Fin de non-recevoir, hier matin, du gouvernement aux syndicats qui réclamaient le retrait de la loi sur les retraites. Au même moment, le ministre de l’Intérieur défendait le schéma de maintien de l’ordre.
Hier matin à Paris, la rencontre entre le gouvernement français et l’intersyndicale a échoué après moins d’une heure de discussion devant le refus catégorique de la Première ministre Elisabeth Borne de retirer sa loi sur la réforme des retraites qui prévoit l’âge de départ reporté de 62 ans à 64 ans avec 43 annuités cotisées pour une retraite à temps plein.
Pour Laurent Berger (CFDT), sur le perron de Matignon (Premier ministère), «Nous sommes en train de vivre une grave crise démocratique» face au pouvoir qui ne veut rien entendre.
Un déni de démocratie réfuté par l’entourage du président Macron, actuellement en Chine : «On ne peut pas parler de crise démocratique quand le projet a été porté, expliqué et assumé».
Une réponse qui ne tient pas compte de la «démocratie sociale», versant populaire de la «démocratie politique» des urnes.
Pourtant, au nom de l’intersyndicale, Cyril Chabanier a résumé l’échec des échanges : «Nous avons redit à la Première ministre qu’il ne saurait y avoir d’autre issue démocratique que le retrait du texte.
La Première ministre a répondu qu’elle souhaitait maintenir son texte, une décision grave.» Pour la toute nouvelle secrétaire générale de la CGT, Sophie Binet, ce fut une «réunion inutile» : «Nous avons trouvé face à nous un gouvernement radicalisé, obtus et déconnecté».
Et de renvoyer le gouvernement à sa responsabilité, regrettant une «stratégie jusqu’au-boutiste, violente et irresponsable. Le gouvernement porte la responsabilité du désordre».
Pour désamorcer la crise, le gouvernement espérait mettre sur la table d’éventuels ajustements sur les conditions de travail, la pénibilité ou les salaires, sans revenir sur son texte voté en force par l’application de l’article 49,3.
Mais le représentant de l’intersyndicale a réitéré la position qui ne change pas depuis janvier : «Nous refusons de tourner la page et d’ouvrir, comme le souhaite le gouvernement, d’autres séquences de concertation sur des dossiers aussi divers que le plein-emploi ou le partage des richesses.
Depuis le mois de janvier, des millions de manifestants ont régulièrement arpenté les rues et ce jeudi, la onzième journée de contestation est organisée un peu partout dans le pays.
Pour l’intérieur, c'est la faute à l’«ultra gauche»
Sur ce thème du désordre et des violences qui accompagnent ou suivent les manifestations, le ministère de l’Intérieur, Gérald Darmanin, était hier auditionné par la commission des lois à l’Assemblée nationale. Il a attribué les violences à «l’ultra gauche» : «Le sujet n’est pas tant les manifestations que l’infiltration par l’ultra gauche de ces manifestations».
Défendant les policiers et gendarmes accusés d’excès par divers organismes nationaux ou internationaux, il a défendu le schéma de maintien de l’ordre : «Les manifestations en tant que telles, le maintien de l’ordre en tant que tel, ne posent pas de problèmes. Ce qui pose problème, c’est les guérillas urbaines, les violences urbaines.»
Une façon habile de sous-estimer le mouvement social d’ampleur et de prendre date. La secrétaire nationale d’Ecologie Les Vert (Gauche) Marine Tondelier a parfaitement résumé la fronde qui gronde : «On ne lâchera pas l’affaire.
Ni l’intersyndicale, ni les partis mobilisés, ni les travailleurs, ni les Françaises et les Français largement opposés à cette réforme injuste.» Reste une inconnue.
Si la majorité de la population est contre la loi sur les retraites, elle est aussi, selon les toutes récentes enquêtes d’opinion, soucieuse d’ordre et, comme en 1968 après les violentes manifestations qui ont bénéficié à la droite gaulliste, c’est là-dessus que comptent la droite et extrême-droite pour les prochaines échéances, plus politiques celles-ci, qui ne manqueront pas d’intervenir.
En attendant, gouvernement et opposition lorgnent du côté du Conseil constitutionnel qui donnera son avis le 14 avril sur la loi et pourrait remettre en question tout ou partie des articles votés.