Sur une chaîne de télé privée, un député membre de la commission des finances de l’APN a demandé «pardon» à la population pour avoir «manqué de vigilance» en avalisant la batterie d’impôts et de hausses fiscales de divers produits de consommation dans la loi de finances 2022.
Ces mesures-là, le président de la République a dû les geler au cours d’un historique Conseil des ministres qui s’apparentait à un désaveu profond du gouvernement, du Premier ministre et du Parlement. Ce député, qui a promis que la prochaine fois il sera moins «complaisant» vis-à-vis du gouvernement, n’envisage pas la démission. De facto, il s’octroie une sorte de «droit à l’erreur», tout comme ses pairs des deux Chambres parlementaires qui, jusque-là, n’ont pas réagi, préférant faire profil bas et attendre que l’orage passe.
Est bien loin le temps des discours des campagnes électorales, lorsque les candidats à la députation s’étaient «engagés» à rompre avec les anciennes traditions parlementaires du «béni-oui-ouisme». Ne s’étaient-ils pas engagés à veiller en priorité, et à tout moment, sur les intérêts des citoyens avant de suivre le gouvernement dans sa tentative de préservation, coûte que coûte, des équilibres budgétaires de l’Etat ? En bloc, les parlementaires se sont alignés derrière le Premier ministre, avant tout ministre des Finances, dans sa quête effrénée de récolte du maximum de ressources fiscales pour faire face au déficit abyssal du Trésor public et financer les folles dépenses étatiques fixées pour l’année 2022. La messe était dite dès le milieu de l’année 2021 : l’Etat ne devra pas compter sur les rentrées des exportations des hydrocarbures, à ce moment-là extrêmement faibles, mais sur les citoyens pourtant sur la pente descendante de la misère sociale amorcée en 2014 et aggravée par l’épidémie de Covid-19.
Comment a-t-on pu arriver à cet aveuglement ? La chaîne des responsabilités gouvernementales est longue, elle est pyramidale. En dessous du chef de l’Etat et du Premier ministre, il y a tous ces ministres, conseillers et directeurs centraux qui n’ont pas assumé leur fonction d’alerte, et bien entendu, les innombrables élus dits de la nation. Parce qu’il n’a pas été sensibilisé sur la dangerosité du projet de loi de finances 2022, le président de la République n’a pas exigé une nouvelle mouture en Conseil des ministres avant son adoption et son passage au Parlement. Il s’est toutefois «rattrapé» en prenant la décision de geler les hausses des taxes et impôts, au grand soulagement de diverses catégories de la population, in extremis, car quelques mois de mise en application auraient probablement mis le feu aux poudres. L’Algérie n’aurait vraiment pas eu besoin de ça au moment où elle traverse le Ramadhan et un été, de feu et de sécheresse, de tradition toujours pénible. In fine, quelles leçons pour l’Exécutif ? Va-t-il s’excuser tout en revendiquant «le droit à l’erreur» comme notre auguste député ?
Ou bien se remettre totalement en cause en reconnaissant qu’il y a bien eu à son niveau beaucoup de tâtonnements et d’improvisations, voire de mauvaise stratégie. Les experts avisés lui disent que lors de l’élaboration de la loi de finances 2022, au lieu de jouer sur la tva – un puissant levier de justice sociale – celle-ci a été simplement augmentée et élargie pour générer plus de taxes. Le dossier des salaires a été abordé superficiellement, comme celui de la revalorisation des retraites. La mise en pratique de l’allocation chômage se fait attendre et au lieu de s’attaquer à l’inflation, on l’aggrave à travers une folle dévaluation du dinar et un recours toujours soutenu à la planche à billets.
Quant au train de vie de l’Etat, au lieu de diminuer, il ne cesse d’augmenter, ce qui aggrave la dépense publique devenue incontrôlable. Enfin, cœur du problème, l’investissement productif reste à trouver, les textes ne sont pas prêts ou mal faits, la bureaucratie sévit toujours, le climat des affaires est mauvais. Au moment où des millions de jeunes frappent aux portes de l’emploi...