Plaies d'Afrique

09/05/2023 mis à jour: 03:58
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Même si l’OMS vient de lever le caractère d’urgence sanitaire, le profond désordre généré par la pandémie de Covid-19 dans le secteur économique mondial va continuer, pour un temps encore, à mettre à mal les économies régionales et nationales les plus vulnérables. 

près de trois années de paralysie universelle et de repli de survie opérés par les plus grands animateurs du business mondial sur leurs propres intérêts ont bien creusé les inégalités structurelles antérieures. Il faudra des années de convalescence pour les voir se restituer à leurs niveaux d’avant-pandémie, estiment les experts. 

Le malheur des plus vulnérables ayant en outre cette fâcheuse caractéristique de ne jamais arriver seul, les effets de plus en plus concrets du réchauffement climatique, ceux de heurts géopolitiques internationaux et de conflits endémiques régionaux viennent compliquer tout effort de redressement. C’est notamment le cas sur le continent africain et spécialement sa grande profondeur subsaharienne. 

Si besoin, le conflit fratricide qui met le feu au Soudan actuellement donne une énième manifestation de cette incapacité à s’extraire des engrenages des conflits historiques lors même où le continent traverse l’une des conjonctures les plus difficiles économiquement et voit ses indicateurs de développement humains menacés par de plus douloureuses récessions. 

«Les tensions sur les prix des denrées alimentaires, déjà importantes avant la pandémie, se sont encore intensifiées en raison des aléas climatiques, des perturbations de l’approvisionnement aggravées par le conflit en Ukraine, d’une fragilité et d’une insécurité accrues et, dans certains pays, de fortes dépréciations monétaires», note la Banque mondiale dans son dernier bulletin concernant les perspectives économiques dans l’Afrique subsaharienne. 

Le vent de l’inflation, aussi sévère que la détresse climatique qui touche la région, continue donc à épuiser les pouvoirs d’achat, autant des Etats que de leurs citoyens, alors que le surendettement annihile toute possibilité de recours supplémentaires à des financements étrangers. 

La Banque mondiale s’attend, par ailleurs, à un ralentissement de la croissance dans les pays de la zone, y compris en Afrique du Sud, en Angola et au Nigeria, considérés comme les trois économiques les plus fortes de l’ensemble régional. «Les niveaux élevés de violence et de conflits risquent encore de s’aggraver si les conditions de vie continuent à se détériorer. 

Cette situation, combinée à la fréquence et à la gravité accrues des chocs météorologiques induits par le changement climatique, pourrait perturber davantage l’agriculture et retarder les grands projets d’infrastructure et d’exploitation minière dans certains pays», avertit encore le document de l’institution financière internationale.

L’Organisation de coopération et de développement économique (OCDE) a noté, pour sa part, le mois d’avril dernier, que l’aide publique au développement des pays riches vers les Etats vulnérables a atteint des records en 2022, avec pas moins de 204 milliards de dollars injectés dans le circuit. Une année plus généreuse que d’habitude, qui a vu pourtant chuter de près de 8% le niveau des «aides» attribuées annuellement à l’Afrique subsaharienne. 

L’essentiel des dotations a, par contre, profité à l’Ukraine, a-t-on encore noté, dans le propos de la mobilisation générale décrétée en Occident. Et pour ne rien gâcher, les investissements chinois, qui ont dû se rétracter drastiquement sous l’effet de la pandémie – après une hausse constante jusqu’à 2019 –, ont de la peine à reprendre leur seuil d’avant-crise sanitaire. 

Conflits à ondes de choc mondiales, pandémies ou cycles climatiques défavorables, l’Afrique continue à subir une bien triste fatalité. Et son potentiel s’enterrer sous de nouvelles strates de vulnérabilités.

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