Mohamed Cherif Amokrane. Auteur, formateur et stratège en communication : «Nous devons faire évoluer notre culture du risque et des crises»

29/05/2023 mis à jour: 15:00
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Mohamed Cherif Amokrane. Auteur, formateur et stratège en communication -Photo : D. R.

Séismes, intempéries, événements politiques, ou conflits au sein d'une entreprise, la gestion de crise, quelle que soit sa nature, obéit à des règles de conduite que toute organisation chargée de trouver des solutions doit suivre. Quelles sont, de manière succincte, ces règles de base que vous évoquez dans votre ouvrage ?

Tout d’abord, il faut comprendre la crise, comprendre ses caractéristiques, savoir ce qu’elle est et ce qu’elle n’est pas, et savoir situer sa propre organisation par rapport au concept de crise, car ce qui peut provoquer des crises chez différentes organisations n’est pas forcément universel. Il ne s’agit pas d’assimiler des connaissances abstraites sans grande incidence, il s’agit de qualifier les situations avec justesse et lucidité, car après la qualification vient le mode d’action approprié. Par exemple, on ne gère pas une urgence ou un bad buzz comme on gère une crise, ce sont des phénomènes différents. Ensuite, il faut se préparer à la prochaine crise avec la certitude de sa survenue, aucune organisation n’y échappe.

La préparation doit se faire selon deux logiques : celle du temps long, qui tend à améliorer la gestion de l’organisation dans tous ses aspects, car, comme nous l’avons démontré au chapitre 2, les qualités et aptitudes de performance organisationnelle qui sont très utiles en temps de paix sont indispensables en temps de crise. Ensuite, il y a la logique du temps court, à travers lequel l’organisation doit faire face au cas spécifique que constitue la crise, cela nécessite une préparation pour être capable de gérer ce qui peut être prévu et faire face à l’imprévisible.

Ça implique la capacité à mobiliser les ressources efficacement, la capacité de communiquer justement et la capacité à s’adapter structurellement ; cela nécessite de former en amont les gestionnaires et les porte-parole et d’être capable de travailler avec les différentes parties prenantes, tout en respectant les valeurs et les fondamentaux de l’organisation.

  • L'idée d'écrire sur cette thématique s'est-elle imposée à vous après avoir constaté des insuffisances au niveau du «management» des crises  ?

L’insuffisance est évidente, même si dernièrement des gestionnaires commencent à en prendre conscience. Personnellement, l’idée d’écrire ce livre m’habitait depuis une quinzaine d’années lorsque j’ai commencé à m’intéresser à ce domaine. Mais fallait-il en écrire un qui apporte une vraie valeur ajoutée. Pour dire les choses succinctement, à mesure où j’accompagnais des organisations en crise, je constatais souvent qu’il leur manquait quelque chose de fondamental sur les plans culturel et managérial, ce qui rend les techniques et les connaissances traitées dans la littérature spécialisée quasi-impossibles à appliquer dans ces organisations-là, c’est ce qui nous a poussés, mes coauteurs et moi, à adopter une approche plus globale.

J’ajouterai qu’après ce que le monde entier a enduré à cause de la pandémie de Covid-19, il nous semblait évident que les stratégies de gestion et de communication de crise devaient évoluer et impliquer le public, car dans de nombreux cas, les organisations ne peuvent pas s’en sortir sans une réelle contribution de la population.

  • La communication occupe une part importante dans les démarches à entreprendre pour le règlement d'une crise. Comment acquérir ce «savoir communiquer», qui manque souvent, dans notre manière d'aborder et d'affronter un conflit ?

Il faut valoriser la communication en tout temps et en toutes circonstances. Il faut que la fonction communication occupe une place stratégique au sein de l’organisation, il faut arrêter de la confier à des personnes pas suffisamment ou pas du tout formées. Il faut la doter de moyens suffisants et l’inscrire dans une démarche stratégique, en la considérant comme un levier de performance et d’insertion dans l’environnement. Pour gérer les conflits, la communication n’est pas seulement un outil ou une technique, c’est une culture qui aide à les prévenir et à les désamorcer, le cas échéant.

  • La crise, et au-delà de ce qu’elle peut engendrer comme conséquences négatives, est aussi le meilleur précepte que l’on puisse avoir afin de mieux se prémunir contre les «catastrophes» pouvant se produire à l’avenir. Pensez-vous que nous avons assimilé les leçons du passé pour mieux appréhender les risques futurs ? Notamment lorsqu’il s’agit de la gestion des risques et catastrophes naturelles...

Les crises sont toujours porteuses de leçons qu'il faut apprendre, mais la grande leçon qui revient toujours en filigrane de celles-ci est que les crises arriveront toujours à surprendre. Autrement dit, comprendre les crises du passé ne garantit aucunement d'éviter les crises du futur. Peu importe où l'on oriente sa focale, celle-ci engendre toujours, par définition, des angles morts qui seront des sources de vulnérabilités. Pour ce qui est des risques de catastrophes naturelles, nous avons sans aucun doute beaucoup de choses à corriger et nous devons surtout, en tant que nation, faire évoluer notre culture du risque et des crises.

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