Tahar Ouettar, écrivain prodige, visionnaire humaniste, homme de lettres et militant aguerri de son époque a fait l’objet d’une récente étude académique de la part d’un groupe d’enseignants universitaires venus dire la portée universelle de ses œuvres et reformuler des lectures sur ses errances d’intellectuel accompli et parfois incompris.
Dans sa conférence intitulée: L’approche expérimentale dans l’œuvre de Ouettar, Dr Salima Loukam a présenté l’auteur de L’As et Ezzilzel avec toutes ses convictions idéologiques brandies en opposition par rapport aux disparités sociales, aux opportunistes et autres privilégiés qui se nourrissent sur la misère et la crédulité des autres. Ouettar présente et décrit ses personnages, implique le lecteur dans ses visions et ses prévisions, mais ne répond guère aux questions. Bien au contraire, ses protagonistes sont lisibles dans leurs images crus d’hommes faillibles où vice et vertu se rencontrent pour hisser la fiction au réel avec ses rancœurs et ses avatars.
Point de jugement ou de dépositaires de la conscience collective dans ses romans. Salah Ouelaâ de l’université Badji Mokhtar d’Annaba a décortiqué les choix du romancier dans ses œuvres notamment dans le cas El-waly-ettahar ya’ouddou ila makamihi ezzaki (Le pur dévot retourne à son saint-lieu). Il y est fait état de l’instrumentalisation de la religion, un phénomène qui remonte loin dans l’histoire. Lue de manière aléatoire et souvent sans critique, cette même histoire se perpétue et gère notre présent pour hypothéquer notre futur. La mort de Malek Ibnou Nouaira, accusé à tort d’apostasie est un fait historique occulté qui a justifié des siècles durant des liquidations et des assassinats au nom de la protection de la religion des mécréants et des ennemis de la foi. Pour Miloud Guidoum de l’université de Guelma, Tahar Ouettar, profondément marqué par ses souvenirs d’enfant, puisait ses meilleurs symboles dans la douleur de son peuple, dans ses propres déceptions et celles de ses concitoyens qu’il a su dépeindre, démystifier, délocaliser d’une foule amorphe et fataliste, transplanter vers un alter ego collectif pour y susciter critiques et objectivité.
Les docteurs Ali Khefif et Madani Zikem ont abordé, chacun de son côté, mis en valeur les positions de l’auteur par rapport à l’écriture littéraire et à l’intellectuel parmi ses contemporains. Boubaker Abdessalam a, quant-à-lui, traité un thème des plus pertinents par rapport à la langue utilisée par l’écrivain et ses positions déclarées pour ce qui est de l’écriture d’expression française. Trois visions distinctes étaient soumises à débat entre ceux qui y voyaient une littérature qui porte une âme algérienne, ceux qui n’y voyaient pas d’inconvénient à l’assimiler aux romanciers d’outre mer et prononcer l’exclusion d’une littérature d’expression étrangère et ceux encore qui s’accommodent à une troisième approche. Nabil Benyahia et Djalel Khecheb ont axé leurs conférences sur la présence factuelle du patrimoine algérien dans les écrits de l’auteur qui use de symboles inaliénables de l’histoire du pays.
Dans leurs recommandations, les participants à ce colloque ont exprimé les vœux de perpétuer ce rendez-vous et de le revoir en édition internationale. Une initiative à inscrire sur le compte de la direction de la culture et de quelques enseignants universitaires sans l’université.