Nobel de littérature : Jon Fosse, écrivain du silence

07/10/2023 mis à jour: 03:52
AFP
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Le dramaturge norvégien Jon Fosse

Le Norvégien Jon Fosse, couronné par le Nobel de littérature hier, est un écrivain touche-à-tout, chez qui la forme est généralement plus importante que le fond, le non-dit plus parlant que les mots.
 

Romancier, essayiste, poète, auteur de livres pour enfants et surtout dramaturge, Fosse est d’un accès peu facile pour le grand public. Pourtant, il est peut-être l’auteur vivant dont les pièces de théâtre sont les plus jouées en Europe. Le visage rondouillard serti d’un regard bleu scandinave, d’une barbe et de cheveux mi-longs blanchis par le temps, c’est un enfant des fjords né il y a 64 ans sur la côte ouest de la Norvège. Une région battue par les éléments naturels, dont il a gardé l’idiome, le «nouveau norvégien» (nynorsk). Il grandit dans un milieu d’inspiration piétiste avec un grand-père Quaker, pacifiste et gauchiste à la fois. 

Un piétisme dont le jeune Fosse s’éloigne, préférant se dire athéiste et jouer de la guitare dans un groupe, Rocking Chair, avant finalement d’embrasser la foi catholique sur le tard, en 2013. Après des études littéraires, il fait ses débuts en 1983 avec Rouge, Noir, un roman où un jeune homme règle ses comptes avec le piétisme. Le style, marqué par de nombreuses projections dans le temps et une alternance des points de vue, deviendra sa marque de fabrique. Suivent, entre autres, La Remise à bateaux (1989), qui lui gagne l’estime de la critique, et Melancholia I et II (1995-96), une autre œuvre majeure. Son dernier coup de maître, Septologien – sept chapitres répartis en trois volumes – exploite la rencontre d’un homme avec une autre version de lui-même pour soulever des questions existentielles avec, comme toujours, une ponctuation parcimonieuse et imprévisible.
 

Fosse vient au théâtre presque par nécessité  : sans revenus réguliers, il accepte au début des années 1990 d’écrire le début d’une pièce, y prend goût et décide d’aller jusqu’au bout («Quelqu’un va venir»). Finalement, c’est ce genre qui lui assurera sa notoriété internationale. Après Et jamais nous ne serons séparés en 1994, s’enchaîneront Un jour en été, Rêve d’automne ou encore Je suis le vent. Rompant une pause d’une décennie, il se surprend lui-même en renouant avec le genre en 2021, avec la pièce Sterk Vind (non traduite). Où la clé de compréhension est dans le rythme, la musicalité et les pauses. Ses personnages sont peu volubiles. Leurs phrases se répètent, à quelques changements infimes près, et restent en suspens. 

Ce sont les silences qui sont souvent lourds de sens et qui font que, même ensemble, les êtres restent seuls. «Je n’écris pas de personnages au sens traditionnel du terme. J’écris de l’humain», confiait Fosse en 2003 au Monde. Dans ses pièces, «les éléments sociologiques sont présents : chômage, solitude, éclatement des familles, mais l’essentiel est ce qui est entre. Dans les interstices, les failles entre les personnages, entre les différents éléments du texte. 

Ça passe plus par les silences, par ce qui n’est pas dit que par ce qui est dit», disait-il. Des failles, sa vie personnelle en est parsemée. Marié trois fois, ce père de six enfants a dû renoncer à la boisson après des ennuis de santé. Bien qu’extrêmement difficiles à monter, ses pièces trouvent d’influents relais à l’étranger. 

En 2007, le Daily Telegraph le place au 83e rang dans un classement des 100 génies vivants. Cela faisait de nombreuses années que Jon Fosse était cité comme candidat sérieux au Nobel de littérature. Alors quand il a appris qu’il l’avait enfin remporté, il s’est dit «surpris mais pas trop». «J’étais habitué à l’engouement», a-t-il affirmé, «mais j’étais aussi habitué à (finalement) ne pas l’avoir». 

 

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