Plaidoirie pour valoriser rapidement 30 à 40% des déchets en Algérie

22/04/2024 mis à jour: 03:13
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La solution technique retenue par l’Algérie pour le traitement des déchets ménagers dès 1992 est l’enfouissement. Actuellement, 125 centres sont réalisés et utilisés pour enterrer les déchets ménagers et assimilés.

 Ces CET induisent des problématiques environnementales et sanitaires à cause d’une mauvaise gestion technique en totale inadéquation avec le traitement selon la typologie des déchets.
Ils sont source de fuites de lixiviats, d’envols, d’odeurs, de faune, d’altération des paysages et de contamination probable des nappes phréatiques. 

L’impact sur l’environnement, l’écologie et la santé des populations avoisinantes est évaluée comme assez inquiétante par les spécialistes. Les nombreuses études universitaires sur la gestion technique et environnementale de ces CET affirment que les conditions minimales de stockage et de valorisation des déchets ménagers ne sont ni réunis ni appliquées.

Il est utile de souligner qu’à l’horizon 2030, le nombre de CET atteindra 150 pour enfouir les déchets ménagers et assimilés ce qui nécessitera en moyenne une superficie de 200 ha annuellement.
La valorisation des déchets par des procédés maîtrisés depuis des dizaines d’années demeure le maillon faible de la politique de gestion des déchets en Algérie puisque entre 15 et 18 millions de tonnes de déchets domestiques et assimilés sont produits annuellement auxquels s’ajoutent les déchets solides industriels et du bâtiment estimés à plus de 1 million de tonnes annuellement. Le taux de valorisation des déchets ménagers et assimilés (DMA) est de 10% toutes filières confondues.
 

La technique qui domine le paysage de la gestion des déchets reste axée sur le déversement souvent incontrôlé dans les Centres d’enfouissement technique. Un gisement extraordinaire estimé à plus de 80 milliards de dinars devrait permettre la création de plus de 5000 emplois permanents et débarrasser l’environnement de cette pollution humaine. Le gisement moyen annuel est estimé pour le plastique à plus de 40 milliards de dinars, suivi des métaux non ferreux avec 16 milliards de dinars et les métaux ferreux avec une valeur de 12 milliards de dinars. 
 

Selon le rapport de 2020 sur l’état de la gestion des déchets, entre 2002 et 2017, une enveloppe de 88 milliards de dinars a été allouée au secteur de la gestion des déchets. 41 milliards de dinars destinés à l’acquisition du matériel de collecte et transport et 37 milliards consacrés à la réalisation des infrastructures (CET, centre de tri, déchetterie). En absence de stratégie permettant de stimuler la collecte et la valorisation des déchets et éliminer le marché informel, l’investissement consenti ne s’est pas attaqué aux causes profondes de la situation calamiteuse des déchets.
 

Les déchets une tare sociétale

Le danger que représentent les déchets enfouis n’est pas évalué à sa juste valeur, autrement la politique d’enfouissement serait bannie depuis longtemps. Faute d’avoir initié le développement des filières de gestion des déchets ménagers et assimilés, l’Algérie perd chaque année entre 35 et 40 milliards de dinars et des milliers d’emplois permanents.
 

L’industrie de la récupération et du recyclage ne représente actuellement que 5 à 10% au maximum des déchets produits chaque année. Dans ce volume, il y a lieu de préciser que plus de 8 millions de tonnes sont à classer dans les déchets ménagers et assimilés facilement valorisables.

Avec un taux de croissance annuel de 3%, le gisement des déchets domestiques en Algérie avoisinera les 20 millions de tonnes à l’horizon 2030 ; avec la même stratégie, notre pays perdra plus de 50 milliards de dinars. Actuellement, pour enfouir nos déchets, il nous faudra aménager annuellement 10 CET nouveaux chaque année et condamner plus de 250 ha de terre pour enfouir des déchets polluants qui se transforment en bombe à surveiller pendant des décennies. Les mesures à prendre sont d’abord d’ordre organisationnel axé sur la priorisation des actions induite par le retour d’expérience dans la région et à travers le monde.

La première mesure concerne l’installation de déchetteries primaires et secondaires dont le rôle est d’acheter à des prix dérisoires les différents types de déchets triés par les producteurs afin de gérer le gisement valorisable et éliminer le recyclage informel.

La seconde mesure est relative à l’officialiser une bourse des déchets pour chaque type, ce qui permettrait de développer des filières de la source de production au recyclage et éliminer le recyclage informel. La troisième mesure doit permettre de revoir les taxes d’enlèvement des déchets et obliger les producteurs de déchets valorisables à les déposer au niveau des déchetteries avec comme contre partie, ils bénéficieront d’une diminution ou de la suppression de la taxe pour les commerçants en fonction du tonnage remis à la déchetterie.

La quatrième mesure aura pour finalité d’inciter à travers des mesures fiscales et d’aides les investisseurs dans le créneau de la valorisation des déchets.

Le gisement des déchets domestiques et assimilés facilement valorisables et peu exigeant en investissement est estimé annuellement à plus de 6 millions de tonnes et concernent dans un premier temps les cartons et papiers, le plastique et le polyéthylène, le verre et la matière organique,  modèles d’espace de récupération et de déchetterie.
 

Analyse des possibilités technico-écologiques de recyclage des déchets

Le développement des filières prenant en charge une gestion durable des déchets entre le producteur, l’utilisateur et le recycleur. Cette opération constitue le socle de la stratégie, et pour qu’elle réussisse, il faut établir une bourse des déchets pour permettre aux foyers de faire le tri et le ramener vers la déchetterie primaire. 
 

Il y a lieu d’installer deux types de structures de réception et de conditionnement permettant la préparation des déchets au recyclable et à la valorisation. Ces infrastructures sont des déchetteries primaires. Une déchetterie primaire est un espace imperméabilisé qui s’étend sur une superficie de 1500m2 avec un espace couvert sous forme d’hangar cloisonné en parties de 100m2 servant de réception et de préparation des déchets selon leur catégorie. Une fois les déchets triés et préparés ils sont stockés dans des conteneurs de 20m3 spécialisés selon la typologie des déchets.
 

L’autre type de déchetterie primaire est à installer uniquement pour les déchets verts avec comme objectif le compostage. Le produit fini est fortement demandé par le secteur agricole quand il est de bonne qualité. Le développement de l’agriculture biologique, de la permaculture et de l’agroforesterie sont très demandeur de composte biologique.
 

Ces deux types de déchetterie peuvent recevoir 10 types de déchets facilement recyclables comme les déchets verts, le bois, la ferraille, le carton, le verre, les pneus, les batteries, les piles, les huiles de vidange et de friture.

L’investissement à consentir pour installer ces équipements légers puisqu’une déchetterie primaire de 2500m2 avec une capacité de 500 000 tonnes annuellement revient en moyenne à 120 millions de dinars. Un groupement de communes dépassant les 500 000 habitants peut se permettre financièrement d’installer ces types de déchetteries primaires.

Une unité recyclage papier avec une capacité de 5000 tonnes par an revient en moyenne à 45 000 000 DA en s‘équipant pour le pulpage, le défibrage, le désencrage, la pâte à papier, le rembobinage et l’emballage pour expédition.

Unité de valorisation du plastique d’une capacité de 500 tonnes annuellement revient en moyenne à 6 000 000 DA. Les équipements sont la découpe, le broyage, le lavage, la centrifugation, le séchage et l’extrusion.
Une unité de valorisation énergétique des déchets non valorisables comme les déchets du BTP est estimé à 6 milliards de dinars.


Une unité de valorisation organique avec une capacité de 300 000 tonnes annuellement reviendra en moyenne à 80 millions de dinars.

Une unité de collecte, transport, recyclage et valorisation des déchets électroniques, électrique et informatique nécessite 360 millions de dinars avec une capacité de l’ordre de 25 000 tonnes/an. Elle comprendra 3 lignes : machines à laver, réfrigérateurs, télévisions, ordinateurs, climatiseurs.
Unité de recyclage des pneumatiques avec la technique de la séparation de la bande de roulement de la carcasse. La découpe les flancs de la carcasse et de la bande de roulement en bandelettes. Le broyage des bandelettes puis vient la séparation du caoutchouc de la ferraille. Puis vient le broyage et la granulométrie puis vannage et centrifugation. L’investissement est estimé à environ 6 million de dinars.
 

Impact d’une politique écologique de gestion des déchets

Quand le secteur environnemental peine à trouver des solutions durables aux divers déchets c’est le marché de l’informel qui prend la relève dans les domaines des métaux ferreux et non ferreux et du plastique. Le secteur de l’environnement mérite comme les autres activités d’un soutien et d’une aide de la part des pouvoirs publics, notamment pour l’encouragement fiscal à l’installation d’unités de recyclage et de valorisation dont le traitement exige des moyens technologiques souvent coûteux. 
 

Trois questions fondamentales sont à poser :


• Pourquoi favoriser les CET au détriment des déchetteries et des unités de recyclage ?
• Pourquoi les producteurs de déchets ne pratiquent pas l’apport volontaire ? 
• Pourquoi les industriels et les opérateurs du BTP préfèrent payer la taxe que d’investir dans le recyclage ?
 

La politique de gestion écologique et économique des déchets en Algérie ne peut se concrétiser que si un diagnostic quantitatif et qualitatif répondant aux normes techniques internationales. Les schémas directeurs réalisés souffrent dans leur ensemble par une approche très globale ignorant le producteur principal qu’est le foyer ou l’unité. Cette situation a engendré de nombreuses estimations qui restent à vérifier pour permettre aux éventuels investisseurs de réaliser leurs études de marché sur des bases solides.
Avec la mise en place d’une stratégie rationnelle de valorisation des déchets, les retombées sont d’ordre environnementales mais également sociales et économiques puisqu’il est possible d’employer au moins 10 000 personnes en permanence et d’avoir une manne financière de l’ordre de 50 milliards de dinars.
 

Les filières de recyclage proposées permettent d’agir sur les gaz à effet de serre estimés à environ 5 Mt CO2-eq et 20 000 GWh d’énergie primaire. L’impact de ces retombées est également sanitaire puisqu’il permet de diminuer les différentes pollutions inhérentes au domaine de la gestion des déchets.
 

Pr K. Benabdeli
Ecologie et Management Environnemental
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