Perturbation cyclique dans l'éducation : Le dur métier d'enseigner

01/03/2022 mis à jour: 07:43
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Pour cet enseignant, ce qui lui reste de son salaire, 64 000 DA, suffit à peine pour les besoins les plus rudimentaires.

Les enseignants affiliés au Conseil national autonome du personnel enseignant du secteur ternaire de l’éducation (Cnapeste) ont répondu présents à l’appel à la grève lancé par leur syndicat.

Ce dernier, qui avait tenu un mois de trêve, revient à la charge après la non-satisfaction de ses revendications socioprofessionnelles. L’appel à une grève hebdomadaire lancé par le Cnapeste a été largement suivi, hier, en son premier jour. Les taux annoncés par ce syndicat, qui fait cavalier seul depuis octobre dernier, sont de 70 à 80% dans le secondaire, 40 à 65% dans le moyen et 15% dans le primaire.

Le boycott administratif, quant à lui, se poursuit. Il touche plus de 60% des établissements scolaires du pays. Le but est de pousser les autorités compétentes, notamment le ministère de l’Education nationale, à satisfaire les revendications formulées depuis des années et surtout honorer leurs engagements. Lounis Younes, enseignant de mathématiques du secondaire à M'sila, en témoigne.

«A mes débuts, je n’étais pas aussi bien payé qu’aujourd’hui. Mais à l’époque, le peu que je percevais me suffisait pour vivre et même aider mes parents. Aujourd’hui, après plus de 32 ans d’enseignement, le salaire que je perçois disparaît en 10 jours. Les temps ont changé et les besoins aussi, notamment avec quatre enfants, tous jeunes avec des aspirations légitimes de vivre décemment», déclare-t-il.

Divorcée avec 3 enfants à charge, Sabrina a du mal à finir ses mois, malgré son ancienneté de 28 ans. Avec les 68 000 DA qu’elle perçoit en tant qu’enseignante de musique à Alger, son pouvoir d’achat est en chute libre. Ceci notamment qu’elle ne dispose pas de logement. «Je suis en location depuis des années. Je n’ouvre droit à aucune formule de logement vu mon salaire bas, sauf au LPA à laquelle il m’est impossible de postuler. Ils demandent 800 000 DA d’apport.

Comment faire pour les avoir, si je paye 30 000 DA pour le loyer chaque mois et le reste est partagé entre les besoins alimentaires et les nécessités, notamment scolaires pour mes enfants. Même la pension que verse leur père n’est pas suffisante pour couvrir nos besoins», dévoile-t-elle. Et de souligner, après un soupir, qu’elle et ses enfants se privent de plusieurs choses pour pouvoir vivre. Elle estime qu’il est logique que les enseignants se dirigent vers les cours particuliers pour vivre décemment.

Que ce soit à Alger, M'sila ou ailleurs, la précarité est la même. A Tizi Ouzou, Mouloud est enseignant de génie civil depuis 28 ans. Depuis 1993, il enseigne et refuse de donner des cours particuliers. Il estime que monétiser le savoir censé être gratuit est une fraude et une évasion de l’éthique et des valeurs du métier. «Je suis dans un F2 loué à raison de 20 000 DA.

Chaque année, je paye 240 000 DA. A l'étroit, j’y vis avec ma petite famille de 4 enfants. Ma fille aînée, 25 ans, a fui le pays pour terminer ses études en France. Il me reste les 3 garçons qui, en période d’examens, exploitent même la salle de bains pour réviser», s’exclame-t-il avant de revenir sur la cherté de la vie. Pour lui, ce qui lui reste de son salaire, 64 000 DA, suffit à peine pour les besoins les plus rudimentaires.

Depuis son mariage, il y a 26 ans, il n’a jamais pu aller avec sa petite famille en vacances. Un salaire décent à ses yeux ne devrait pas être en dessous de 100 000 DA. Tout ceci sans compter les conditions de travail au sein des établissements.

Programme chargé, surcharge dans les classes et dépassement du volume horaire, des paramètres qui mettent le personnel pédagogique dans une pression immense. Résultat : rendu pédagogique très bas. Victime directe : les élèves dont le niveau ne cesse de baisser.

L'inquiétude des parents d'élèves

Les parents d’élèves ne cessent de charger les enseignants qui, selon eux, ne font plus dans la pédagogie, mais plutôt dans le bourrage. Sur les plateformes sociales, les groupes de parents d’élèves pullulent de plaintes en tous genres.

«Je ne suis pas contre l’amélioration des conditions de travail des enseignants. C’est légitime. Mais pas au détriment de mes enfants qui n’ont absolument pas de temps pour assimiler les cours, ni faire assez d’exercices pour comprendre et maîtriser ce qu’ils apprennent tous les jours. Nous nous retrouvons, mon épouse et moi, à refaire les cours pour nos enfants. Les envoyer dans une école privée n’est pas dans nos moyens.

Il faut une solution et rapidement», s’emporte Saïd, parent d’élève. Une réalité que vivent tous les parents contraints de porter la casquette de l’enseignant et imposer aux enfants des cours à la maison au détriment du temps pour la détente ou autres loisirs.

Tout cela se joint à l’impact négatif du système d’enseignement par alternance qui favorise grandement le décrochage scolaire. Même si le ministère refuse de l’admettre, beaucoup d’élèves très brillants ont baissé pour n’être que moyens.

Les pédagogues ont longtemps alerté sur cette situation et surtout ce vide pédagogique. Pour le combler, ils avaient proposé la mise en place d’une stratégie d’enseignement en ligne solide.

Une solution qui ne semble pas paraître dans l’agenda du ministère de l’Education nationale, sauf la dotation de certaines écoles primaires en tablettes avec des conditions d’éligibilité sévères impossibles à satisfaire. 

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