Parmi les 150 investisseurs ayant obtenu des terrains dans la zone industrielle de Larbatache, stratégique eu égard à sa proximité avec les voies de communication, seuls 54 ont reçu un permis de construire et pu entamer leurs projets.
Créé en 2015 pour booster les investissements, le parc industriel de Larbatache, à l’ouest de Boumerdès, peine à prendre forme. Le projet de sa viabilisation s’est avéré un véritable fiasco dont les coupables sont encore loin d’être désignés.
«L’Aniref y a injecté près de 10 milliards de dinars, mais les entreprises engagées, parmi lesquelles l’ETRHB Haddad, n’ont réalisé que les routes. La zone n’est toujours pas raccordée aux réseaux d’électricité, de gaz, d’eau et de téléphone.
Ce qui a retardé l’entrée en activité de plusieurs usines», dénonce un opérateur installé sur place. Parmi les 150 investisseurs ayant obtenu des terrains dans cette zone stratégique eu égard à sa proximité avec les voies de communication, seuls 54 ont obtenu un permis de construire et pu entamer leurs projets, a-t-on appris à la direction locale de l’industrie, gérée par intérim depuis plusieurs mois.
«J’ai déposé ma demande de permis début 2019. J’attends à ce jour. Au départ, on a justifié les retards par l’incompatibilité du cahier des charges avec les plans de zoning du parc. Maintenant, on exige que je transfère les lignes et les poteaux électriques se trouvant près de mon lot», dénonce un investisseur qui ambitionne de réaliser une unité de fabrication d’équipements hydrauliques. Ses déboires dans les travées de l’administration ne sont pas près de finir.
«Cela fait trois mois que j’ai fait une demande à Sonelgaz pour m’établir un devis en vue de changer l’itinéraire du réseau électrique. En vain», a-t-il ajouté.
Un autre investisseur pointe du doigt le guichet unique qui «fonctionne de manière archaïque», soulignant que «certaines directions mettent parfois plusieurs mois pour examiner leurs dossiers». «La direction de l’urbanisme ne nous communique jamais les réserves à la fois. Chaque semaine, on nous invente une histoire et un nouveau prétexte.
Il n’y a que le médiateur de la République qui a tenté de aider à résoudre nos problèmes», dira un opérateur qui se plaint du changement de l’échéancier de paiement des redevances du terrain. «La direction des Domaines exige que je paye 100% alors que cela devrait se faire après 7 ans de l’obtention du terrain.
En plus, on m’a pas encore délivré le permis pour entamer mon projet», s’indigne-t-il. Nos interlocuteurs soulèvent aussi le problème des erreurs administratives et l’incompatibilité des actes de concession avec le cahier des charges de la zone et les plans de délimitation des terrains.
Des projets d’envergure nationale en souffrance
D’une superficie de 137 ha, la zone devait abriter une centaine de projets d’envergure nationale, dont des unités de fabrication de médicaments et de produits agroalimentaires.
La première liste des bénéficiaires de terrain contenait beaucoup de noms d’oligarques de l’ancien régime, à l’instar des Kouninefs, Haddad, Maâzouz, etc.
Mais leurs décisions d’attribution ont été annulées après l’avènement du hirak. Il n’y a pas longtemps, les autorités ont fait état de la récupération de 42 lots, justifiant cette décision par les retards enregistrés par leurs bénéficiaires de déposer les permis de construire.
Mais certains se défendent par le fait que la zone ne soit pas dotée des commodités nécessaires, citant l’absence de l’électricité et du gaz, indispensables pour toute activité industrielle.
Sur une trentaine de projets en cours de réalisation dans la zone, au moins cinq sont déjà achevés, mais seulement une unité de fabrication de meubles est entrée en exploitation, a-t-on appris sur place. «On avait commencé en avril 2021. Depuis, nous n’avons jamais cessé de réclamer de nous alimenter en électricité.
Sans résultat. Aujourd’hui, on utilise un groupe électrogène que nous avons acquis à 480 millions et qui consomme une moyenne de 20 millions en gasoil chaque mois», se plaint un cadre de Mad-Con Création. Un peu plus loin, une autre usine flambant neuf destinée à la fabrication de tracteurs tarde à démarrer pour les mêmes motifs.
De l’autre côté de la zone, les quelques investisseurs ayant entamé leurs projets sont dans un profond désarroi. Même ceux qui étaient pressés d’achever les travaux ont vite déchanté à cause du manque de commodités. Sensibilisés quant aux difficultés des opérateurs économiques, les ministres de l’Energie et de l’Industrie y ont effectué une visite d’inspection en avril dernier (lire l’encadré).
Beaucoup de promesses ont été faites. Reste leur concrétisation dans les faits. «Est-il normal de réaliser une zone sans électricité ni gaz ou un point de rejet et de traitement des eaux usées ? Finalement, même les routes ont été mal faites et plusieurs axes n’ont pas été bitumés. Tout le monde se demande où sont passés ces 1000 milliards de centimes dépensés dans cette zone», martèle un investisseur, qui espère une prise en charge urgente de leurs doléances.
A noter que la zone de Larbatache fait partie des 50 parcs industriels créés en 2011 à l’échelle nationale pour bosser l’activité économique et répondre aux besoins exprimés en matière de foncier. Ces sites industriels ont englouti plus de 290 milliards de dinars, mais l’objectif attendu par leur création semble loin d’être atteint.
L’électrification de la zone se fait toujours attendre
Lors de leur visite à la zone industrielle de Larbatache en avril dernier, les ministres de l’Energie et de l’Industrie ont été interpellés par de nombreux investisseurs qui tardent à démarrer l’activité faute d’électricité et de gaz.
Avant de quitter les lieux, les deux membres du gouvernement avaient instruit les responsables de l’Aniref et de Sonelgaz de remédier au problème dans les meilleurs délais.
Néanmoins, les procédures traînent en longueur. Si Sonelgaz a mobilisé une enveloppe de 400 millions pour alimenter provisoirement les usines achevées, ce n’est pas le cas de l’Aniref qui a la charge de réaliser les réseaux intra-muros. «Sonelgaz a déjà mobilisé cette somme pour alimenter une trentaine d’unités.
Après étude, il a été décidé d’acheminer l’énergie électrique à partir d’Ouled Moussa sur une distance de 5 kilomètres. Néanmoins, pour faire passer des réseaux électriques sous l’autoroute, il fallait obtenir une autorisation du ministère des Travaux publics. Une demande lui a été transférée mais la réponse tarde à arriver», déplore un responsable au fait du problème.
Selon lui, le recours aux postes d’alimentation d’Ouled Moussa est une solution temporaire, précisant que Le coût global du projet est estimé à 700 milliards de centimes.
S’agissant du gaz, le projet de raccordement de la zone bute sur une opposition que les autorités tardent à lever en dépit des préjudices causés aux opérateurs par l’absence de cette énergie.
Contacté, un cadre à Sonelgaz affirme que les investisseurs ne peuvent bénéficier du gaz et de l’électricité qu’après l’installation des réseaux à l’intérieur de la zone par l’Aniref, l’organisme aménageur de la zone. Toutefois, d’aucuns affirment que rien n’a été entrepris dans cette optique, ce qui suscite l’appréhension des promoteurs installés dans le site.
«L’Aniref ne semble pas disposer de moyens financiers. Les réseaux intra-muros étaient inclus dans le projet de viabilisation de la zone. Une entreprise privée a même été désignée pour les réaliser, mais cela n’a jamais été fait», souligne un élu à l’APC de Larbatache.
Las d’attendre, les investisseurs affirment que même les réseaux de téléphone et d’AEP ne sont pas encore installés. Sans ces commodités, aucune activité industrielle n’est possible dans la zone.