée par son épouse Hassina comme une offrande céleste va suive le couple durant tout son parcours pour régler ses problèmes administratifs alors qu'il était en situation irrégulière, de logement et de travail. Quand on sait que celui-ci, en arrivant en France, n'avait comme point de chute que le gîte que lui accorda son ex-belle-sœur dans son étroit appartement parisien, on se dit que son ascension patiemment construite autour d'une conduite irréprochable ne peut relever que du miracle.
Mais le plus surprenant dans cette tribulation, qui reste, ne l'oublions pas une fiction assez débordante d'imagination, bien qu' inspirée de faits réels, c'est le retour au pays de la famille (sans la fille qui a préféré rester dans le pays d'accueil où elle a grandi et fait ses études) en laissant derrière elle une situation sociale très florissante et une carrière d'avenir rassurante.
Sur ce retour qui demeure quoiqu'on dise une exception n'attirant pas beaucoup d'adeptes, hormis les utopistes, l'auteur a certainement voulu nous faire prendre conscience que quelles que soient les circonstances, l'amour de la patrie est plus fort que tout. Même si Hassina redécouvre une Algerie, certes, de nouveau normalisée sur le plan sécuritaire mais où le hidjab et le kamis ont proliféré de manière très visible. Un signe évident de changements dans la société, qui fait qu'entre la fiction et la réalité, on se perd un peu en conjecture.
Cela dit, le roman s'articule sur un style d'écriture assez original. De la première partie à l'Épilogue, sur les 197 pages qu'on peut avaler d'un trait, Ferhat et Hassina se partagent le rythme de la narration avec le même sens de la précision.
bio-express
Avocat, inscrit au barreau d’Alger, Abdelkader Hammouche appartient à la nouvelle génération de romanciers algériens. Il a pratiqué le journalisme au sein du célèbre hebdomadaire Algerie-Actualités dans les années 80, avant de devenir un passionné de l’éxercice littéraire qui a déjà, à son actif, de nombreux romans et essais, tous sortis de la maison d’édition Barkat à laquelle l’auteur témoigne une grande fidélité.