Mohamed Amine Mouffok est comédien. Il a participé au 13e Festival culturel local du théâtre professionnel de Sidi Bel Abbès qui s’est déroulé jusqu’au 10 décembre, avec la pièce Dar Rabi (La maison de Dieu), d’après un texte d’Ould Abderrahmane Kaki.
C’est sa première mise en scène au théâtre. Dar Rabi narre l’histoire de détenus ayant fui la prison qui se retrouvent dans un endroit en plein désert et qui doivent décider de rester ou de fuir des gardes qui étaient à leurs trousses. En plus du théâtre, Mohamed Amine Mouffok est présent dans le cinéma. Il a été distribué dans plusieurs films dont Paysage d’automne de Merzak Allouache, La vie d’après d’Anis Djaâd et Les harkis de Philippe Faucon.
Propos recueillis par Fayçal Métaoui
-Parlez-nous de cette première expérience de mise en scène au théâtre...
Je suis un comédien de théâtre et de cinéma de Mostaganem. J’ai choisi pour la première expérience de mettre un texte de Ould Abderrahmane Kaki. J’ai déjà joué dans plusieurs pièces écrites par Kaki comme Diwan Gargouz, Koul wahed ou hkmou, 132 ans et Dam el hob. J’ai donc compris la pensée, les méthodes, la vision théâtrale, l’écriture dramatique et les sous-textes de cet auteur, lui aussi natif de Mostaganem. J’ai cherché un texte rare, peu exploré sur les planches, de Kaki. Ce texte a été écrit en 1992 mais qui est inachevé. J’ai décidé de lui donner une chute dans la pièce, autant dire qu’il s’agit d’une aventure pour moi. J’ai eu recours au ciné-théâtre.
-Vous vous êtes donc inspirés de votre expérience au cinéma ?
·Oui. J’ai rassemblé les deux arts, théâtre et cinéma. Une manière peut-être de proposer une forme théâtrale qui peut interpeller les jeunes spectateurs, les spectateurs d’aujourd’hui. J’ai choisi un extrait d’un discours (projeté sur support vidéo) du leader sud-africain Nelson Mandela, un symbole de la lutte et du militantisme. C’est une manière d’introduire la thématique de la pièce relative aux choix personnels à faire.
-Un choix entre rester et partir...
Oui, la pièce aborde notre quotidien, ce qui se passe actuellement en Algérie. Trois événements connus par l’Algérie sont présents dans la pièce. Des événements qui ont été des tournants dans l’histoire du pays : la guerre de Libération nationale, la décennie noire et le hirak (...) Beaucoup de choses ont changé. Mon père me disait qu’il partait enfant au cinéma dans les années 1960-1970. Ce rapport entre le public, le cinéma et le théâtre a changé après les années 1990.
-La scène était presque vide avec peu d’accessoires. Pourquoi ce choix ?
J’ai fait des recherches sur la pièce Dar Rabi et j’ai découvert que ce texte est inspiré de En attendant Godot de Samuel Beckett (dramaturge irlandais). Tous les personnages attendaient leur destin. Des personnages qui ressemblent à ceux de Don Quichot (les deux gardiens de prison).
-Dans la pièce Dar Rabi, les deux gardiens jouent d’une manière presque burlesque. Ils sont un peu déjantés ; habillés à la légère…
Je voulais maintenir une certaine trame comique sans sortir du tragique. J’ai choisi par exemple de rendre le gardien ivrogne (dans le texte d’origine il ne l’est pas). J’ai aussi rendu un petit hommage aux artistes. Le chef gardien a même chanté une chanson que j’ai moi-même écrite. Il faut juste noter que la musique était en live durant la pièce grâce au travail de Mansour Touahria, un jeune musicien de Mostaganem.
-Abderrahmane Kaki vous a finalement bien inspiré…
Oui. J’ai appris de Kaki, de Djillali Boudjemaâ (fondateur du théâtre El Moudja de Mostaganem), de Djamel Bensaber, d’Ahmed Bellalem (Hmida) et de l’association Ould Abderrahmane Kaki. Donc, j’ai acquis une certaine expérience par rapport à plusieurs visions de mise en scène des textes de Kaki. J’ai commencé le théâtre dans la troupe El Ichara en 2004 jusqu’à 2012. J’ai aussi travaillé avec Mohamed Takiret. De 2014 à 2018, j’ai rejoint El Moudja. A partir de 2016, j’ai commencé une carrière au cinéma. J’ai été distribué dans sept films.
-Qu’avez-vous appris dans des associations comme El Ichara ou El Moudja ?
J’ai appris la base du théâtre dans ces associations. Ces associations sont des écoles pour nous. Je pense que tout comédien débutant doit faire ce passage. Le passage par le théâtre amateur est nécessaire avant d’entamer une carrière artistique professionnelle. Au fil du temps, j’ai senti que j’ai acquis une certaine expérience au sein d’El Ichara et d’El Moudja. En 2004, je suis resté six mois à observer le travail de mes aînés dans le théâtre, de voir comment ils jouaient. Je voulais monter sur scène mais Djamel Bensabeur m’a conseillé de tempérer mes ardeurs avant de me distribuer, pour la première fois, dans la pièce 132 ans. C’était aussi une formation pour moi. J’ai appris beaucoup de choses des metteurs en scène, chacun avec ses idées, ses visions et ses méthodes. Avant la mise en scène de Dar Rabi, j’ai consulté Ahmed Belalem.
-Qu’est-ce qui est le plus compliqué dans la mise en scène au théâtre ?
C’est la nécessité d’avoir la maîtrise de tous les éléments scéniques. J’ai travaillé sur l’ensemble du spectacle, sur la synchronisation et sur le contact entre les comédiens. Quand on est comédien, on se concentre sur la construction du personnage en suivant les directives du metteur en scène. Mais quand on est metteur en scène, on doit être l’œil du public sur le spectacle, on doit veiller à ne pas commettre d’erreur. L’erreur est ma hantise malgré le fait que c’est ma première expérience de mise en scène. J’ai dirigé des comédiens qui montent pour la première fois sur scène.