Pour atténuer les tensions entre les deux pays : La Chine appelle l’Inde à la rejoindre «à mi-chemin»

16/07/2023 mis à jour: 04:08
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Les deux pays les plus peuplés d’Asie sont engagés dans une impasse militaire le long de leur frontière

Le plus haut responsable du Parti communiste chinois pour la diplomatie, Wang Yi, a exhorté l’Inde à se concentrer sur les «intérêts communs» pour désamorcer les tensions frontalières, a déclaré hier le ministère chinois des Affaires étrangères, selon des propos recueillis par l’AFP. «Les intérêts communs de la Chine et de l’Inde l’emportent clairement sur leurs différences», a déclaré Wang Yi au ministre indien des Affaires étrangères, Subrahmanyam Jaishankar. 

Les deux responsables se sont rencontrés vendredi en marge des discussions sur l’Asie du Sud-Est à Jakarta, a indiqué le ministère chinois des Affaires étrangères dans un communiqué. «Les deux parties devraient se soutenir mutuellement, plutôt que de se soupçonner l’une l’autre», a indiqué Wang Yi. 

«Nous espérons que la partie indienne rencontrera la Chine à mi-chemin et trouvera une solution à la question de la frontière qui soit acceptable pour les deux parties», a-t-il ajouté. Les deux parties ont convenu de tenir le prochain cycle de discussions au niveau des commandants militaires sur la question de la frontière «dès que possible», selon le communiqué du ministère chinois des Affaires étrangères.

Dans ce climat frictionnel, «la Chine est très préoccupée par les récentes mesures restrictives prises par l’Inde à l’encontre des entreprises chinoises», a observé le diplomate, qui a exhorté New Delhi à leur offrir un «environnement commercial équitable, transparent et non discriminatoire». 

Malgré des relations tendues, la Chine est le deuxième partenaire commercial de l’Inde. Les rapports entre les deux pays se sont envenimés depuis un affrontement frontalier sur les hauteurs de l’Himalaya en juin 2020 dans lequel 20 soldats indiens et au moins quatre militaires chinois ont été tués.

Tensions auxquelles s’ajoute une querelle concernant la délivrance des visas. La même année, l’Inde a cherché à limiter les investissements de la Chine alors que les tensions politiques entre les deux pays se sont accrues avec l’affrontement de leurs soldats dans la région contestée de l’Himalaya. 

Les deux puissances asiatiques entretiennent une atmosphère belliqueuse le long de leur frontière, en grande partie non dé-limitée, dans la région du Ladakh. Pékin revendique aussi l’Etat indien de l’Arunachal Pradesh comme faisant partie intégrante du Tibet et considère le Cachemire comme un territoire contesté.

Séquelles du passé

La rivalité frontalière remonte au découpage des frontières de l’Inde britannique, en 1914. Par le tracé de la ligne McMahon, le Royaume-Uni s’octroie deux régions revendiquées par la Chine : l’Arunachal Pradesh, à l’est, et l’Aksai Chin dans la région du Ladakh, à l’ouest. Ces frontières n’ont toutefois jamais été reconnues par Pékin. 

En 1962, la Chine a infligé une défaite militaire à l’Inde. Le conflit portait sur deux portions de la frontière : l’Aksai Chin et l’Arunachal Pradesh.

L’Inde les considère comme partie intégrante de son territoire national en vertu de l’héritage frontalier légué par l’Empire britannique des Indes. La Chine, en parallèle, récuse la légitimité de ces tra-cés «coloniaux» et estime que les deux zones constituent une extension de ses régions du Tibet ou du Xinjiang. A l’issue de cette guerre, Pékin a imposé sa souveraineté sur l’Aksai Chin, mais retire ses troupes de l’Arunachal Pradesh, permettant ainsi à New Delhi d’y rétablir sa tutelle. En septembre 1967, à Nathu La, des fusillades et tirs d’artillerie ont éclaté entre les forces des deux pays faisant 88 morts du côté indien et 300 du côté chinois. En 1975, quatre soldats indiens ont perdu la vie en Arunachal Pradesh. Depuis, les affrontements armés ont quasiment cessé.

Néanmoins, les contentieux territoriaux n’ont pas pour autant été réglés. Les tensions demeurent vives sur la Ligne de contrôle réel (LAC), la ligne de cessez-le-feu informelle officialisée seulement en 1993 par les deux pays. Depuis, le statu quo prévaut, et plusieurs conflits ont eu lieu sans pour autant arriver à la confrontation armée. Ainsi, pour ne citer que quelques exemples, en septembre 2014, un nouveau conflit débute lorsque l’Inde entreprend la construction d’un canal dans le village frontalier de Demchok. La Chine proteste et envoie des troupes dans la région, ce qui entraîne des tensions.

Le conflit prend fin au bout de trois semaines, lorsque les deux parties acceptent de retirer leurs troupes. En juin 2017, un différend militaire se produit sur le territoire contesté de Doklam, près du col de Doka La, le long de la frontière entre l’Etat indien du Sikkim et le Bhoutan. La Chine achemine du matériel pour la construction dans la région de Doklam et commence l’aménagement d’une route. L’Inde intervient le 18 juin, deux jours après le début des travaux.

Les armées indienne et chinoise se sont de nouveau affrontées dans l’Himalaya le 9 décembre 2022 dans l’Arunachal Pradesh, dans le secteur de Tawang, près du Bhoutan, une région revendiquée par Pékin, qui la considère comme faisant partie intégrante du Tibet. New Delhi a accusé Pékin, le 13 de tenter de «changer unilatéralement le statu quo» dans la zone frontalière himalayenne de l’Etat indien d’Arunachal Pradesh, après des affrontements qui ont fait la semaine dernière des blessés des deux côtés, selon l’Inde.

De son côté, l’armée chinoise a indiqué que des soldats indiens avaient franchi «illégalement» la frontière et fait obstruction aux troupes de Pékin.

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