Les perturbations des échanges qu’entraînent l’instabilité politique et les tentatives de maîtrise de l’inflation pourraient avoir de profondes répercussions sur les marchés.
Dans un rapport publié tout récemment sur les perspectives agricoles 2023-2032 et l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) et l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) ont dressé une évaluation détaillée de ce que pourrait être l’évolution, dans les dix ans à venir, des marchés nationaux, régionaux et mondiaux des produits agricoles, halieutiques et aquacoles dans un contexte d’incertitudes et de risques économiques persistants et de cherté de l’énergie.
D’emblée, les deux organisations affichent des préoccupations pour la sécurité alimentaire mondiale après la flambée des prix des intrants agricoles observée depuis deux ans.
Pour les céréales, objets de tensions périodiques comme c’est le cas avec le conflit en Ukraine, la production devrait augmenter à l’échelle planétaire de 320 millions de tonnes (Mt) par rapport à son niveau actuel pour atteindre 3.1 Gt d’ici 2032, essentiellement grâce au maïs et au riz.
«Comme lors de la décennie écoulée, cette hausse devrait être principalement attribuable aux pays asiatiques, qui représenteront environ 45 % de la croissance mondiale. L’Afrique, où le maïs et les autres céréales secondaires restent les principaux moteurs de la croissance, contribuera dans une plus grande mesure à la croissance mondiale de la production de céréales par rapport à la décennie précédente. L’Amérique latine et les Caraïbes représenteront également une part non négligeable de la hausse, principalement de maïs», prévoit le rapport.
Vers un ralentissement de la demande
Côté demande, les principaux éléments des projections tablent sur un ralentissement. En effet, selon le rapport, au cours des dix prochaines années, la croissance de la demande de céréales devrait ralentir par rapport à la décennie précédente en raison d’une progression plus lente de la demande pour les aliments pour animaux, les biocarburants et d’autres usages industriels. En outre, dans de nombreux pays, la consommation directe par habitant de la plupart des céréales atteint un niveau de saturation.
Ce qui limite la croissance de la demande globale. «L’essentiel de la hausse de la demande alimentaire s’explique par un accroissement démographique, notamment dans les pays à faible revenu et à revenu intermédiaire de la tranche inférieure. Sous l’effet de l’expansion démographique, la consommation de blé et de riz en Asie, ainsi que celle de millet, de sorgho et de maïs blanc en Afrique, devraient augmenter», indique le document à ce sujet.
Sur un autre plan, les échanges mondiaux de céréales devraient croître de 11 %, représentant 530 Mt en 2032. Le blé sera à l’origine d’environ 43 % de cette augmentation. Les prix nominaux des céréales devraient rester élevés pendant la campagne 2023-24.
Cependant, l’étude de la FAO et de l’OCDE indique que si les rendements moyens et la stabilité géopolitique se maintiennent, ces prix pourraient renouer avec leur tendance baissière à long terme en valeur réelle jusqu’en 2032.
Aussi, les perturbations des échanges qu’entraînent l’instabilité politique et les tentatives de maîtrise de l’inflation pourraient également avoir de profondes répercussions sur les marchés.
Dans ce cadre, «certains pays ont annoncé leur intention d’élaborer des stratégies de gestion des prix intérieurs, comme la constitution de stocks, les restrictions à l’exportation, la mise en place d’obstacles à l’importation et la hausse des subventions pour les producteurs et les consommateurs, mais la mise en place de ces mesures reste souvent peu claire et difficilement réalisable sur le plan financier», observe le document.
Des mesures qui ne seront pas sans impact sur le commerce multilatéral. D’où l’importance d’instaurer un système fondé sur des règles et la transparence, préconisent la FAO et l’OCDE pour qui les interdictions d’exportation ne font qu’aggraver les effets délétères des incertitudes entourant les prix et augmenter ceux-ci avec des répercussions négatives sur la sécurité alimentaire mondiale et sur les moyens de subsistance à court terme. Ce qui compromet aussi les capacités d’approvisionnement à long terme.