Coup de théâtre dans le traitement judiciaire de corruption présumée des eurodéputés en relation avec les scandales du Marocgate et du Qatargate. Le juge d’instruction belge en charge du dossier, Michel Claise, fut contraint, jeudi, de se retirer, provisoirement, de la poursuite des investigations entamées avec les prévenus et leurs défenses pour cause de récusation de la part de l’avocat de l’eurodéputé belge Marc Tarabella, inculpé et écroué par le juge d’instruction. L’annonce de mise à l’écart, temporaire, du juge d’instruction conformément à l’article 828 du code judiciaire a été décidée, jeudi, lors d’une audience à Bruxelles devant une juridiction chargée de statuer sur la prolongation de la détention provisoire de l’eurodéputé belge. Les cas de récusation du magistrat instructeur définis par l’article en question du code judiciaire du royaume de Belgique vont de la suspicion légitime, à l’intérêt personnel du juge ou d’un de ses proches dans l’affaire, à l’inimitié capitale pour une des parties et d’autres griefs de nature à motiver l’accusation de partialité du juge dans l’instruction d’un dossier judiciaire. La partie plaignante, l’avocat de l’eurodéputé belge, Marc Tarabella – dernier prévenu à tomber dans les rets de la justice belge et dont le nom a été balancé par l’ex-eurodéputé italien Pier Antonion Panzeri, pièce maîtresse du réseau de corruption des eurodéputés –, n’a pas révélé, à l’audience, le motif de la demande de récusation du juge belge. Lequel a ébranlé le Parlement européen par son courage et ses décisions de traquer les corrupteurs quels que soient leurs fonctions au sein du Parlement européen et les intérêts politiques en jeu, en termes de relations entre l’Union européenne et les Etats corrupteurs mis en cause. Au total, ce sont cinq eurodéputés qui font l’objet de poursuites judiciaires pour faits de corruption et qui sont incarcérés. Il s’agit de l’eurodéputée grecque, vice-présidente du Parlement européen Eva Kaili, la première à être incarcérée depuis déjà plus de deux mois, suivie de son compagnon et assistant parlementaire Francesco Giorgi, d’Antonio Panzeri et le dernier de la bande l’eurodéputé italien Andréa Cozzolino arrêté et assigné à résidence en Italie le week-end dernier, en attendant l’examen du mandat d’arrêt émis à son encontre par la justice belge.
le magistrat poussé vers la porte de sortie ?
Le juge d’instruction belge en charge du dossier de corruption du «marocgate» ne s’intéresse pas uniquement aux eurodéputés qui ont touché des pots-de-vin de la part du royaume du Maroc en contrepartie de leur collaboration et servilité pour influencer les votes du Parlement européen sur les dossiers économiques et commerciaux liant Rabat à l’UE, aux violations des droits de l’homme au Maroc et au conflit du Sahara occidental. Il a également dans son viseur les parties étrangères à la communauté européenne, impliquées dans ce vaste réseau de corruption des eurodéputés. C’est dans ce cadre que s’inscrivent les mandats d’arrêt en France émis la semaine dernière à l’encontre de l’ambassadeur du Maroc en Pologne et président de la commission parlementaire mixte Maroc-UE entre 2011 et 2019, chargé de remettre les mallettes d’argent aux eurodéputés, ainsi que le patron des services de renseignement marocains de la DGED Yacine Mansouri, et de Mohamed Belahrach. Ces éléments clés qui ont monté et coordonné le réseau de corruption des eurodéputés réclamés par la justice belge risquent d’être arrêtés s’ils venaient à débarquer dans l’Hexagone où leurs enfants sont scolarisés. On a vu comment le makhzen a réagi lorsqu’il a vu l’étau se resserrer contre lui. Le Parlement marocain, réuni dans ses deux Chambres, avait menacé de revoir ses relations avec le Parlement européen suite au vote d’une résolution par les eurodéputés dénonçant les violations des droits de l’homme et de la liberté de la presse dans le royaume marocain et l’ingérence du Maroc dans le fonctionnement du Parlement européen. Les relations bilatérales entre le Maroc et la France ont été lourdement impactées par le scandale du Marocgate ; Rabat a décidé en représailles de geler toutes les visites officielles des délégations françaises prévues au Maroc pour les prochaines semaines. Il faudra s’attendre également à des actions similaires à l’encontre du royaume de Belgique pour marquer son mécontentement pour les dégâts occasionnés par le scandale du Marocgate mis au jour par la justice belge.
Tous ces développements qui se sont enchaînés au cours de ces derniers jours, mettant à mal le makhzen qui a tenté par la surenchère politique d’allumer, sans succès, des contre-feux, ont-ils un lien avec la décision inattendue de récusation du juge belge par qui le scandale du Marocgate est arrivé ? Compte tenu de l’onde de choc provoquée par ce scandale dans les relations entre le Maroc et l’UE, il était prévisible que les alliés stratégiques du makhzen, l’entité sioniste qui a prouvé ses capacités de lobbying, les Etats-Unis d’Amérique, n’allaient pas rester les bras croisés pour sauver leur protégé marocain. Le juge belge Michel Claise pourrait bien être une victime expiatoire de l’entreprise de sauvetage au profit du makhzen. Il a été remplacé provisoirement à son poste par un autre juge. Le magistrat mis au vert dispose de 48 heures, selon la loi belge, pour se défendre et s’il refuse de se dessaisir du dossier, la cour d’appel de Bruxelles devra ensuite trancher dans un délai de huit jours. Le juge belge pourra entrer par la grande porte dans l’histoire de la lutte contre la corruption d’Etat, ou sortir par le soupirail, en fonction de la décision qu’il prendra dans les heures qui viennent : soit abdiquer, soit résister et livrer bataille à ses pourfendeurs qui veulent le faire taire et enterrer le dossier à travers sa récusation.