Négociations pour une trêve : Les raisons d’un échec

13/05/2024 mis à jour: 02:30
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Photo : D. R.

Alors que le bilan de la guerre contre Ghaza a franchi, hier, la barre symbolique des 35 000 morts, les négociations reviennent à la case départ. Pourtant, les pourparlers semblaient avoir franchi un cap encourageant, après l’annonce par le Hamas, le lundi 6 mai, de son adhésion à une proposition de cessez-le-feu présentée par l’Egypte et le Qatar.

Israël a très vite rejeté cette offre de paix, refroidissant brutalement les ardeurs de ceux qui espéraient un peu de répit pour les Ghazaouis. Mercredi, les délégations palestinienne et israélienne se sont tout de même retrouvées au Caire pour aplanir les divergences. Elles sont reparties le lendemain sans parvenir à un accord. Les pays médiateurs ont déclaré qu’ils allaient poursuivre leurs efforts pour rapprocher les points de vue. Vendredi, l’Egypte a exhorté les deux parties à faire preuve de «flexibilité».

Pour le Hamas, le rejet par Israël du projet d’accord de cessez-le-feu que le mouvement palestinien a approuvé «ramène les négociations à la case départ». L’impasse à laquelle sont arrivés les pourparlers n’a pas manqué de faire réagir, alors que l’offensive israélienne sur Rafah suscite de vives inquiétudes. Le président américain, Joe Biden, a déclaré samedi qu’un cessez-le-feu était possible. Mais il semble mettre la balle dans le camp du Hamas en faisant remarquer : «Il y aurait un cessez-le-feu demain, si le Hamas relâchait les otages.»

Une sentence malheureuse qui n’a pas du tout été du goût du Hamas. «Nous condamnons cette position du président américain, nous la considérons comme un revers par rapport aux résultats du dernier cycle de négociations» a réagi, hier, le mouvement de résistance palestinien via un communiqué, précisant que c’est Netanyahu qui «s’est empressé de faire capoter les pourparlers», en déclenchant son offensive sur Rafah.

De son côté, la France a déploré l’opération lancée sur Rafah et a appelé Israël à reprendre le chemin des négociations. «Nous appelons les autorités israéliennes à cesser cette opération militaire sans délai et à reprendre la voie des négociations, seule voie possible pour conduire à la libération immédiate des otages et obtenir un cessez-le-feu durable», a indiqué un communiqué du Quai d’Orsay diffusé vendredi.Force est de le constater : les positions des deux parties paraissent à ce stade irréconciliables.

Le mouvement Hamas exige un cessez-le-feu durable, le retrait total de l’armée israélienne de la bande de Ghaza, la libération d’un grand nombre de prisonniers palestiniens, y compris des condamnés à perpétuité, le retour des déplacés, et la mise en œuvre rapide d’un plan de reconstruction de Ghaza. L’entité sioniste, elle, penche plutôt pour un format de type trêve de quelques semaines, de quoi permettre à ses soldats lourdement malmenés de reprendre leur souffle. L’armée israélienne ne veut surtout pas baisser la pression sur le Hamas.

Ce qui horrifie Netanyahu, c’est de réaliser que les brigades Al Qassam et les autres factions palestiniennes engagées sur le terrain des combats conservent toute leur force de frappe et leur capacité de riposte, malgré sept mois d’une fureur guerrière impitoyable. Il est convaincu que plusieurs bataillons de la résistance palestinienne sont embusqués dans le gouvernorat de Rafah et veut les déloger à tout prix.

Il sait que c’est une entreprise de longue haleine qui exigera encore plusieurs semaines de ratissage, sur un terrain miné. Il faudrait donc au moins que l’opération Rafah arrive à son terme pour voir les négociations repartir du bon pied. Rafah constitue la dernière station des opérations d’envergure menées par l’armée israélienne dans une tentative de «détruire le Hamas», comme elle dit.

Avant cette étape, il y a eu d’autres opérations d’ampleur, comme celle de Khan Younès et le long siège du complexe médical Nasser et de l’hôpital El Amel, ou encore le long siège de l’hôpital Al Shifa, dans la ville de Ghaza, tous accompagnés d’une épouvantable boucherie, comme en témoignent les charniers découverts, après le retrait des troupes israéliennes de ces zones hospitalières.

Tout au long de ces sept mois d’invasion, l’armée israélienne a ainsi procédé par segments, encerclant des quartiers et des villes entières, en se focalisant comme on l’a remarqué sur les hôpitaux considérés comme des refuges pour les combattants des brigades d’Al Qassam. On a vu les forces d’occupation engager de cette manière des batailles stratégiques centrées sur un secteur précis et où le modus operandi était sensiblement le même : les troupes israéliennes encerclaient le secteur en question et procédaient à des bombardements intensifs couplés à des pilonnages de l’artillerie.

La machine de guerre sioniste détruisait tout sur son passage : habitations, hôpitaux, abris de l’UNRWA, mosquées, cimetières… On se souvient des précédents d’Al Shujaîya ou Haï Al Zaytoun, dans l’agglomération de Ghaza-ville, ainsi que les premières campagnes militaires, au nord, dès l’entame de l’offensive terrestre le 27 octobre. Ce fut le cas à Jabaliya et le siège de l’hôpital Kamal Adwan. Puis il y a eu de longs sièges similaires dans le centre de la bande de Ghaza, à Deir Al Balah, Al Nussairat ou encore Al Maghazi. Rafah apparaît donc comme la dernière séquence de cette longue campagne de ratissage, du nord vers le sud.

«Hamas survivra»

Selon la presse israélienne, l’armée d’occupation sioniste s’est dite surprise par la réponse positive du Hamas à la proposition des médiateurs égyptien et qatari. Netanyahu en était bien embêté, lui qui ne veut rien entendre, avant d’avoir détruit Rafah. Plus que le sort des otages, Netanyahu est surtout obsédé par une sortie honorable du bourbier ghazaoui. Au vu de l’effort de guerre investi dans cette campagne génocidaire, le Premier ministre israélien souhaite engranger un bénéfice électoral et être nimbé de la gloire du héros.

Au-delà de l’objectif personnel, il y a l’objectif militaire déclaré, qui est plus important à ses yeux que la libération des otages ; c’est la destruction de Hamas et l’élimination de son chef militaire, Yahia Sinouar. Pour le boucher de Ghaza, ce serait donc un cuisant échec de concéder un cessez-le-feu permanent qui donnerait Hamas symboliquement vainqueur.

Dans un article publié mercredi dernier sur son site officiel sous le titre «Hamas a proposé un accord de cessez-le-feu, voici pourquoi cela ne mettra pas un terme immédiat à la guerre à Ghaza», CNN note : «Le plus gros point de friction est la question d’un cessez-le-feu permanent et de la manière de l’aborder dans l’accord.

La proposition du Hamas appelle à la fin de la guerre, ce qui constitue une ligne rouge pour Netanyahu.» L’article cite un ancien envoyé spécial de Barack Obama lors des négociations palestino-israéliennes de 2014, Frank Lowenstein, qui observe : «Le Hamas a apparemment accepté l’ambiguïté constructive sur la durée proposée par les médiateurs, ainsi que les ‘‘garanties’’ d’un cessez-le-feu permanent qui ne sont évidemment pas applicables», tandis que Netanyahu «préférerait de loin envahir Rafah, poussé par sa politique de coalition extrémiste, plutôt que d’avoir un cessez-le-feu qui pourrait mettre fin à la guerre et probablement déclencher des élections».

Hussein Ibish, chercheur à l’Institut arabe des Etats du Golfe à Washington, cité par CNN, décrypte de son côté : «Le Hamas subit d’énormes pressions, y compris dans une certaine mesure de la part de ses propres dirigeants vivant en dehors de Ghaza, pour qu’il accepte la proposition de cessez-le-feu de l’Egypte et du Qatar afin d’obtenir un peu de répit pour l’organisation et un soulagement pour les Palestiniens de Ghaza.» Et le chercheur de lancer : «Le Hamas survivra.

C’est une organisation politique et une marque. Il ne s’agit pas d’une liste d’individus qui peuvent être tués ou d’infrastructures et d’équipements qui peuvent être détruits. Netanyahu, en revanche, tant sur le plan personnel que politique, ne survivra pas éternellement.» Il y a aussi la question du «jour d’après» qui a fait couler beaucoup d’encre et de sang et qui est un autre sujet de discorde et un non-dit dans les négociations.

Tout en parlementant avec le Hamas, au Caire, la délégation israélienne n’a qu’une idée en tête : faire en sorte d’avoir un autre interlocuteur pour les Palestiniens dans les semaines et les mois à venir.

L’Etat hébreu veut en finir avec le Hamas et espère son éradication, en vue de la reconstruction politique et institutionnelle de Ghaza. Le Hamas n’est évidemment pas prêt à se laisser abattre. Et les dirigeants du mouvement sont catégoriques sur le «jour d’après» : ils n’envisagent pas un quelconque processus politique, pas seulement pour Ghaza mais pour l’ensemble de la Palestine, qui se fasse sans le Hamas. 
 

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