Premier roman de Mehdi Bsikri : Sicilia, traversée vers l’empire

01/02/2022 mis à jour: 01:14
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Pour son tout premier roman, Mehdi Bsikri propose  aux lecteurs un voyage dans le temps à destination de la «Sicile musulmane». 

Il a transformé sa passion pour l’histoire, particulièrement celle de l’Afrique du Nord à l’époque de l’émergence de différentes dynasties arabo-berbères plus ou moins autonomes vis-à-vis du califat musulman, en coups de plume pondant un récit aux multiples péripéties narrant l’origine, le contexte et le déroulement de la conquête de la Sicile par les Aghlabides à partir de l’an 827, alors que l’île était sous domination byzantine.  «J’ai décidé d’écrire cette histoire pour traiter d’un sujet méconnu, ou du moins peu abordé dans la sphère publique. J’ai jugé que ce serait ma modeste contribution pour braquer les projecteurs sur cet événement historique», confie l’ancien journaliste d’El Watan. 

Au-delà des intrigues et rivalités politico-religieuses expliquées finement sans alourdir le texte, le livre tient en haleine le lecteur, tout au long de 228 pages, par des aventures amoureuses impossibles et dont l’issue est incertaine. Bien que la période mise à l’honneur concerne plutôt le haut Moyen Âge, le style nous mène dans un péplum imaginaire : des personnages attachants et d’autres cruels, des batailles, des sièges, des rebondissements à suspens, des amitiés inébranlables, des trahisons inattendues, etc. 

Mais, on se détache progressivement des mises en scène romanesques pour glisser vers un propos purement historisant, tout aussi captivant. «C’est volontaire, explique l’auteur. Le but était également d’écrire des séquences historiques en parcourant les différentes étapes du contexte et du début de la conquête». Pour ce faire, il s’est beaucoup appuyé sur de nombreuses sources arabes, accessibles et plus nombreuses concernant les thématiques abordées. «Il faut savoir que les chroniqueurs d’expression arabe ont beaucoup et longuement travaillé sur les successives périodes du Moyen Âge.

 D’ailleurs, les médiévistes plongent aussi dans leurs récits et ouvrages. Ces sources sont les plus utilisées et les plus examinées par les spécialistes, qu’ils soient issus des pays musulmans ou occidentaux. Les productions historiques des chroniqueurs de langue arabe sont les plus nombreuses et les plus élaborées, contrairement à d’autres régions et territoires qui, à cette époque, voyaient l’accès au savoir réservé aux religieux et à l’aristocratie !», précise-t-il. 

Dans ce sillage, le roman est un hymne à l’intelligence, au talent, à la méritocratie, au courage et à la tolérance, valeurs incarnées notamment par les personnages de Zyriab, Khalfoune, Anisti et, surtout, Warda. Cette dernière semble, à tout point de vue, être la véritable héroïne d’une épopée menée par des dizaines d’acteurs masculins. Notre interlocuteur concède que ce choix «traduit un vécu et une situation. Les femmes dans l’histoire du monde musulman étaient invisibles dans le champ politique. C’est pour cela que peu d’entre elles sont citées dans les manuscrits d’histoire.

 Cette réalité est semblable à d’autres civilisations. Mais ce qui est certain, c’est que la femme dans la sphère musulmane avait un statut remarquable lorsque ses proches étaient souverains ou détenteurs d’un pouvoir décisionnaires. Elle participait à la prise de décisions sans pour autant faire connaître au grand public son apport. Difficile pour un homme d’Etat de l’époque de dire à ses gouvernés que telle ou telle décision a été validée par une femme !». Il admet, par ailleurs, vouloir passer à travers son écrit un message socio-politique contemporain, celui «de rappeler que nous sommes les héritiers d’une grande et magnifique civilisation, qui a été novatrice à plusieurs niveaux, tant scientifique que littéraire, politique et militaire, et j’en passe. Nous devons être fiers de notre histoire et des réalisations de nos aïeux. Nous ne sommes pas le fruit du néant. Je refuse l’autodénigrement et la haine de soi, et ceci sans verser dans l’angélisme». 

Et pour rester toujours dans cette période historique qui le fascine, l’auteur promet de revenir dans son prochain roman sur l’histoire des Kutamas et la fondation du Califat fatimide en 909. 

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