Sous les tirs de grenades lacrymogènes, des milliers de Soudanais ont convergé une nouvelle fois hier vers le palais présidentiel de Khartoum pour dénoncer le putsch d’octobre et réclamer justice et démocratie, rapporte l’AFP.
Un syndicat de médecins pro-démocratie a fait état d’un manifestant tué, un homme de 27 ans qui a été touché à la poitrine. Ce qui porte à 79 le nombre de manifestants tués au Soudan depuis que le chef de l’armée, le général Abdel Fattah Al-Burhane, a mené un coup d’Etat le 25 octobre.
Entre-temps, des manifestants sont sortis dans la rue à Gedaref et Wad Madani à l’est, au Darfour (ouest) ou Dongola et Atbara (nord). Les autorités ont de nouveau raflé 45 militants ces trois derniers jours selon les comités de résistance locaux. Comme juste avant le coup d’Etat, des cortèges concurrents défilent désormais à Khartoum.
Mercredi, les pro-armée ont exprimé leur hostilité à l’Organisation des nations-unies (ONU) et son initiative de dialogue devant son quartier général. L’émissaire onusien au Soudan, Volker Perthes, a dénoncé des «amis du NCP», le Parti du Congrès national de Omar El Béchir, qui a pris le pouvoir par un coup d’Etat en 1989 avec le soutien des Frères musulmans pour ne le lâcher qu’en 2019 de la même manière dont il s’en est accaparé. Les pro-armée veulent valider le statu quo post-putsch alors que les pro-démocratie refusent désormais tout partenariat avec les généraux. En 2019, après trente années de dictature du général Omar El Béchir, les civils ont choisi de partager le pouvoir avec l’armée, toujours aux commandes au Soudan depuis son indépendance en 1956.
LE SPECTRE DE L’ANCIEN RÉGIME
Aujourd’hui, pour la rue, «pas de partenariat, pas de négociation» possibles avec les généraux qui continuent à purger les institutions créées en 2019. Ils ont rétabli dans ses fonctions, le 21 novembre, le Premier ministre Abdallah Hamdok, arrêté le 25 octobre. Mais le 2 janvier, ce dernier a annoncé sa démission expliquant sur la télévision d’Etat avoir tout tenté mais en vain dans un pays dont la «survie» est selon lui «menacée» aujourd’hui. Il a soutenu que les différentes forces politiques du pays sont «fragmentées» et les camps civil et militaire irréconciliables pour qu’un «consensus» vienne «mettre fin à l’effusion de sang».
En dépit des appels à se débarrasser du pouvoir militaire, le numéro deux de la junte au pouvoir, le chef des Forces paramilitaires de soutien rapide (FSR), le général Mohammed Hamdane Daglo, dit «Hemedti», a multiplié les apparitions publiques à l’intérieur du pays comme à l’étranger ces derniers jours. Il est allé en Ethiopie voisine et ne cesse de rencontrer chefs tribaux et représentants des conseils locaux, dignitaires puissants sous El Béchir.
Fin décembre, dans le cadre de l’état d’urgence en vigueur depuis le coup d’Etat, le général Al-Burhan a accordé au Service des renseignements généraux (GIS) des pouvoirs d’arrestation, interrogation, fouille, gel des avoirs. Cette instance a remplacé le Service national de renseignement et de sécurité (NISS) dissout en juillet 2019 doté des mêmes prérogatives durant le règne militaro-islamiste d'El Béchir.
En novembre, le Conseil de souveraineté, présidence collégiale aujourd’hui entièrement à la solde des généraux, a nommé successivement le plus haut magistrat du pays, le nouveau procureur général et le nouveau chef des renseignements. Tous les trois islamistes et anciens proches d'El Béchir.