Médecine de précision et médecine personnalisée

09/05/2023 mis à jour: 01:03
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Les sciences médicales et la médecine en général ont connu un développement faramineux durant ces trente dernières années. Nous avons eu le privilège d’être les témoins du développement scientifique universel considérable et incessant dans les domaines de l’imagerie, la biologie cellulaire, la génétique moléculaire et la bio-informatique, ayant conduit à des découvertes continuelles de nouvelles pistes physiopathologiques, diagnostiques et thérapeutiques. 

L’évolution extrêmement rapide des connaissances, des technologies et des traitements ont abouti aujourd’hui à une pratique médicale innovante désignée par les termes de «médecine de précision et médecine personnalisée». 

Pour dépister, prévenir ou traiter une maladie, la prise en charge des personnes est adaptée à leurs spécificités génétiques. Autrement dit, l’examen des caractéristiques génétiques du patient est aujourd’hui incontournable dans de nombreux domaines de la médecine, du diagnostic néonatal (ou prénatal) à la cancérologie, des maladies chroniques les plus fréquentes aux maladies génétiques les plus rares. 

Cette médecine personnalisée est maintenant possible grâce aux progrès des connaissances, à l’essor majeur des capacités d’analyse génétique et informatique et à l’émergence des thérapies ciblées. 
 

Quelles sont les étapes importantes et cruciales du développement de cette médecine de précision. 
 

Le projet du génome humain (Human Genome Project, HGP) 

«Le projet du génome humain est l’un des plus grands exploits scientifiques de l’histoire. Le projet était un voyage de découverte biologique dirigé par un groupe international de chercheurs cherchant à étudier de manière approfondie tout l’ADN (connu sous le nom de génome) d’un ensemble sélectionné d’organismes. Lancé en octobre 1990 et achevé en avril 2003, l’accomplissement phare du projet du génome humain - générer la première séquence du génome humain - a fourni des informations fondamentales sur le modèle humain, qui a depuis accéléré l’étude de la biologie humaine et amélioré la pratique de la médecine» (1) 

En février 2001, les prestigieux journaux scientifiques Nature et Science ont publié deux articles fondateurs révélant le premier aperçu détaillé de la séquence presque complète du génome humain. Vingt groupes scientifiques issus de pays américains, européens et asiatiques ont collaboré pour révéler le premier aperçu détaillé de la séquence presque complète du génome humain dans le cadre du HGP, financé par le National Institutes of Health (NIH). 

Une reconnaissance de l’importance stratégique et économique de la médecine dite de «précision» a été déclarée par le président Barack Obama lors du discours sur l’état de l’Union en 2015 où il annonce l’étude systématisée du génome humain d’un million de personnes (sujets sains et patients), d’un coût de 130 millions de dollars. 

Cet engagement politique et économique des plus hautes autorités des USA a entrainé un engouement à l’échelle planétaire pour lancer une nouvelle ère en biomédecine permettant non seulement de baisser progressivement les coûts de l’analyse génétique et du séquençage mais aussi d’améliorer le diagnostic des troubles génétiques et l’analyse génomique dans la pratique clinique standard. 
 

Médecine prédictive et médecine curative 

Les avancées de la génétique, on l’a vu, ont révolutionné les bénéfices apportés au patient. Que ce soit au niveau des connaissances ou des performances technologiques, les retombées de la prise en charge dans les domaines du diagnostic, du dépistage, de la prévention et du traitement qui les accompagne sont incommensurables. «La médecine prédictive» qui consiste à utiliser des marqueurs le plus souvent biologiques pour dépister, prévenir et traiter les patients, a pris ainsi un essor sans précédent. 

Dans le domaine de l’oncologie, l’existence d’un cancer dans la famille permet aux proches d’effectuer périodiquement un dépistage grâce à des examens cliniques et paracliniques bien codifiés comme par exemple une colonoscopie dans le cancer colorectal ou une mammographie dans le cancer du sein. Parmi ces examens, un test génétique permet dans certains cas de prédire s’ils sont à risque ou non de développer un cancer. 

Dans ce domaine, les tests génétiques «nouvelle génération» permettent la recherche d’un cancer héréditaire en utilisant un panel de gènes qui concerne les cancers les plus fréquents (de l’ovaire, cancer gastrique, cancer colorectal, cancer du pancréas, cancer de la prostate, ses antécédents personnels et familiaux, ce qui en fait une des applications des algorithmes de cancer du sein, cancer de l’endomètre, mélanome). 

Ce test combine les informations génétiques du patient à ses antécédents personnels et familiaux, ce qui en fait une des applications des algorithmes de l’intelligence artificielle (IA).  Ce type de test permet aux professionnels de la santé d’avoir des informations essentielles afin d’élaborer un plan personnalisé de réduction des risques de cancer, en prenant des décisions médicales optimales de prise en charge du patient. 

Par ailleurs, au sein d’un même organe, il n’existe pas un cancer mais plusieurs sous-types de cancer. Les progrès de la recherche ont permis de mieux comprendre les mécanismes que ce soit au niveau des cellules tumorales elles-mêmes ou de leur interaction avec leur environnement 
 

En Algérie, l’évolution ascendante relativement rapide des cancers depuis le début des années 2000 incite à une réflexion profonde sur leur prise en charge et leur prévention. En effet, biologiques très divers des différents sous types de tumeur. Ces particularités biologiques, variant d’un patient à l’autre, sont à l’origine du développement et de la progression de la tumeur. 

Le développement technologique majeur de l’étude de l’ADN, permettant une meilleure connaissance à l’échelle moléculaire et génétique de la tumeur, a induit le développement de nouveaux traitements en fonction du profil «moléculaire de la tumeur». 

La connaissance du profil génétique des tumeurs permet de prescrire des thérapeutiques ciblées pour certaines d’entre elles donnant ainsi plus de chance de guérison aux malades atteints de cancer. 
L’année 2019 montre, en particulier, que l’augmentation rapide des cancers du sein (plus de 7,3% par rapport à 2018) se poursuit depuis 10 ans, tandis que le cancer du côlon-rectum reste le deuxième cancer dans les deux sexes. Le cancer de la prostate prend, quant à lui, une place prépondérante, parmi les cancers masculins, d’après l’institut national de santé publique (INSP). 
 

Avec le plan National cancer 2015-2019 et le nouveau plan annoncé 2023-2030, les autorités de santé montrent leur implication effective dans cette maladie redoutable en constante progression (47.050 nouveaux cas enregistrés en 2022) et leur détermination à une prise en charge effective sur tout le territoire national, avec une orientation sur la prévention du 2e plan anticancer. Cependant, on aimerait en tant que professionnel de la santé et aussi en tant que simple citoyen voir publier les résultats positifs et les insuffisances du 1er plan afin de pouvoir y remédier dans le 2e plan. 

A cet égard, la formation des biologistes moléculaires spécialisés dans le domaine des pathologies cancérologiques et des maladies rares prévue dans le 1er plan est essentielle pour améliorer les prestations de la médecine de précision et la médecine personnalisée. 
 

Pharmacogénétique 

De tout temps, les praticiens en médecine ont constaté une grande variabilité individuelle dans la réponse des patients aux mêmes médicaments. La pharmacogénétique est une discipline relativement récente qui utilise l’information génétique personnelle pour guider le choix thérapeutique des médicaments. En effet, l’expression des enzymes et protéines (qui sont codés par les gènes) intervenant dans le métabolisme des médicaments, est variable selon les individus.
 

Ainsi, certains médicaments actifs chez un grand nombre de patients, peuvent être inactifs chez d’autres. A l’inverse, des médicaments peuvent produire chez les uns des effets secondaires graves, voire létaux, et chez d’autres, aucun effet indésirable...

 Comment explique-t-on cette variabilité des réponses aux médicaments  ? L’ensemble du génome (totalité des chromosomes et gènes) est commun à 99% à tous les humains. La fraction infime restante est essentielle car les variations des séquences des gènes qu’elle comporte influence la susceptibilité aux maladies et la réponse aux médicaments. Autrement dit,  le polymorphisme des gènes est responsable en grande partie de cette variabilité des réponses aux médicaments. 

 

D’autres facteurs en cause, sont l’environnement, le tabagisme, les comorbidités... 

Les tests de pharmacogénétique qui consistent en un simple prélèvement de salive par écouvillon buccal permettent d’obtenir des informations qui aident à évaluer l’efficacité d’un médicament ou son risque de provoquer des effets secondaires néfastes pour le patient. 
 

On peut ainsi considérer la pharmacogénétique comme un outil révolutionnaire des soins de santé personnalisés étant donné qu’elle permet d’étudier la capacité de notre corps à répondre à certains traitements pharmacologiques en fonction de notre profil génétique. 

Les maladies rares sont des maladies qui ne touchent pas plus d’une personne sur 2000. Si chacune d’entre elles ne touche qu’un nombre limité d’individus, elles n’en sont pas moins nombreuses. On en dénombre entre 5000 et 8000 dans le monde et 80% sont d’origine génétique comme certaines myopathies héréditaires, la mucoviscidose, la thalassémie, l’hémophilie... 

La numérisation au niveau des hôpitaux, annoncée comme effective à partir de juin 2023 est une condition incontournable pour l’instauration d’une médecine personnalisée et de précision. 

Il sera également important d’identifier des centres de référence de diagnostic génétique moléculaire à l’échelle nationale qui seront un maillon essentiel au sein des équipes multidisciplinaires, dans l’instauration et la pérennisation de cette médecine personnalisée et de précision. C’est notre souhait le plus profond. 
La réglementation basée sur l’éthique et la déontologie suivra nécessairement. 

 

Pr Meriem Tazir

[email protected]


(*) Laboratoire de recherche en neuro-sciences, 

Université Benyoucef Benkhedda Alger 1

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