La dernière journée du colloque international traitant le thème des massacres du 8 Mai 1945 en Algérie, tenu jeudi dernier, à l’université de Guelma, qui a organisé cette manifestation du 7 au 9 mai, n’a pas manqué de faire réagir les nombreux présents parmi les étudiants et les invités.
L’intervention de Me Fatima-Zohra Benbraham, avocate et chercheuse en droit de l’histoire, en présence du ministre des Moudjahidine, du wali de Guelma et des autorités civiles et militaires, a retenti dans la grande salle des conférences Sassi Benhamla, révolutionnaire de la première heure et fervent défenseur de la cause des victimes et de la mémoire du 8 Mai 1945 à Guelma.
«Notre vision, celle de notre histoire, diverge de celle des autorités françaises actuelles. La mémoire et l’histoire sont des questions qui fâchent. En effet, il est question de guerre de la mémoire. La terminologie utilisée par la France, dans laquelle ils veulent nous entraîner, est la mémoire et l’oubli et savoir tourner la page. Nous nous opposons à celle-ci et nous disons oui à la mémoire sans l’oubli», a-t-elle déclaré face à l’assistance.
«Dans la mesure où les compétences de la Cour pénale internationale (CPI) ont défini le génocide, le crime contre l’humanité, le crime de guerre, etc., par conséquent nous appuyons le fait qu’il y a eu génocide ici en Algérie. Il n’y a pas d’extinction des droits de poursuites dans le temps. Et en plus, nous avons plusieurs déclarations politiques, dans ce sens, notamment les reconnaissances faites à Sétif et Guelma.
Des reconnaissances émanant d’officiels. Et ils nous disent qu’il faut tourner la page, alors que nous sommes les victimes et eux les agresseurs », a-t-elle ajouté. Techniquement, Me Fatima-Zohra Benbraham a déjà entamé depuis quelques semaines des actions en vue de collecter un maximum «de pièces à conviction», à l’exemple des rapports militaires de l’époque ainsi que les articles de journaux, notamment ceux publiés par la presse américaine et anglaise.
En effet, l’aide des historiens nationaux et étrangers, de par les documents qu’ils ont pu collecter depuis de nombreuses années de recherche, sera d’une utilité indéniable pour monter le dossier en faveur des victimes.
Faisant partie d’une plateforme réunissant 1500 chercheurs algériens, dont le siège se trouve aux États-Unis d’Amérique, Me Benbraham a évoqué qu’elle a demandé à un groupe de chercheurs algériens de lui faire parvenir les archives des journalistes américains et britanniques, sachant que ce sont eux qui avaient commencé à l’époque à établir des rapports sur ces évènements.
«Ces chercheurs sont répartis à travers le monde, donc il serait plus facile d’obtenir les archives dans ces pays, à l’exception de la France. Les premiers chiffres annoncent 80 000 victimes lors du génocide du mois de mai 1945.
Il va falloir attendre le reste des rapports et des synthèses», a-t-elle précisé. Mais qu’en est-il du dossier à faire valoir auprès des instances habilitées ? «Ce que je peux vous dire, c’est que nous devons passer par plusieurs étapes. C’est une longue bataille qu’il faut bien préparer», a affirmé Me Benbraham à El Watan.