Procès de l’affaire des SMS : Saïd Bouteflika cherche à se blanchir

25/04/2023 mis à jour: 04:09
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Said Bouteflika en compagnie de l’ancien patron du FCE, Ali Haddad

Le procès en appel de l’affaire dite des SMS échangés entre Saïd Bouteflika, frère et conseiller du défunt Président, et des hommes d’affaires a repris hier à la chambre pénale près la cour d’Alger, avec l’audition des nombreux prévenus. 

D’abord Saïd Bouteflika, qui apparaît sur l’écran à partir de la prison de Sid Echeikh, à El Bayadh, où il est détenu. Jugé à distance, il commence par dénoncer le fait qu’il ne soit pas présent physiquement car le système de visioconférence reste, selon lui, une «régression» en matière de droit à la défense en raison d’une connexion mauvaise et de coupures récurrentes de la communication. 

«Les procès à distance mettent en danger le sort des prévenus. Aucun pays développé n’utilise cette méthode qui met en péril le sort des justiciables. C’est une régression en matière de droit à la défense», déclare-t-il. Il évoque les griefs retenus contre lui, puis précise qu’il a déjà été jugé pour ces faits. 

La juge l’interroge sur le financement de la chaîne de TV privée Amel TV appartenant à Aboud Hicham. 

«J’ai déjà obtenu un non-lieu pour cette affaire. J’ai vu dans le dossier des sommes de 700 000 et 400 000 euros que j’aurais données à Aboud Hicham. Comment puis-je lui envoyer de l’argent ? Toute cette affaire repose sur une lettre anonyme», répond S. Bouteflika. 

La juge l’interroge sur sa relation avec Ali Haddad, les frères Kouninef, Ahmed Mazouz, Mahieddine Tahkout et Mohamed Bairi. 

Il répond : «Ali Haddad et les frères Kouninef sont de très chers amis. Les autres, j’ai eu peut-être l’occasion une ou deux fois de les voir, mais qui ne les connaît pas ?» Puis il revient sur les perquisitions effectuées à ses deux maisons à Alger, en disant qu’elles ont eu lieu en février 2019, mais ce n’est que huit mois plus tard que son inculpation a été faite. «Est-ce légal de perquisitionner avant d’inculper ? Il y a eu des choses graves durant cette perquisition.»

La juge : «Ils ont trouvé un chèque de Mahieddine Tahkout.» Une question qui suscite la réaction de Tahkout, jugé à distance à partir de la prison de Babar à Khenchela. 

«C’est un chèque de Rebrab. Il ne m’appartient pas», crie Tahkout. 

Saïd Bouteflika poursuit : «Les charges ont été dirigées contre moi dix mois après la perquisition. Des pièces récupérées n’ont pas été scellées et l’inventaire non effectué. J’étais avec le juge d’instruction à qui j’ai dit que la perquisition était illégale. Il s’est énervé et m’a menacé en m’interdisant de parler de la loi. L’affaire Amel TV a déjà été jugée, elle doit être retirée. J’étais conseiller du Président, comment puis-je donner des avantages ? On a créé une affaire de listing de SMS entre 2017 et 2019 pour gonfler mon dossier. Pourquoi uniquement cette période ?» 

Saïd Bouteflika revient sur les événements qui ont précédé son incarcération le 30 mars 2019. «J’étais assigné à résidence et deux jours avant la démission du Président, soit le 30 mars, j’ai été arrêté sur la base de communications et déféré devant le tribunal militaire», a révélé le prévenu, qui dénonce : «On m’accuse d’avoir accordé d’indus avantages. J’étais conseiller à la Présidence, je n’avais pas les prérogatives d’attribution des marchés. On pourrait m’accuser d’avoir intercédé, mais y a-t-il eu un seul ministre ou responsable qui s’est plaint de pression de ma part au profit d’un des hommes d’affaires ? Rien. Toutes les charges reposent sur des supputations. J’ai déjà été jugé, et j’ai obtenu la relaxe, pour abus de fonction et dissipation de biens. Pourquoi suis-je toujours poursuivi ? Lorsque nous sommes devant la falsification et la dissipation de documents que reste-t-il de la justice ? Je ne suis pas poursuivi pour corruption. Tout ce que je possède est sur cette page que vous avez dans le dossier. Je n’ai qu’un seul logement, acquis grâce à mes revenus de conseiller durant 20 ans.» 

Après Saïd Bouteflika, c’était le tour des frères Kouninef, propriétaires du groupe Kouninef, de se présenter devant la barre. 

«Nous faisions arriver de l’électricité dans de nombreux villages»

Le premier est Karim-Abdelkader Kouninef qui explique, à propos de ses liens avec Said Bouteflika, qu’il s’agissait de relations d’amitié. Sur ses comptes en Suisse et son bien immobilier en Espagne, il affirme avoir déjà été jugé et condamné pour cette affaire en 2019. «J’ai déclaré tous mes biens au juge», dit-il avant que la juge ne lui fait remarquer que ces biens ont été révélés par les réponses aux commissions rogatoires. 

«C’est mon argent que j’ai économisé entre 1990 et 2004. J’avais aussi de l’argent sur un compte ouvert à ma naissance en 1970, en Suisse, par ma grand-mère maternelle. Je n’ai jamais transféré de fonds vers la Suisse. Les documents de la Banque d’Algérie le prouvent. Beaucoup de choses ont été dites à propos de notre affaire. Tout le monde parle de preuves que nous ne trouvons nulle part dans le dossier. Il y a eu une manipulation des médias pour nous culpabiliser avant même d’être jugés», assure-t-il. 

Le prévenu revient sur son travail dès l’âge de 16 ans, dans l’entreprise que son défunt père a créée en 1970 et qui, selon lui, était très prospère dans l’ouest du pays, puis dans le Sud avec des sociétés pétrolières privées. 

«Elle avait 400 engins et faisait travailler 2000 employés. Durant la période du terrorisme et avec le départ de nombreuses entreprises étrangères, nous avons beaucoup travaillé. Nous faisions arriver de l’électricité dans de nombreux villages isolés, notamment à Jijel. Ce qui a été dit sur notre entreprise est faux. Ils voulaient nous dépouiller de nos biens. Ils sont venus à 23h perquisitionner nos maisons. Ma tante, qui avait plus de 70 ans, a été terrorisée.» 

Il cède sa place à son frère Réda qui abonde dans le même sens et précise : «Sept millions d’Algériens ont eu de l’électricité grâce aux projets réalisés par notre entreprise. Les 14 dernières rames du métro d’Alger ont été réalisées par KouGC. Nos activités étaient nombreuses, des représentations de Bosch, de General Motors entre 1994 et 1998, importation de sucre et de matériaux de construction. 4200 employés et 47 milliards de dinars payés aux impôts, 12,27 milliards de dinars versés à la Cnas, alors que notre niveau de financement bancaire était de 450 millions de dinars. Avec tout cela, on nous présente comme une organisation criminelle». 

La présidente l’interroge sur sa relation avec Saïd Bouteflika et Kouninef répond : «C’est un ami. Mais avez-vous trouvé un seul ministre, prévenu ou fonctionnaire s’étant plaint d’une quelconque pression à cause des Kouninef ? Personne. Je n’ai jamais vu quelqu’un poursuivi pour ses communications téléphoniques ou SMS.»

La juge le ramène à l’achat de la villa appartenant à l’ambassade de France et située à la rue Sfindja, à El Biar, Alger. «Cette villa appartenait à l’Etat français pas à l’ambassade. Je l’ai acquise à la suite d’un avis d’appel d’offres pour plusieurs biens.» 

Interrogé sur ses comptes suisses, le prévenu affirme qu’il s’agit d’un seul avec des sous-comptes pour pouvoir utiliser d’autres monnaies que le franc suisse. 

«J’ai été condamné à 10 ans juste parce que j’avais 400 000 francs suisses, soit l’équivalent de 38 millions de dinars, sur mon compte, et sous prétexte que je n’avais pas d’activités en Suisse, on me condamne pour blanchiment d’argent, et parce que j’ai été poursuivi pour trafic d’influence bien avant, on décide que ces 400 000 francs constituent des fonds blanchis. Je ne suis pas poursuivi pour corruption. La société des Kouninef n’a pas été créée en 1999 comme on a voulu le faire croire à l’opinion publique. Les Kouninef n’ont pas le monopole des marchés publics. La société italienne Rizzani a obtenu un marché de gré à gré d’un montant de 2,6 milliards de dollars, qui correspond au double de la totalité des marchés attribués à KouGC en 20 ans. Où est donc le monopole ? Dans cette affaire, le Trésor a réclamé 500 milliards de dinars à tous les condamnés, mais dans la décision du tribunal, c’est aux Kouninef qu’elle est infligée parce que dans mon compte suisse il y avait 400 000 francs. Est-ce cela la justice ?» 

Les auditions se poursuivaient, tard dans la journée, avec le reste des prévenus. L’audience reprend aujourd’hui devant la chambre pénale près la cour d’Alger.  

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