POINT DE VUE - Dollarisation et dédollarisation de l’économie mondiale : Chimères et réalités

24/08/2023 mis à jour: 07:15
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A lire les délires de certains pseudo-économistes, autoproclamés, le groupe des BRICS serait en capacité d’imposer sa propre monnaie ! Cette hérésie, à la fois théorique et technique, oblige à un rappel à la fois historique et technique pour éclairer sur les enjeux, de manière à séparer le grain et l’ivraie. En effet, c’est à Mount Washington Hôtel, à Bretton Woods, dans le New Hampshire aux Etats-Unis, du 1er au 22 juillet en 1944, avec la présence de 44 nations alliées, que fut consacré le dollar américain, comme monnaie internationale, définie à 35 US$ l’once d’or fin et entièrement convertible.

Mais peu d’économistes se rappellent des deux thèses contradictoires qui ont prévalu, entre le Britannique Lord John Maynard Keynes, Baron de Tilton, auteur du célèbre ouvrage intitulé Théorie générale de l’emploi, de l’intérêt et de la monnaie  (1936) et  le secrétaire d’Etat au Trésor américain Harry Dexter White. Le fameux économiste, fondateur d’une école économique de pensée, soutenait qu’il ne servait à rien de déposer la livre sterling, en la remplaçant par le dollar, les mêmes causes créant les mêmes conséquences !

Il proposait donc de créer un système monétaire international fondé sur une unité de réserve non nationale, qu’il baptisa le bancor, soit une monnaie internationale de transactions et de réserves, détachée de toute monnaie nationale, définie en or et émise par une institution internationale en dehors d’un Etat. Cette proposition fut battue en brèche par l’Américain H. D. White d’une seule phrase restée emblématique : «US$ is as good as gold !»  Deux institutions financières internationales vont voir le jour pour mettre en œuvre cette politique : la BIRD et le FMI.

Le contexte géopolitique et économique de l’époque étant en faveur des Américains, c’est cette décision qui a prévalu et le «gold exchange standard» est né et règne toujours malgré plusieurs chocs qui l’ont ébranlé sans l’anéantir ! Cependant, la suspension de la convertibilité du dollar américain en or, le 15 août 1971, par le président R. Nixon, va de nouveau poser le problème du dollar qui se trouve être à la fois une monnaie nationale et internationale… Un retour à la problématique que L. J. M. Keynes avait anticipé plusieurs décennies avant.

Quelques tentatives vont voir le jour, notamment deux importantes, celle de la création d’une monnaie européenne (traité de Maastricht de 1992), l’euro qui est mis en circulation le 1er janvier 2002, pour se prémunir contre les manipulations du dollar qui sanctionnaient les économies concurrentes et notamment européennes. Le second est la création le droit de tirage spécial (DTS) plus multilatéral, puisque émis par le FMI, en 1969 et défini par une parité en or. Si pour la création de l’euro, les USA n’ont pas pu arrêter sa création et son expansion puisqu’il dépend de la Banque centrale européenne (BCE), dans le cas du DTS, dépendant du FMI, ils vont limiter son expansion et son utilisation, au strict minimum.

La problématique actuelle se nourrit de l’histoire du système monétaire international et se formule en une question : comment créer une monnaie internationale, indexée sur l’or, de transaction et de réserves, qui ne soit pas dépendante d’un Etat mais d’une institution financière réellement multilatérale ? Il n’est donc pas question de remplacer le dollar américain par le yuan ou la roupie… et encore moins par un panier de monnaies car on retomberait dans la même impasse théorique et pratique à terme, comme ce fut le cas pour la livre sterling le siècle dernier et le dollar américain aujourd’hui !

Deux éléments doivent être introduits à cet endroit, le premier est le fait que le troc représente quelque 30% du commerce mondial, ce qui élimine le passage par la monnaie puisqu’il s’agit d’échanger des biens et services contre d’autres biens et services. Le second, c’est que le système du «clearing» a existé durant la guerre froide et de la confrontation entre les deux blocs et l’Algérie avait adopté ce système dans les années 1960 et 1970, avec le bloc dit socialiste, ce qui lui permettra de ne pas utiliser le dollar américain avec ces pays et réciproquement.

Ce système va s’écrouler après la disparition de ce bloc et notamment de l’URSS et le triomphe de la mondialisation, ce qui aura pour résultat un recours accru au dollar comme monnaie de transactions et de réserves. Aujourd’hui, les pays du BRICS et du BRICS+ (demain) n’ont pas besoin d’une monnaie en propre, qui poserait des problèmes techniques insurmontables, comme le proposent certains pseudo-économistes, mais ils peuvent se mettre d’accord pour un retour partiel au clearing dans leurs transactions entre pays membres du groupe et pour les réserves, constituer des stocks d’or, ce que d’ailleurs toutes les banques centrales font, en se débarrassant de leurs dollars par l’achat d’or.

Cette politique a cependant un inconvénient majeur, c’est que les pays pauvres vont s’appauvrir encore plus et que la déflation va engendrer la récession. D’où la création de la nouvelle banque de développement (au capital initial de 100 milliards d’US$) et la création future d’une institution financière chargée de financer les problèmes de balance des paiements des pays à risque, en remplacement du FMI par un nouveau FMI multilatéral. Ces pistes de recherche nécessitent du réalisme et un volontarisme politique mais surtout d’éviter d’écouter le «chant des sirènes» pour s’engager résolument dans des sentiers prospectifs, à moyen et long terme. Ce n’est donc pas demain que la dédollarisation va voir le jour, mais la dynamique est enclenchée !

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