La carpe d’eau douce retrouve peu à peu sa place dans les traditions culinaires des Chélifiens, notamment chez les habitants de la ville et les riverains de l’oued Cheliff où vivait essentiellement ce type de poisson avant sa disparition suite à l’assèchement de ce cours d’eau depuis les années 80.
Il s’agit d’un cours d’eau longeant la ville de Chlef et le long duquel s’alignaient régulièrement les amateurs férus de la pêche à la canne pendant que des riverains proches du petit barrage entourant l’ancienne minoterie (encore debout) sur les berges de ce mythique oued utilisaient leur propre technique pour encercler les barbeaux et les carpes, et les capturer en masse à l’aide de sacs en jute !
Entre les anciens habitants et la carpe, il y a donc une vieille histoire d’amour tant la pêche était une passion qui devint rapidement une façon de vivre au point que la consommation de ce type de poisson était une spécialité locale demeurant fortement ancrée dans les traditions du terroir. Aujourd’hui, on note avec satisfaction un retour à cette tradition grâce à la stratégie de l’Etat en matière d’élevage de ce type de poisson dans les deux barrages hydrauliques que compte la wilaya et ailleurs.
Les résultats escomptés ne se sont pas fait attendre, puisque la carpe commence à inonder les étals, en particulier dans les villes voisines de Chlef et de Chettia, les plus grandes communes de la wilaya en termes d’habitants.
Sa commercialisation entre 200 et 300 DA la pièce pesant plus de 500 gr jusqu’à 01 kg, suscite visiblement l’engouement des ménages et des citoyens fréquentant les marchés de proximité en ce mois de Ramadhan. Les consommateurs interviewés disent préférer ce produit d’élevage d’eau douce pour son bon rapport qualité/prix, sa disponibilité et son apport adéquat en protéines et vitamines bénéfiques pour la santé humaine.
Autre avantage : la préparation de la carpe à la maison ou chez les restaurateurs obéit à des recettes de territoire, plus faciles à cuisiner et donnant lieu à des plats de poisson frit délicieux, après avoir été mariné au vinaigre afin de lui enlever son gout de vase.
Cela se fait généralement selon la recette traditionnelle de cuisson à la poêle, un héritage culinaire familial transmissible s’appuyant sur un savoir-faire reconnu dans ce domaine. Même si ce type de poisson est plus commandé chez les restaurateurs rapides et les commerces de proximité, il y a quand même certaines familles qui préfèrent sa cuisson au four, en particulier pour ce qui est des grosses pièces.
Mais comment la carpe d’eau douce est-elle produite et par quel circuit arrive-t-elle au consommateur ?
Une activité économique rentable
Pour le directeur de la pêche et des ressources halieutiques de la wilaya, Hocine Mellikech, l’élevage de la carpe dans les barrages est devenu une activité économique réglementée dont l’exploitation à l’intérieur du plan d’eau est assurée par trois concessionnaires selon les conditions définies par la loi en vigueur.
Ces derniers disposant des moyens adaptés aux tâches à effectuer selon les conditions définies, ont bénéficié, précise-t-il, d’une autorisation d’exercice d’une durée d’un an renouvelable, ce qui leur permet de créer de l’emploi et d’approvisionner le marché local en ce produit source de protéines qui se vend bien sur les marchés locaux.
Il a fait savoir à ce propos que les quantités de carpe récoltées en 2023 s’élèvent à 27,3 tonnes, provenant de l’ensemencement des alevins de différentes carpes chinoises (carpe à grande bouche, carpe dorée, carpe royale et carpe commune). La pisciculture a également été intégrée à l’agriculture, notamment pour améliorer la qualité d’eau d’irrigation et le rendement des cultures agricoles dans la région, a indiqué le directeur de la pêche et des ressources halieutiques de la wilaya.
Il insiste justement sur la dimension socioéconomique de l’aquaculture et ses perspectives de croissance prometteuses dans la wilaya et au niveau national.