Comme il fallait s’y attendre (voir notre interview sur El Watan du 22-8-2023), l’élargissement du groupe des BRICS s’est construit autour des équilibres internes entre pays membres fondateurs, chacun des pays membres voulant imposer son leadership sur le groupe et en particulier les deux géants asiatiques que sont la Chine et l’Inde (deux puissances nucléaires).
Ces deux pays escomptent devenir la première puissance économique mondiale, dès 2025, même si la Chine traverse sa pire crise immobilière. Ils s’en donnent tous les moyens (politique, économique, diplomatique, militaire, scientifique et culturel) face aux USA. Au-delà du conflit militaire «gelé», au Kashmir et d’autres tensions au Népal (Dalaï-Lama), le véritable enjeu reste et demeure la première place dans l’économie mondiale, à moyen terme.
En outre, l’Inde développe au sein du BRICS une politique de complémentarité avec les USA et ses alliés, alors que la Chine est résolument dans une logique de confrontation avec les USA et entre autres dans le conflit avec Taïwan.
Mais les deux pays entretiennent des relations commerciales fortes avec les USA et comptent bien les renforcer, sans perdre leurs objectifs stratégiques, ce qui est contradictoire. De même, les deux pays sont fortement dépendants de leur approvisionnement en énergie (gaz et pétrole), ce qui explique leur acceptation de l’adhésion de trois pays exportateurs d’énergie au sein du groupe, comme l’Iran, l’Arabie Saoudite et les EAU, le premier en confrontation directe avec les USA et les deux autres alliés traditionnels des USA.
Pour la représentation africaine, le choix de l’Egypte et de l’Ethiopie, entre également dans ce dosage subtil, puisque le premier garde d’excellentes relations avec les USA et le second coopère étroitement avec la Chine. Quant à l’adhésion de l’Argentine, il faut la considérer comme une «faveur» en direction du Brésil et de l’Amérique latine, qui a fait profil bas lors des négociations durant ce
15e Sommet.
Notre pays a donc fait l’objet d’un «dégât collatéral» dans ce bras de fer entre géants, puisque considéré comme plus proche de la Chine (notamment après la visite du président Tebboune) que de l’Inde. En d’autres termes, la non-adhésion temporaire de l’Algérie durant cette session provient à 99% de l’Inde, qui, par calcul, a considéré que l’adhésion de notre pays au BRICS ferait basculer les équilibres internes du groupe du côté… chinois !
Certes, si les décisions étaient prises à la majorité simple, notre pays l’avait largement mais le principe de l’unanimité nécessaire dans ce genre de décision l’a écartée, pour l’instant, et il semble acquis que la prochaine session en 2024 verra l’adhésion de notre pays, comme celle de l’Indonésie (avec un PIB de 1,186 milliard d’US$) acceptée.
Il faut ajouter, pour compléter ces pistes d’analyse, que bien qu’absents, l’ombre des USA a «plané» sur ce sommet, puisque toutes les tractations se sont réalisées en fonction des relations que chaque pays membre du groupe considère avantageuses pour ses propres intérêts, bien compris !
Le communiqué de la Maison-Blanche, à l’issue du sommet, est très clair à cet endroit, puisqu’il souligne que les «USA continueront de travailler avec nos partenaires et alliés sous des formes bilatérales, régionales et multilatérales...», sans commentaire ! Gageons que le BRICS, à onze membres, va redoubler d’efforts pour conserver sa cohésion et sa cohérence, sous peine de marginalisation, voire de disparition, surtout après l’adhésion de plusieurs «chevaux de Troyes».