Dès l’adoption, vendredi dernier, par la majorité des membres de l’assemblée générale de l’ONU, (120 voix sur 193 pour et 14 contre), d’une résolution appelant à «un cessez-le feu immédiat», l’offensive de l’armée d’occupation contre la population de Ghaza s’est intensifiée et le bilan des bombardements s’est davantage alourdi, dépassant les 8000 morts, majoritairement des femmes et des enfants.
Pris en otage par certains de ses membres, le Conseil de sécurité n’a pu à ce jour, après trois semaines d’une violente guerre menée par l’armée d’occupation israélienne contre la population civile, arriver à un consensus pour imposer une trêve, la protection des civils et le respect du droit humanitaire.
Après trois tentatives échouées, une réunion des membres de ce Conseil s’est tenue, lundi dernier, à la demande de la Chine et des Emirats arabes unis, durant laquelle des rapports hallucinants sur la situation à Ghaza ont été présentés par trois hauts responsables d’organismes onusiens. Ainsi, les trois responsables ont décrit «une situation horrible» à Ghaza où «une population entière est déshumanisée» depuis le début de l’offensive israélienne.
Intervenant en premier, Philippe Lazzarini, commissaire général de l’Unrwa (Office de secours et de travaux des Nations unies pour les réfugiés de Palestine dans le Proche-Orient), a déclaré qu’en trois semaines «un million de personnes, soit la moitié de la population de Ghaza, ont été poussés du Nord vers le Sud alors qu’aucun endroit n’est sûr à Ghaza et avec ces déplacements forcés (…)». Le même constat est fait par Mme Liza Doughten, directrice de l’Ocha (Bureau de la coordination des affaires humanitaires), en soulignant que «la situation actuelle n’est peut-être que le pâle reflet de ce qui nous attend».
Reprenant les chiffres «alarmants» du ministère palestinien de la Santé, elle a affirmé que près «de 70% des personnes tuées à Ghaza sont des femmes et des enfants, plus de 3400 enfants palestiniens y ont été tués et plus de 6300 autres blessés, soit une moyenne de 420 tués ou blessés chaque jour dans la bande». Pour la directrice de l’exécutif de l’Unicef, Mme Catherine Russell, ces chiffres «devraient nous émouvoir» et «nous faire craindre les traumatismes à vie des enfants». En conclusion, les trois responsables ont demandé au Conseil de sécurité de prendre «des mesures urgentes, notamment de soutien aux travailleurs humanitaires de l’ONU, l’adoption immédiate d’une résolution qui obligerait les parties à respecter le droit international, appellerait à un cessez-le-feu et autoriserait un accès humanitaire sûr et sans entrave». Les représentants de nombreux pays ont appuyé et relayé cet appel.
«Le Conseil de sécurité incapable de mettre fin aux souffrances des civils»
La Chine a déploré que «malgré le message clair qu’elle (résolution) contient, Israël fait la sourde oreille et choisit de renforcer son action militaire à Ghaza, provoquant une situation catastrophique». En réponse à ces interventions, le représentant d’Israël a justifié ses actions par «les opérations menées» par la résistance le 7 octobre dernier et fustigé Hamas et l’Iran. L’intervenant s’est attaqué au secrétaire général de l’ONU, aux membres du Conseil de sécurité, avant de se lever pour accrocher une étoile jaune sur sa veste en disant qu’elle y restera «jusqu’à ce que le Conseil condamne Hamas et exige la libération immédiate des otages».
Le représentant du Brésil a qualifié la situation à Ghaza «d’abjecte» où «un nombre intolérable d’enfants sont punis pour des crimes qu’ils n’ont pas commis et, pendant ce temps, le Conseil de sécurité tient des séances sans être capable de mettre un terme aux souffrances des civils (..). Nous échouons toujours et encore, et c’est une honte». La déléguée des USA a commencé par déplorer la mort de «60 humanitaires» de l’ONU, «alors que leur vie devait être protégée, tout comme celle des journalistes et de tous les civils».
Elle a exhorté l’assistance à «s’unir pour exiger la libération immédiate et sans condition de tous les otages, traiter les besoins humanitaires immenses des civils à Ghaza, rappeler le droit d’Israël à se défendre du terrorisme et à toutes les parties que le droit international humanitaire doit être respecté». Elle a exprimé sa «vive préoccupation par la recrudescence de la violence à l’encontre de civils palestiniens en Cisjordanie», et s’est dit «scandalisée et effarée» par les délégations «qui ont apporté un soutien implicite aux violences du Hamas lors de la session extraordinaire». La déléguée de la France s’est déclarée «alarmée» par «une situation humanitaire dramatique» à Ghaza, et souligné que «toutes les vies se valent (…) Israël a le droit de se défendre et le devoir de le faire dans le respect du droit international humanitaire, en préservant les populations civiles».
La Russie s’est déclarée, elle aussi, «alarmée» par la situation dans les territoires palestiniens occupés «où une catastrophe humanitaire d’ampleur biblique se déroule». Le délégué a dénoncé «les offensives militaires israéliennes qui ont débuté le 28 octobre à Ghaza contre l’avis de l’Assemblée générale».
Le représentant de la Palestine a estimé que «l’armée des héros de l’ONU agit tandis qu’un organe, le Conseil de sécurité, ne fait rien. Cette résolution morale pour laquelle 11 membres du Conseil ont voté doit aussi être adoptée par l’organe de l’ONU chargé du maintien de la paix et de la sécurité internationales afin de mettre fin à ce bain de sang, tâche indélébile qui constitue un crime de guerre et un crime contre l’humanité». L’intervenant a fustigé les USA «qui ne parlent que du droit de légitime défense d’Israël» et a ajouté qu'«aujourd’hui, les membres du Conseil assistent à la destruction de la solution des deux États.
Chaque minute compte pour les Palestiniens à Ghaza». Le Conseil de sécurité n’a, à ce jour, pas réussi à dépasser les divergences qui minent sa composante et qui l’empêchent d’agir. Deux projets de résolution sur cette crise, présentés par la Russie et les Etats-Unis, ont été rejetés. Le premier a été bloqué par le droit de veto des USA, et le second par celui de la Russie.