Me Brahim Taïri. Président de l’Union nationale des Ordres des avocats (UNOA) : «Nous rejetons le régime fiscal parce qu’il est inconstitutionnel»

18/04/2022 mis à jour: 06:52
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Photo : D. R.

Président de l’Union nationale des Ordres des avocats (UNOA), Brahim Tairi affirme que les avocats ne reconnaîtront pas le régime fiscal prévu par la loi de finances 2022 et qu’en signe de protestation, contre ce dernier, ils boycotteront, dès aujourd’hui et jusqu’à nouvel ordre, les audiences des tribunaux de première instance et d’appel en matière criminelle et des affaires des mineurs au niveau national.

  • Dès demain (aujourd’hui), les avocats déserteront les tribunaux de première instance et d’appel en matière criminelle et des affaires des mineurs et rompront toute relation avec les impôts en signe de protestation contre le régime fiscal. Pourquoi revenir à la grève contre la nouvelle taxation de la profession d’avocat, alors que vous aviez annoncé, au mois de janvier dernier, après 12 jours de grève, la prise en charge de vos préoccupations par les autorités ?

Pour comprendre ce qui s’est passé, il faut revenir en arrière parce que notre combat n’a pas commencé au mois de janvier dernier. Avant même que la loi de finances 2022 ne soit présentée à l’Assemblée nationale, nous avions entrepris plusieurs démarches pour contester la nouvelle imposition de la profession d’avocat, qui viole le principe constitutionnel qui garantit l’égalité entre les citoyens en matière d’impôt, puisque dans le projet de loi de finances, les autorités ont abandonné le régime forfaitaire fixé à 12% du chiffre d’affaires, pour le remplacer par un nouveau barème fiscal qui prévoit une taxation allant de 23% du chiffre d’affaires de plus de 24 000 DA pouvant aller jusqu’à à 35% du chiffre d’affaires lorsque ce dernier dépasse 3 840 000 DA.

La profession d’avocat n’est pas comme les autres professions libérales. Elle a ses spécificités. En plus de cet impôt qui peut atteindre les 35% du chiffre d’affaires, il faut payer aussi la TVA (taxe sur la valeur ajoutée).

Comment peut-on dire à un justiciable de s’acquitter de cette taxe sur la valeur ajoutée, alors qu’il est en prison ? C’est hallucinant. Nous ne défendons pas uniquement les intérêts des avocats, mais aussi ceux des justiciables. Nous ne produisons pas de produits, pour parler de valeur ajoutée. Notre profession est différente des autres. Nous ne sommes pas des architectes ni des médecins ni des notaires. Nos prestations sont spécifiques. C’est ce que nous ne cessons de dire aux autorités.

Lors de nos séances de travail avec la directrice générale des impôts et avec les députés, avant les débats à l’Assemblée nationale, nous avions proposé une alternative, qui permet non seulement de récupérer l’impôt à la source à travers le paiement d’un timbre, pour chaque affaire enrôlée, mais aussi de régler définitivement le problème de recouvrement. Nous pensions que l’administration fiscale allait revoir son projet, mais à notre surprise, elle a maintenu le projet de loi. Nous avons tenu de nombreuses réunions avec les députés, qui étaient très réceptifs à nos propositions.

Malheureusement, le projet de loi est passé sans changement. Nous espérions que l’appel adressé aux plus hautes autorités soit entendu, mais en vain. Une assemblée générale extraordinaire de l’Unba a été tenue au début du mois de janvier dernier à Constantine, après l’adoption de la loi de finances avec maintien des nouvelles impositions. Décision a été prise pour passer à une grève générale illimitée dès le 13 janvier en signe de protestation.

  • Mais au bout de 12 jours, vous aviez repris le travail, car cette grève a abouti à un accord entre l’Union et la Direction générale des impôts. Que s’est-il passé après ?

Nous avions tenu des réunions durant le mois de mars dernier, avec les représentants du ministère des Finances au cours desquelles les discussions étaient, faut-il le reconnaître, caractérisées par le sens de la responsabilité. Nous sommes arrivés à faire accepter le principe de reconsidérer le régime fiscal contenu dans la loi de finances 2022 et une commission mixte devait être installée pour examiner les mécanismes de mise en place du nouveau régime fiscal.

Un appel à la reprise du travail judiciaire a été lancé par l’Union pour le 17 janvier 2022. Des réunions se sont succédé et à la demande de la Direction générale des impôts, nous avons déposé, le 9 mars dernier, nos propositions. Mais depuis, il n’y a rien eu. L’administration fiscale semble être revenue sur ses décisions. Toutes les correspondances qui lui ont été adressées n’ont pas eu de réponse. Il en est de même pour le courrier transmis au nouveau ministre des Finances.

  • Raison pour laquelle vous êtes revenu à la grève...

Nous avons constaté que la Direction générale des impôts n’a pas pris en considération notre proposition d’aller vers une imposition à la source. Aucune réponse ne nous a été donnée, alors que le délai imparti aux déclarations fiscales arrive à terme le 20 avril prochain. Nous avons été mis devant un fait accompli.

Une session extraordinaire de l’assemblée générale de l’Union a été convoquée pour le 14 avril dernier, à l’issue de laquelle nous avons réaffirmé notre attachement à la décision prise lors de l’AG de janvier 2022, de ne pas se soumettre au régime fiscal prévu par la loi de finances 2022, et décidé d’appeler la corporation à boycotter, à partir d’aujourd’hui, les tribunaux et les cours criminels, ainsi que les affaires des mineurs, et ce, jusqu’à nouvel ordre.

L’Union a interpellé le président de la République, afin d’user de ses prérogatives constitutionnelles et d’intervenir pour régler cette situation. Nous avons demandé aux avocats de boycotter le régime fiscal prévu par la loi de finances 2022 et de respecter cette décision de l’Union sous peine de sanction.

  • Quelle sera votre réaction après la décision du report des délais de déclaration annuelle de résultat au 31 mais 2022 pour les contribuables relevant de la direction des grandes entreprises et au 30 juin 2022 pour ceux qui relèvent de la direction des impôts de wilaya  ?

Notre décision ne changera pas pour la simple raison que nous rejetons ce régime fiscal prévu par la loi de finances 2022, que nous considérons comme étant en violation avec le principe d’égalité des citoyens devant l’impôt. 

Notre mouvement de grève est maintenu pour une période illimitée jusqu’à ce que les autorités prennent en compte nos préoccupations. 

Nous espérons que le président de la République, à qui nous avons fait appel, intervienne dans le cadre de ses prérogatives pour trouver une solution rapidement. 

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