Faut-il parler du Festival de Cannes ? Oui et non, un peu ou peut-être, parce que c’était la clôture samedi dernier et que ce n’est pas loin d’Alger, à quelques kilomètres de pellicule. Mais vu du Maghreb, il s'agit surtout de compétition, puisque la compétition officielle du festival, ainsi dénommée par ses organisateurs, est la plus prestigieuse des catégories, qui ouvre notamment le droit à une palme d'or, reléguant «La quinzaine des réalisateurs», «Un certain regard» et autres catégories dans le flou de l'arrière-plan.
On pourra donc parler de la Tunisie, bien présente à Cannes avec un film en compétition officielle, Les filles d'Olfa de Kaouther Ben Hania, déjà nommée pour les Oscars pour L’homme qui a vendu sa peau et déjà sélectionnée à Cannes dans la catégorie « Un certain regard » avec La belle et la meute. Pour la fille de Sidi Bouzid, la ville d'où ont démarré les émeutes de 2010 qui ont renversé le dictateur Ben Ali, c'est donc une première participation du pays de Kaïs Saïed en compétition officielle depuis plus de 50 ans, comme quoi même en proie à d'immenses difficultés, un pays peut faire du bon cinéma. Pour le Maroc, deux longs-métrages dans la section «Un certain regard», Kadib Abyad (La mère de tous les mensonges) d'Asma El Moudir et Les Meutes de Kamal Lazraq, ainsi qu'un 3e retenu dans la «Quinzaine des réalisateurs», Déserts de Faouzi Bensaïdi.
De quelle couleur est le tapis rouge de Cannes ?
On pourrait croire à ce titre l'Algérie absente mais non, la célèbre Franco-Algérienne Maïwenn a fait flasher tout le monde, photographes, journalistes et invités avec la projection, en hors compétition mais pour l'ouverture et la cérémonie inaugurale du prestigieux festival, son dernier film, Jeanne de Barry, 24 marches sur tapis rouge au bras de Johnny Depp, 60 mètres de long et 240 mètres carrés de surface exactement, le tapis, pas Johnny Depp, Maïwenn raconte l'histoire d'amour entre une courtisane, Maïwenn, et Louis XV, Depp, roi de France et de Navarre qui a préféré signer un traité de paix avec la Régence d'Alger contrairement à son prédécesseur Louis XIV qui avait choisi de bombarder la ville aux 1000 canons.
Pour le reste, on notera surtout, pour rester en Algérie, Omar la fraise dans la section «Séances de minuit», film d'Elias Belkeddar, Franco-Algérien, auteur du clip à succès de DJ Snake, «Disco Maghreb» tourné à Oran, avec Reda Kateb, autre Franco-Algérien, accessoirement fils d'un homme de théâtre et militant nationaliste algérien, petit-neveu du poète Kateb Yacine et donc cousin du musicien Amazigh Kateb. Un film de gangsters tourné en partie à Ouargla et Alger, qui raconte la tendance des Algériens, français, d'aller se réfugier en Algérie pour échapper à la justice, «un thème contemporain pouvant être raconté de manière originale sans passer par le misérabilisme», selon les explications du réalisateur. C'est tout ?
Des films d'Algériens produits ailleurs ? Non, il semble utile de noter que l'agent de sécurité à la porte du festival en haut des fameuses marches, est Algérien, parti en harrag il y a quelques années, pas pour faire du cinéma, et a trouvé un travail. Mais fallait-il parler du Festival de Cannes ? Oui et non, en tous les cas c'était encore l'occasion de rappeler que la seule Palme d’Or algérienne, d'Afrique et du monde arabe, Chronique des années de braise de Lakhdar Hamina sur un scénario de Rachid Boujedra, n’est toujours pas disponible en Algérie, ni en salles ni en DVD, ni sur les télévisions depuis son sacre à Cannes en 1975, malgré une version restaurée qui tourne en ce moment dans des salles d'Europe. Mais de quelle couleur est le tapis rouge du Festival de Cannes ? Ce n'est pas une blague, c'est un rouge particulier, le rouge Rosso, code hexadécimal RGB # FF0000. C'est précis. Comme une loi sur le cinéma.