L’association OXY-Jeunes Darguina a tenu, cette semaine, un sit-in au niveau du Oued Agrioune, situé dans la commune de Darguina à Béjaïa, pour dénoncer «l’exploitation arbitraire du «tout-venant» et matériaux alluvionnaires d’Oued Agrioune».
Pendant plus de deux ans, des endroits du lit de l’oued Agrioune ont été creusés et affouillés pour l’extraction du TVO. Cette opération a fini par défigurer plusieurs endroits du lit de cette rivière», affirme Khaled Foudil, président de l’association OXY-Jeunes Darguina. Selon lui, cette opération a fini par transformer carrément cette rivière qui coule à travers les territoires de la commune Darguina, notamment à cause des étangs artificiels qui ont été aménagés, des cratères, des tranchées et autres trous béants qui ont été causés par des engins extracteurs.
«Nous avons tiré la sonnette d’alarme, saisi les autorités compétentes et appelé tous les habitants, associations et autorités à se mobiliser pour mettre un terme à ce processus barbare dont les conséquences seront désastreuses sur l’environnement», poursuit-il.
Ajoutant au passage : «Malgré les avertissements répétés de notre association, l’exploitation arbitraire et massive du tout-venant et matériaux alluvionnaires d’Oued Agrioune se poursuit pendant plusieurs semaines, jour et nuit, sans le moindre respect de la nature et dans l’absence d’étude d’impact sur l’environnement». Cela constitue, selon lui, une menace environnementale qui va mettre en péril des parties de la forêt de Agouni Ali par l’érosion, des parcelles agricoles privées de part et d’autre de l’oued ainsi que la dégradation continue de la faune et la flore locales.
Cette exploitation arbitraire contribuera également, toujours selon M. Foudil, à la destruction de la biodiversité et la richesse forestière, altérera le cours d’eau et menacera les ressources en eau et forages par la modification de la dynamiques fluviatile de l’oued. D’ailleurs, M. Foudil assure qu’en termes de perturbation du système écologique et de la biodiversité de ce type de cours d’eau, l’aspect faune et flore est révélateur.
Selon lui, le nombre et les espèces de poissons et autres animaux ont diminué de manière significative et frappante, à l’exemple de la carpe, le bourré, le barbeau, l’anguille, le crabe, la grenouille et d’autres espèces aviaires, en plus des différentes espèces végétales qui y vivent.
«Cette exploitation anarchique et sauvage du TVO de l’Oued Agrioune a malheureusement impacté de façon directe les espèces qui y vivent, surtout que ce oued est d’ores et déjà touché par le problème de prolifération des décharges sauvages sur ses deux rives et est classé dans la zone orange du degré de pollution», affirme-t-il.
Précisant que cette forme d’exploitation des lits d’oueds est interdite lorsqu’elle présente des risques de dégradation de l’environnement, chose qui a été constatée depuis des années au niveau d’Oued Agrioune. «D’ailleurs, en 2008, une étude de la direction de l’urbanisme de Béjaïa a fait ressortir que certaines zones présentent un danger d’inondation et ont été classées dans la zone rouge», affirme-t-il.
Assurant que plusieurs études de l’université de Béjaïa, notamment les départements d’hydraulique et de biologie, ont montré à quel point la biodiversité aquatique a été affectée par l’action d’extraction massive.
«Il aurait été donc plus utile de doter cette région d’un projet de protection d’Oued Agrioune et toutes ses composantes contre toutes ses menaces, surtout qu’il se trouve à l’aval du barrage Ighil Edma à Kherrata d’une capacité de stockage de cent millions de mètres cubes», suggère M. Foudil, qui se désole du fait que la remise en l’état de tout ce qui a été effectué sur ces cours d’eau et l’environnement n’est enclenchée que timidement par les entreprises d’exploitation.
Si les choses en restent là, les dits oueds ne s’en remettront pas de sitôt de cette «agression» à leur encontre.
C’est pourquoi, M. Foudil estime que l’extraction du tout-venant et des matériaux alluvionnaire peut être autorisée sous forme de concession à durée limitée accompagnée d’un cahier des charges et sous réserve d’une étude d’impact sur l’environnement établie conformément à la législation et à la réglementation en vigueur, notamment le décret exécutif nº 09-376 de 2009 fixant les conditions d’interdiction d’extraction des matériaux alluvionnaires dans les lits d’oueds et traçons d’oueds présentant un risque de dégradation ainsi que les modalités d’exploitation dans les sites autorisés.
Etude :
L’association dirige un projet d’étude intitulé «Contribution à la conservation de la biodiversité et la gestion durable des ressources naturelles d’Oued Agrioune». «Nous avons constaté, avec des faits réels, que Oued Agrioun est une zone naturelle humide à haute potentialité de biodiversité, de faune et de flore mais atteinte par la pollution de manière dangereuse et aggravée», affirme M. Foudil. Selon lui, aux bords de cet oued se trouvent des décharges sauvages des déchets ménagers, des eaux usées non traitées, des activités commerciales et industrielles (stations services, lavage et graissage, huileries, extraction excessive de tout venant...) générant des rejets industriels et des lixiviats qui causent la contamination progressive de la nappe phréatiques et des ressources en eau. Tous ces facteurs portent atteinte, selon lui, à la biodiversité et aux ressources naturelles que ce fleuve comporte, ainsi qu’aux espèces marines où se fleuve se déverse (mer Méditerranée). En effet, Agrioune est un oued qui alimente les nappes phréatiques et nombreuses sources d’eau potables locales. Ce fleuve fait partie du bassin versant hydrologique Agrioune d’une superficie de 257,72 km2. Très riche en faune et flore et des écosystèmes aquatiques divers et des espèces menacées d’extinction notamment le singe magot. Aussi, des espaces endémiques comme la sitelle de Kabylie. «Ajoutant à toutes ses menaces, les opérations répétitives d’extraction de TVO risquent de mettre en péril davantage tout un écosystème», prévient-il. D’un point de vue technique et physique, M. Foudil assure que chaque tonne de tout-venant extrait de l’oued sera récupérée d’un autre endroit grâce au «phénomène de compensation» par l’érosion et les glissements de terrain d’autres zones adjacentes à la vallée, habitations, forêts et villages situés le long d’Agrioune. De ce fait, l’Association OXYJeunes Darguina insiste sur le fait qu’empêcher et stopper l’exploitation est devenu «une action nécessaire et urgente» afin que cette exploitation excessive n’entraîne pas à court, moyen et long termes d’inévitables catastrophes naturelles.