La candidate Rassemblement national (RN) veut instaurer la «priorité nationale» en tant que loi constitutionnelle pour avantager une personne de nationalité française par rapport à un étranger, pour l’accès au logement et à l’emploi, notamment.
Pour ce faire, dans les six mois qui suivront son élection présidentielle, Marine Le Pen demandera aux Français «d’adopter par référendum un certain nombre de dispositions indispensables». La candidate du RN propose de modifier plusieurs articles de la Constitution pour «intégrer la question migratoire» et «empêcher les juridictions supranationales de forcer la France à suivre des politiques contraires à la volonté du peuple français».
L’immigration concentre ainsi une part importante du programme de Marine Le Pen, qui estime que «le problème principal c’est l’immigration», sujet sur lequel «les jurisprudences abusives, bien souvent d’ailleurs plus que les textes internationaux, ont privé les Français, les pouvoirs publics, de la possibilité d’agir», selon son programme.
Aussi, son projet de loi vise à inscrire dans le texte fondateur de la Ve République «les règles régissant la nationalité française, la manière de l’acquérir, ou les cas graves qui peuvent entraîner son retrait», ainsi que «la possibilité de recourir à la priorité nationale».
L’inscription de cette «priorité nationale» dans la Constitution a pour but de «réserver un certain nombre des prestations sociales aux seuls Français, ou encore de leur accorder une priorité d’accès au logement social» .
L’accès aux aides sociales des personnes étrangères sera conditionné à au moins cinq années de travail en France.
La présidente du RN entend également réformer le droit d’asile, et «faciliter» l’expulsion des étrangers en situation irrégulière. A ces derniers, c’est «l’expulsion systématique» qui est réservée.
En matière de droit d’asile, selon le projet de Marine Le Pen, les demandes d’asile ne pourront être faites qu’aux consulats et aux ambassades de France à l’étranger et seuls les personnes ayant obtenu le droit d’asile pourront rejoindre la France.
Les pays qui refusent la réadmission de leurs compatriotes et «violent le droit international», d’après la candidate, se verront refuser toute demande de visa, tout transfert d’argent, le versement d’aides au développement et même la capacité pour les dirigeants de devenir propriétaire d’un bien en France.
Parmi les autres mesures, figure la suppression du droit du sol qui permet actuellement aux personnes nées de parents étrangers sur le territoire français d’acquérir la nationalité française à 18 ans sur simple demande.
Suppression du «droit du sol»
L’accès à la nationalité française ou à la naturalisation française sera considérablement durci. Dans son programme, la candidate frontiste fait mention de «conditions très strictes» sans les préciser, toujours dans l’optique de favoriser les personnes de nationalité française par rapport aux étrangers.
Si Marine Le Pen compte mettre fin à l’arrivée de nouveaux immigrés sur le sol français, son projet concerne aussi les familles en situation régulière et installées en France de longue date. «L’objectif est de les priver de ressources afin de les pousser à quitter le territoire. Voilà le but poursuivi par Marine Le Pen même si elle ne l’énonce pas aussi clairement», signale L’Obs, qui a passé au peigne fin le programme de Marine Le Pen sur le sujet dans un article intitulé «Avec Marine Le Pen au pouvoir, des centaines de milliers d’étrangers et de binationaux seraient interdits d’emploi».
«Car la ‘‘préférence nationale’’ ne consiste pas uniquement à privilégier les Français. Elle vise aussi à obliger des milliers de personnes à ‘‘rentrer chez elles’’.» «La ‘‘remigration’’ prônée par Zemmour avance ici de façon masquée. Mais jusqu’ici, Marine Le Pen n’a pas eu à s’en expliquer, ses adversaires concentrant principalement leurs attaques, et à juste titre, sur le terrain constitutionnel.
Son projet viole en effet tout à la fois les conventions européennes, les principes élémentaires de notre justice et la Déclaration universelle des droits de l’homme de 1789. Ce que Marine Le Pen, avocate de profession, sait pertinemment. C’est bien pour cela qu’elle s’appuiera, dit-elle, sur le ‘‘peuple’’ pour contourner le Parlement et procéder par ‘référendum», poursuit l’Obs.
Le regroupement familial ne sera appliqué qu’à de très rares exceptions. Quant aux étrangers qui désireraient malgré tout s’installer dans l’Hexagone sous férule lepéniste, ils auront à prouver qu’ils sont «titulaires d’un contrat d’assurance couvrant leurs frais de santé» car, prévient la candidate du RN, «ils ne peuvent constituer un coût pour le système de protection sociale et pour les finances publiques».
Selon le projet de la candidate frontiste, «l’accès à des emplois dans l’administration, les entreprises publiques sera interdit aux personnes qui possèdent la nationalité d’un autre Etat, autrement dit, les binationaux (soit environ 3, 5 millions de personnes)», note l’Obs, ajoutant que «si son texte entrait en application, des millions d’emplois seraient donc potentiellement interdits aux étrangers comme aux binationaux.
Un véritable séisme économique et humain. Et un retour vers le passé, tragique. Marine Le Pen ne renoue pas avec n’importe quelle histoire».
Nadjia Bouzeghrane
«Un programme brutal profondément xénophobe»*, selon Mediapart
Derrière sa fade campagne, la candidate d’extrême droite défend un programme brutal, profondément xénophobe et autoritaire, qui mettrait la France au ban des démocraties européennes, relève Mediapart.
Si la candidate du RN ne cesse de revendiquer son attachement aux «valeurs de la République» et au droit, rappelant à l’envi qu’elle est une ancienne avocate, son programme piétine en réalité tous les droits fondamentaux.
Comme la «priorité nationale» est aujourd’hui anticonstitutionnelle, car contraire au principe constitutionnel d’égalité, la candidate RN veut faire sauter tous les verrous du droit susceptibles d’entraver sa politique xénophobe.
Son projet de «priorité nationale», rappellent tous les juristes consultés par Mediapart, contrevient pourtant à la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, qui interdit d’opérer une distinction entre les Français et les étrangers dans l’accès aux droits fondamentaux.
Au-delà des considérations juridiques, «la priorité nationale» aurait des conséquences dévastatrices pour des millions de personnes.
Priver potentiellement près de 5 millions de résidents étrangers, parmi lesquels 38% d’Européens, de l’accès au travail, au logement social, au RSA, aux allocations familiales ou aux soins médicaux (hors situation d’urgence) provoquerait un chaos social difficile à imaginer.
«Penser que les étrangers quitteront le territoire parce qu’ils n’ont plus ces prestations, c’est le fantasme de l’extrême droite qui croit que ces étrangers sont venus pour les prestations sociales. Cela n’a rien à voir, on le sait, avec la réalité des migrations.
Ceux qui sont là depuis longtemps ne repartiront pas, mais certains seront plongés dans la misère», prévient Antoine Math, chercheur à l’Institut de recherches économiques et sociales et expert pour le Gisti (Groupe d’information et de soutien des immigrés).
Au-delà de cette xénophobie institutionnalisée, le programme de Marine Le Pen sur la sécurité pose aussi tous les jalons d’un exercice autoritaire du pouvoir.
La partie du projet consacrée à la lutte contre le terrorisme est l’une des plus inquiétantes de son programme en ce qu’il soumet la pratique de la religion musulmane à l’arbitraire le plus complet.
*Extrait de «Le projet présidentiel de Marine Le Pen foule aux pieds les droits fondamentaux»