Pr Abdelmalik Belkhiri. Enseignant chercheur au département de pharmacie de la faculté de médecine à Constantine : «Des huiles essentielles toxiques sont disponibles sur le marché algérien»

14/05/2022 mis à jour: 20:00
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Pr Abdelmalik Belkhir
  • Vous avez évoqué les mauvaises surprises dévoilées par une enquête que vous avez menée. Pouvez-vous nous donner plus de précisions ?  

Je travaille dans un laboratoire spécialisé dans tout ce qui est plantes et santé. Mon intervention était axée sur la problématique des plantes intégrées dans un complément alimentaire, et qui constituent une préoccupation mondiale, vu qu’elles sont assez difficiles à appréhender. 

L’enquête a été menée dans le cadre de la formation de nos étudiants, qui ont le recul nécessaire pour décoder les informations de l’étiquetage. Comme vous le savez, les compléments alimentaires sont vendus dans les pharmacies. Donc, le pharmacien est tenu d’avoir les informations pour conseiller le consommateur. 

En prospectant le marché, nous avons eu de mauvaises surprises, par rapport à la nature des ingrédients, au manque d’informations et par rapport à la présence de certains produits, en particulier des huiles essentielles toxiques et disponibles sur le marché algérien, à l’instar de la menthe pouliot, que les gens connaissent sous l’appellation «fliou». 

Une huile interdite de vente en Europe, mais produite en Algérie et commercialisée sans notice. Durant cette enquête, nous avons constaté que 4 importateurs se sont lancés dans la production. 

Il y a beaucoup de choses à dire sur la destination de l’huile. Si elle est un complément alimentaire, cosmétique ou médicament, elle doit avoir un étiquetage de précision. 

En Algérie, il n’y a pas de réglementation de médicaments à base de plantes, au même niveau européen. Il doit y avoir une réflexion globale, comptant trois volets : sur d’abord les herboristes et le listing des plantes, sur les médicaments à base de plantes traditionnelles et sur les compléments alimentaires à base de plantes avec allégation de santé qui pose un problème. Il y a tout un vide juridique qu’il faut absolument combler pour la sécurité du consommateur. 

Mais la problématique est : qui va gérer ces compléments alimentaires ? En Europe, il y a l’Agence particulière de sécurité sanitaire sur les aliments, composée de scientifiques pour émettre des recommandations sur le dosage et le listing des plantes. 

  • En attendant des textes réglementaires, que suggérez-vous comme mesure d’urgence ?  

Une réflexion a été lancée suite au phénomène RHB (Rahmet Rabbi) et cela n’a pas abouti parce que le dossier est assez complexe. Comme mesure d’urgence, il faut imposer l’étiquetage qui peut se faire par une simple instruction du ministre du Commerce. 

Il faut intégrer certaines rubriques, dont la dénomination des ingrédients, spécifier et dresser le nom botanique et préciser le dosage des valeurs nutritionnelles pour la sécurité du consommateur, et les éventuels effets secondaires et interactions. L’opérateur doit avoir ces informations et les mettre à la disposition des autorités compétentes. 

C’est-à-dire la direction du contrôle qui exige, selon le cas, une documentation complète et demander autre chose sur la traçabilité des produits. Dans ce sens, j’ai tracé certains repères pour faire un contour réglementaire de tout ce qui est complément alimentaire, avec des recommandations pour l’étiquetage. 

Actuellement sur le marché, il y a des compléments alimentaires sans étiquetage. Parfois, il n’y a même pas la notion du complément alimentaire, qui est obligatoire pour le distinguer du médicament. 

  • Parlant de traçabilité, y a-t-il un contrôle de la matière première ? 

C’est assez difficile. Est-ce qu’on a d’abord en Algérie des normes pour contrôler ? Non. On n’a pas de pharmacopée, on peut vous ramener une formulation ayurvédique qui vient de l’Inde contenant des noms codifiés et on ne sait quel est son danger. 

Il faut adopter en Algérie le listing des plantes autorisées au niveau européen, surtout que le médecin n’est pas formé en phytothérapie et le pharmacien a une formation très limitée en plantes. Ailleurs, le pharmacien a une formation spécialisée en cinquième année. 

La formation de base est très insuffisante en matière de conseil du consommateur sur le produit et autres plantes. 

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