Comme toutes les villes d’Algérie, Constantine a vu naître de grands footballeurs, mais ils sont mis aux oubliettes.
C’est l’exemple de Rabah Abdennouri, Rippa pour les intimes, un personnage hors du commun, auteur d’un parcours exemplaire, mais qui n’a pas eu droit de cité dans les gazettes.
Écoutons-le La jeunesse
Rabah Abdennouri a vu le jour le 26 avril 1942 à Collo. Il commence très tôt à caresser la balle ronde. À l’âge de 18 ans, il intègre la fameuse équipe de l’éducation de Constantine (USEN) dans la catégorie des seniors au poste d’ailier gauche. Cette équipe comptait de brillants joueurs, à l’instar de l’arrière-gauche Arfotni, l’avant-centre Yamani de Souk Ahras, Gandolfi de Bastia ainsi que Merrad et Belbacha, sous la direction de Carbucien comme directeur et l’entraîneur Abdelhamid Benseghni. Une année après, il rallie l’équipe de Oued Zenati, comme milieu défensif, portant le n°6. Après l’indépendance Rabah ne chôme pas. Il effectue un bref passage à Chelgoum Laïd où il joue avec Amar Eddif, toujours au même poste, avant le retour au bercail à Constantine où il signe avec le Mouloudia de Constantine (MOC). Ce club fut dirigé par Dr Bencharif, secondé par Menadi comme secrétaire général, Amarache et Mouloud El Hami. La barre technique était confiée à l’entraîneur Rouag qui compose une équipe comptant Salim Bendilmi dit El Fil, Abdelkrim Zefzef, Benchaâbane, Sofiane Mohamed dit cheval blanc et autres.
Magnifique espoir
Rabah s’est vu aligner en 1964 dans l’équipe du MOC, pour disputer la finale de la coupe d’Algérie face à l’imposante équipe de l’entente de Sétif. Il était aux côtés de Benbatouche, Bouridah, Benbakir, Benabderrahmane, Embarek, Boudemagh, Zefzaf, Hocine Abdenouri et Boulfelfel, sous la direction de Rouag. Malgré cette pléiade de talents, le MOC était maladroit dans la forme, mais régulier sur le fond du jeu, s’inclinant sur le score de 2 à 1. Cet événement lui rappelle pas mal de choses, surtout les conditions de préparation, les moyens alloués pour le déplacement, car à l’époque, ils se faisaient par train, sans oublier l’intoxication des joueurs la veille du match. Le talent et les qualités techniques exceptionnelles de ce milieu défensif ne suffisent pas pour atteindre l’objectif assigné. Par contre, il fut sélectionné parmi les meilleurs joueurs de l’Est à Toulouse (1965-1966) aux côtés de Hanchi, Ghanem, Bouridah, Salhi, Tadjet, Boucherka, Kharchi, Saheb, Bouchar et Khiari. Et comme «il n’y a pas que le foot dans la vie», pour reprendre le titre du livre de Guy Roux, Rabah fait ses premiers pas comme fonctionnaire auprès de l’Hôtel des finances de la ville de Constantine.
Rippa l’éducateur
Après une longue carrière comme joueur, Rabah raccroche les crampons à 32 ans. Il se lance dans le coaching avec les cadets du Chabab Riadi Ecotec Constantine (CREC), puis avec les juniors. Il a formé pas mal de joueurs, comme Samir Benkenida, Djamel Debchi et bien d’autres. D’ailleurs, Samir Benkhenida nous dira que l’équipe du CREC de Rabah Zid, qui évoluait en division d’honneur, a disputé la fameuse finale en coupe d’Algérie de 1985 perdue contre le Mouloudia d’Oran, était formée auparavant par Rabah Abdennouri. Par la suite, il prend en charge les juniors de l’équipe du MOC. Rabah garde un regard vif sur le monde du football et sur son club de cœur le MOC. Il est profondément gentil, aime ses joueurs comme ses enfants. Benkenida nous dira : «Rabah se déplace en voiture chez moi pour m’emmener à l’entraînement, et c’est lui qui m’a trouvé un poste de travail.»
Et comme il a tout connu du monde amateur, Benkenida poursuit son témoignage : «Rippa, c’est un homme de terrain, il a beaucoup de qualités comme footballeur expérimenté ; il a le sens de l’observation, une vision, une clairvoyance, la qualité technique, la passe, l’anticipation dans le jeu, la gestion des matchs…» Bref, en un mot, c’est un footballeur au sens propre du mot. Quant à Rabah, il nous confie que durant son parcours footballistique de 1962 à 1973, il a eu la chance de jouer contre tous les éléments de la glorieuse équipe du FLN au championnat d’Algérie, entre autres, Kermali, Mekhloufi et autres. Rabah Abdennouri, ce joueur de talent et pourvoyeur de balle, a évolué et fait la jonction entre deux générations de joueurs du MOC. Il se rappelle des moindres péripéties de son parcours footballistique. Un jour on demande à un de ses coéquipiers pourquoi le MOC n’a pas eu de titre ? La réponse est simple et convaincante, «le MOC n’est pas une équipe de titres, mais une équipe de spectacle». En somme, le Mouloudia était vraiment un roi du football, mais hélas sans la moindre couronne.
Rabah en a gros sur le cœur
Pour dire vrai, entre Rippa et le Mouloudia, c’est une longue histoire qui serait pour le moins fastidieuse à raconter. Pour preuve, le voilà qui nous exhibe fièrement une vieille photo abîmée de l’équipe du MOC des années 60 qu’il garde jalousement avec ses pièces d’identité.
A 81 ans, Rabah Abdennouri n’a eu droit à aucun hommage pour saluer son fabuleux parcours ni même un geste de son club le MOC, sauf un hommage symbolique à l’occasion du 16 avril de la part de l’association des anciens joueurs du MOC. Rabah mériterait un petit retour d’ascenseur pour mieux valoriser la culture des anciens. D’ailleurs, pour soigner ses yeux, il a dû voir du côté des âmes généreuses pour une intervention chirurgicale.
Décidément, Rippa mérite plus qu’un jubilé.
Par Mohamed Ghernaout
Enseignant