A partir de Djamaâ Ketchaoua (qui signifie en langue turque plateau des chèvres : kegi/aoua), le somptueux Palais Hassan Pacha (toujours en cours de restauration) et Dar Aziza, siège de l’OGEBC (Office national de gestion et d’exploitation des biens culturels protégés) enserrent l’ancienne place de la Djenina. Le quidam longe la rue Hadj Omar (ex-rue Bruce) non sans remarquer le mythique Café des sports où il ne reste que le témoignage d’une inscription mosaïcale renvoyant les nostalgiques des qaâdate musicales entre autres à la douce souvenance d’antan, voire à l’estampe d’un temps révolu des El Anqa et autres épigones. Dans les parages, Dar El Cadi, Dar Mustapha Pacha et Dar Essouf, trois monuments qui, après avoir été restaurés, servent de locaux administratifs. Le premier est occupé par l’ANSS (Agence nationale des secteurs sauvegardés), située au niveau de la rue Hadj Omar, le second abrite le Musée national de l’enluminure, de la miniature et de la calligraphie d’Alger, sis rue des Frères Mecheri (ex-rue de l’Intendance) et le troisième bijou héberge le Centre national de restauration des biens culturels. Les travaux de restauration avaient nécessité toute une technicité et un savoir-faire pour protéger notamment les éléments architectoniques de ce patrimoine historique. Plus loin, on emprunte des escaliers au pavage éventré (c’est un lieu commun, la séculaire Casbah qui s’effrite !) pour rallier le Musée national des arts et traditions populaires situé dans quartier Souk El Djemaâ. On accède au Palais des ATP par une porte en arc de plein cintre plaquée de marbre. Le visiteur est invité à franchir la première entrée (sqifa) non sans admirer ses colonnes marbrées, torsadées et cannelées qu’enjolive la feuille d’acanthe, puis d’une deuxième sqifa plus longue et bordée de banquettes composées d’arcades en accolades recouvrant des niches. Soulignons que les travaux d’urgence avaient commencé en 1998 et qui consistaient à effectuer des travaux d’urgence : la mise hors d’eau, une opération très délicate. Désormais, les eaux pluviales ne seront plus récupérées par ce qu’on appelle el djâb (bâche d’eau conçue originellement sous chaque maison). D’une superficie de 50 m2, el djâb est chaulé et revêtu de marbre. Le palais est bien entendu «muséalisé» avec un aménagement en ailes thématiques qu’on énumère plus loin. Les combles et la grande salle ne sont pas encore accessibles aux visiteurs, car l’opération exige du savoir-faire, apprend-on.
L’histoire du palais et sa collection
Selon la tradition orale, on ne connait pas avec exactitude la construction du Palais Khdaouadj El Amia. Selon l’historien et spécialistes des arts et traditions populaires, Lucien Golvin, il fut édifié aux alentours de 1570 par Yahia Raïs (officier de la flotte algérienne) sur les restes d’une zaouia désaffectée de Sidi Ahmed Abdellah ez-zouaoui. En 1789, Hassan, alors ministre des Finances (khaznadji) du dey Mohamed Ben Othmane, en aurait fait l’acquisition pour y loger sa fille Khdaouadj l’aveugle d’où le nom de Dar Khdaouadj El Amia. A force de se voir dans le miroir, cette dernière aurait fini par perdre la vue, dit la légende. La famille Bacri a ensuite élu domicile avant la conquête française, qui y installa la première mairie d’Alger. C’est sans doute à cette période, pense-t-on, que sa partie ouest fut agrandie, d’où des pièces d’une largeur inaccoutumée. En 1838, le logement fut affecté au sous-directeur de l’Intérieur, puis au procureur général, auxquels succèdent les fonctionnaires du gouvernement français. Il fut même un cadre à l’organisation de grandes réceptions qui accueillirent d’illustres figures, dont l’empereur Napoléon III et son épouse, Eugénie de Montijo. En 1909, la magnifique demeure devient l’hôtel privé du premier président de la cour d’appel. C’est en 1860 que le musée fut enrichi de stucs. En 1947, il est affecté au service de l’artisanat (conservation des arts populaires). Depuis l’indépendance, le Palais devient le musée des arts populaires, avant d’être érigé en septembre 1987, Musée national des arts et traditions populaires.
On accède au Palais par une porte en arc de plein cintre plaquée de marbre. Une première entré (sqifa) décorée d’une fontaine qui servait aux ablutions des invités. Une deuxième sqifa plus longue bordée de banquettes composées d’arcades en accolades recouvrant des niches constituées de bancs de marbre. Les murs sont recouverts de faïences aux motifs floraux mis en avant par une palette de couleurs que dominent le vert émeraude, le jaune ocre et le bleu d’Egypte. Dans le rez-de-chaussée, une belle pièce traditionnelle datant du XIXe siècle attire notre attention, il s’agit d’un pressoir en bois d’olivier imputrescible. Sur la droite de cette sqifa, un escalier conduit au niveau supérieur qui s’ouvre sur le patio que bordent quatre grandes pièces dotées de galeries. Par le même escalier, on accède au troisième niveau également bordé d’une galerie desservant quatre pièces distribuées de chaque côté du patio. Ces pièces sont d’inégales dimensions, la plus grande a subi des transformations lors de la colonisation française. On retrouve dans la collection du musée plus de 3000 objets relevant de différents corps de métiers, selon l’ancienne et non moins dynamique directrice du musée, Mme Aïcha Amamra : la tapisserie, le tissage, la broderie, les bijoux, la vannerie, le mobilier, la poterie, le costume, la boissellerie, le cuir, des instruments de musique, des pièces de dinanderie et une collection de tableaux. Mais seulement quelques objets meublent les trois niveaux du Palais, dont des pièces de poterie traditionnelle, des objets de boissellerie, le mobilier, les costumes… Rappelons qu’en 2002, l’ambassade des Etats-Unis avait consenti un don de 14 500 dollars au profit du musée pour la restauration de trois tableaux d’artistes peintre. Il s’agit d’un vase à fleurs, œuvre réalisée par Mohamed Kechkoul en 1939, un tableau représentant une scène de vie en Kabylie de Chérifa Hamimoumna, une toile qui date des années 1940 et le troisième tableau est une enluminure signée de Omar Racim.