Plusieurs annonces ont été faites hier par le Premier ministre, Aïmene Benabderrahmane, lors de son discours d’ouverture du Colloque international sur le thème «Réduire le risque sismique : gouvernance et prospective», au Centre international de conférences (CIC) Abdelatif Rahal. Il a réuni plusieurs experts, chercheurs internationaux et locaux et acteurs de différents secteurs, qui se pencheront durant deux jours sur les résultats des recherches les plus récentes dans ce domaine au niveau mondial.
Ils feront le point sur les techniques modernes de construction parasismique, dans le cadre d’une approche reposant sur le renforcement de la résilience, à travers une meilleure appréhension des risques, l’amélioration du niveau de préparation et la reconstruction en mieux.
Le Premier ministre rappelle de prime abord que cette rencontre intervient 20 ans après le tremblement de terre dévastateur qui a frappé la wilaya de Boumerdès le 21 mai 2003, d’une magnitude de 6,8 sur l’échelle de Richter, qui a entraîné d’importantes pertes humaines et matérielles : 2286 morts, 3354 blessés et 1263 disparus.
Les conséquences économiques de cette catastrophe ont été estimées à des millions de dollars. Les dépenses publiques destinées à faire face aux catastrophes, en particulier les inondations, les tremblements de terre et les incendies de forêt, se sont élevées en moyenne à 225 millions de dollars par an au cours des 15 dernières années.
70% de ce montant sont destinés à la réparation des dégâts des inondations. «Bien que les inondations figurent en tête de liste des catastrophes survenues dans notre pays depuis 1950, les tremblements de terre ont été les plus coûteux en termes économiques, s’élevant à près de 10 milliards de dollars, ainsi qu’en termes de nombre de pertes humaines, estimées à 6771 morts, avec des dégâts matériels qui ont touché 1,4 million de sinistrés», met-il en évidence.
En outre, ce forum est organisé 3 mois après le violent tremblement de terre qui a frappé la Syrie et la Turquie et qui a fait des milliers de victimes.
Dans ce contexte, dira-t-il, «l’Algérie, à l’instar de nombreux pays, a mis en place les mesures nécessaires pour compléter, enrichir et actualiser son arsenal juridique et ses moyens d’intervention d’une manière cohérente avec l’évolution qu’elle connaît dans divers domaines, notamment l’étalement urbain, le développement du tissu industriel et commercial, ainsi que les principales installations qui ont été édifiées. A cet égard, et consciente des conséquences des aléas sismiques, l’Algérie a mis en place des mesures et mécanismes pour les réduire, à travers des plans et stratégies inscrits dans la loi n°04-20 du 25 décembre 2004, relative à la prévention des risques majeurs et la gestion des catastrophes dans le cadre du développement durable».
Cependant, poursuit-il, «les expériences sur le terrain et les enseignements tirés des catastrophes qui ont frappé de nombreuses régions du monde au cours des deux dernières décennies nous obligent à revoir, améliorer et mettre à jour la stratégie actuelle dans le Cadre de Sendai pour la réduction des risques de catastrophe 2015-2030 des Nations unies, auquel notre pays a adhéré».
Promulgation d’une nouvelle loi qui remplacera celle de 2004
Cela s’articule sur 4 priorités : comprendre les risques de catastrophe, améliorer les moyens de gérer les risques de catastrophe afin de mieux y répondre, investir dans la réduction des risques de catastrophe pour renforcer la résilience et améliorer le niveau de préparation afin de répondre efficacement aux catastrophes et de «mieux reconstruire».
A cet égard, un atelier sur la mise à jour de la stratégie nationale de gestion des risques de catastrophe a été clôturé et sera opérationnel après la promulgation de la nouvelle loi qui remplacera celle de 2004, avec ses textes d’application courant 2023 et qui coïncide avec la Journée internationale pour la réduction des risques de catastrophe, adoptée par les Nations unies.
La nouvelle approche consiste globalement à anticiper les risques, les planifier, les réduire et renforcer la capacité à les affronter grâce à une meilleure gouvernance et à de meilleurs investissements.
Pour réussir ce pari, il est primordial que les mentalités et les comportements changent en passant du concept de «gestion des catastrophes» à «gestion des risques». Trois mots peuvent résumer la nouvelle démarche gouvernementale : prise de conscience, préparation et action. Le message du Premier ministre est clair : il y a aujourd’hui un consensus général pour reconnaître que la réduction du risque est un bon investissement, produisant de réels bénéfices à court, moyen et long terme.
La réduction du risque ne minimise pas seulement les pertes humaines ou économiques, elle permet de mieux nous adapter aux changements climatiques, véritable défi pour toutes les organisations, territoires et sociétés au XXIe siècle et d’assurer la protection des villes et des régions contre les catastrophes.
En termes plus clairs, nous devons investir dans la réduction des risques de catastrophe pour vivre des lendemains plus sûrs. Le gouvernement ne veut pas rester au stade des bonnes intentions ou d’annonces politiques sans suite. Pour donner plus de crédibilité, il énumère les améliorations les plus importantes incluses dans le nouveau projet de loi.
Elles reposent sur plusieurs axes, dont la détermination quantitative des grands objectifs stratégiques de notre pays dans le domaine de la réduction des effets des catastrophes, dans le cadre du développement durable, la pleine compatibilité de notre système avec le Cadre de Sendai et l’Accord de Paris (COP-21) pour réduire les effets du changement climatique, prise en compte de nouveaux risques, notamment ceux liés au changement climatique, aux risques cyber et aux risques biotechnologies.
Il s’agit aussi de déterminer les mécanismes de financement et les responsabilités de toutes les parties prenantes, incarner le concept de «gestion des risques de catastrophe» au lieu de «gestion des catastrophes», dans une dimension préventive qui n’attend pas que la catastrophe se produise. Par ailleurs, il faut agir pour mieux sensibiliser les citoyens et pérenniser la culture de la gestion des risques majeurs et des catastrophes naturelles.
La police d’assurance catastrophes naturelles et risques majeurs sera revue afin d’assurer une plus large adhésion au système d’assurance contre les effets des catastrophes naturelles. Elle a été créée par l’ordonnance n°03-12 du 26 août 2003, relative à l’obligation d’assurance des catastrophes naturelles et à l’indemnisation des victimes. Le taux de souscription de cette assurance est à peine de 5%, malgré son caractère obligatoire.
La première édition de ce Forum international «sera suivie d’autres rendez-vous périodiques en Algérie pour permettre l’évaluation et l'échange d’expertises et d’expériences et faire face aux risques de catastrophe avec une logique scientifique et pragmatique», conclut le Premier ministre, Aïmene Benabderrahmane.
Le réseau de surveillance sismique sera élargi
Le directeur du Centre de recherche en astronomie, astrophysique et géophysique (CRAAG), Hamoud Beldjoudi, a affirmé, hier à Alger, que la décision des hautes autorités du pays d’élargir le réseau de surveillance sismique permettrait de réguler l’alerte précoce et de renforcer la protection des infrastructures vitales du pays pour éviter davantage de dégâts.
S’exprimant lors d’un colloque international organisé par le ministère de l’Habitat, de l’Urbanisme et de la Ville au Centre international des conférences Abdelatif Rahal (CIC, Alger), sous le thème «Réduire le risque sismique : gouvernance et prospective», M. Beldjoudi a précisé que l'annonce par le Premier ministre, Aïmene Benabderrahmane, d’élargir le réseau de surveillance sismique relevant du CRAAG et du Centre national de recherche appliquée en génie parasismique (CGS) avant la fin de l’année en cours «traduit l’intérêt accordé par les autorités supérieures du pays à ce phénomène et à la réduction de ses effets».
Le renforcement de ce réseau, ajoute-t-il, «permettra de réguler l’alerte précoce et, partant, renforcer la protection des infrastructures vitales du pays en vue de leur éviter plus de dégâts». Concernant le rôle dudit réseau dans l’alerte précoce, le directeur du CRAAG a souligné que «3 ou 4 secondes après le séisme, la première rupture se produit, et le Centre reçoit les premières ondes qui lui permettent de localiser l’épicentre du séisme pour émettre, par la suite, une alerte précoce qui permet de protéger certains édifices et infrastructures vitales, à l’instar de centrales électriques et de moyens de transport électriques en vue d’éviter plus de dégâts».
Dans ce sillage, le responsable a fait état de 87 stations de surveillance sismique opérationnelles à ce jour, assurant que ce nombre sera renforcé, à court et moyen terme, avec «près de 20 stations, à raison d’une station tous les deux à trois ans afin de garantir une bonne couverture allant jusqu’au sud du pays». R. N.