Après le montant global, 470 millions de dinars pour 12 longs métrages, le ministère de la Culture vient de définir les aides, film par film, sur un calcul un peu opaque. En attendant une deuxième fournée avec une commission de lecture prévue pour début 2024, peut-on faire des films avec ces aides ?
En théorie, c’est simple et bien séquencé, pour faire un film, il faut d’abord acheter un scénario ou les droits d’adaptation d’un roman (5% du budget du film), au mieux le voler, ne pas payer le scénariste ou le tuer, ou encore mieux, écrire l’histoire soi-même, ce qui annule tous les coûts.
Ensuite, trouver un producteur qui portera le film ou le produire soi-même, ce qui inclut de monter une entreprise, avec tous les frais liés, les papiers et une tonne d’agréments. Ensuite, déposer le scénario au ministère de la Culture en espérant une aide, qui représentera entre 30 et 90% du budget du film, qui coûte entre 30 et 50 millions de dinars pour un film moyen.
L’argent, viré sur le compte du producteur en plusieurs tranches (en général 4), commencer à embaucher un directeur de production, un réalisateur, un ou deux assistants réalisateurs et faire un repérage pour situer le film, les dépenses commencent vraiment, à moins de ne payer personne et promettre simplement de le faire.
Puis enfin, commencer le casting, recruter comédiens, figurants et techniciens pour le film, un régisseur et des assistants, 40% du budget global, acheter ou louer du matériel (20%), obtenir des autorisations de tournage (c’est gratuit) et entamer le tournage lui-même, qui engloutit encore 20% du budget, à moins de donner des sandwichs cachir aux comédiens et techniciens et les héberger dans des dortoirs, ce qui est déjà arrivé.
A ce niveau, on est déjà à 80% du budget, pour un film moyen qui coûte environ 40 millions de dinars, soit 4 milliards, l’Etat ayant en théorie octroyé 47 milliards divisés par 12, soit 3,9 milliards par film.
A ce stade, donc, on doit déjà dépenser 32 millions de dinars, soit 3,2 milliards, et ce n’est pas fini, le montage, mixage son, étalonnage, enregistrement sur supports numériques coûtent très chers, surtout quand on fait tout ça à l’étranger, 20% en moyenne du budget, rajouter les frais généraux, 10%, les imprévus, 10%, soit encore 1,6 milliard, ce qui revient à 4,8 milliards. Oui, la question est évidente, mais comment les producteurs de cinéma algériens sont-ils devenus milliardaires ? En fait, il faut refaire les calculs.
SELON CONFUCIUS, UNE IMAGE VAUT 1000 DOLLARS
Si en France, un film moyen coûte 5 millions d’euros, 100 milliards d’ici, aux USA, c’est du 50, soit 1000 milliards d’ici ; en Tunisie, l’Etat octroie environ 150 000 euros par film, soit 3 milliards d’ici ; au Maroc, un film moyen est estimé à 200 000 euros, soit encore 4 milliards d’ici. En Turquie, un film moyen coûte 700 000 euros, soit 14 milliards, et l’Etat turc participe à hauteur de 250 000 euros, soit 5 milliards, soit en gros ce que donne le ministère algérien aux heureux sélectionnés. Pourquoi n’y a-t-il alors que peu de films algériens et que les coûts sont moindres ? Parce que déjà, 12 films aidés, c’est peu, et pour beaucoup de producteurs, le complément pour faire un bon film est très difficile à trouver.
Peut-on faire un film sans argent ? En théorie, oui, le film Red11 a été réalisé avec 7000 dollars, 130 millions en Algérie, moins cher qu’une voiture et bien loin du record absolu du cinéma avec 400 millions de dollars investis pour Pirates des Caraïbes, la fontaine de jouvence, soit 3600 milliards.
Une exception rare pour ce film d’horreur du tex-mex Robert Rodriguez qui a ramassé plus de 2 millions de dollars de bénéfice, soit 35 milliards d’ici, soit un retour sur investissement de 30 000%. Ce n’est évidemment pas le même système, au coût actuel de la place de cinéma en Algérie, il faudrait environ 100 000 spectateurs pour couvrir le budget de 50 millions de dinars, 5 milliards, sans compter la marge du producteur, du distributeur et du gérant de la salle, en incluant les maigres droits de diffusion TV.
Mais combien coûte un film algérien ? Tout dépend de qui le produit, de son influence, du sujet traité et du scénario, de 1 milliard à 50. Ce n’est pas le vrai problème, le malheur est que les films les plus chers sont loin d’être les meilleurs. Comment faire un film ? Il faut revenir au début, d’abord écrire une histoire.