Macron piégé par Rabat

14/08/2024 mis à jour: 17:50
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Avec la fin des Jeux olympiques, le président français renouera avec les dures réalités internes et externes de son pays. Il est attendu au tournant par la gauche réunie sous la bannière du «Nouveau front populaire», sortie victorieuse des dernières élections législatives et qui entend légitimement avoir une place de choix au sein de l’Exécutif, y compris occuper le poste de Premier ministre. 

Cela augure de dures batailles politiques sur tous les errements de son mandat, dont l’une d’elles, très sensible en politique étrangère, est le revirement brusque de la diplomatie française sur le dossier du Sahara occidental. Il y a quelques semaines, Emmanuel Macron avait officiellement reconnu que «le présent et l’avenir du Sahara occidental s’inscrivent dans le cadre de la souveraineté marocaine», soulignant que la proposition marocaine de 2007 pour l’autonomie du Sahara occidental est la «seule base» capable de résoudre le conflit. 

Un revirement brusque, brutal et inattendu de la position classique de la France qui se limitait, jusque-là, par une sorte de réalisme politique, à de l’équilibrisme politique, ne manquant pas aussi de se référer souvent au travail des Nations unies sur cette question. 

Derrière cette volte-face, il y a de multiples calculs dont l’un est de s’arrimer à la diplomatie américaine qui, sous Trump, avait annoncé la reconnaissance de «la souveraineté marocaine» sur le Sahara occidental, en contrepartie de la normalisation des relations entre le Maroc et Israël. C’est, pour Macron, aujourd’hui, une autre forme de soutien au gouvernement de Tel-Aviv embourbé dans son expédition guerrière à Ghaza et ses déboires avec l’Iran. Le président français a vite oublié les révélations du consortium de médias Morbide Stories, selon lesquelles de nombreux téléphones – dont celui du chef de l’Etat et de certains de ses ministres – avaient été ciblés grâce au logiciel israélien Pegasus. Il a aussi ignoré les dénonciations au sein de l’Union européenne de l’implication du Maroc dans des faits de corruption en son sein. 

Plus fondamentalement sur la question du Sahara occidental, Macron a ignoré les efforts et les progrès accomplis par la communauté internationale sur ce dossier, comme il a fait le choix désastreux de sacrifier une relation d’équilibre avec l’Algérie et le Maroc. Tout cela lui a été rappelé dans un communiqué des Affaires étrangères algériennes, qui a considéré qu’il y a «volonté des autorités françaises d’occulter une vérité existentielle qui est celle d’un peuple en lutte pour son indépendance et que la question sahraouie relève, fondamentalement, d’un processus de décolonisation. 

Cette décision française n’aide pas à réunir les conditions d’un règlement pacifique de la question du Sahara occidental, elle conforte une impasse, celle créée précisément par le prétendu plan d’autonomie marocain et qui dure depuis plus de dix-sept ans». Alger a déploré que «la position française émane précisément d’un membre permanent du Conseil de sécurité censé agir en conformité avec les décisions de cet organe d’une manière particulière et avec la légalité internationale d’une manière générale». 


De son côté, récemment, le secrétaire général de l’ONU, Antonio Guterres, avait, devant les membres du Conseil de sécurité, vivement relevé l’enracinement de «l’état délétère» de la situation dans les territoires occupés. Il a appelé à infléchir cet état de fait de toute urgence pour éviter toute nouvelle escalade dans la région. Tout en relevant la dégradation des droits de l’homme dans ce territoire colonisé. In fine, la France a fait un choix inhumain, douteux et honteux. Elle sacrifie le combat et la dignité de tout le peuple sahraoui pour pouvoir faire le maximum de «bonnes affaires» avec le pouvoir marocain qui l’opprime. Elle pense y implanter le maximum d’entreprises françaises et se servir du Maroc pour pénétrer l’Afrique de l’Ouest et le Sahel, alors même qu’elle est rejetée dans ces contrées. 

Enfin, c’est pour Paris une opportunité de tendre une autre perche de secours à Israël en venant appuyer un de ses amis arabes alors même que Tel-Aviv est condamné unanimement pour génocide par la justice internationale. Paris prend un autre risque, celui de perdre l’Algérie, pays dont le poids économique et l’influence géostratégique sont pourtant bien plus importants que ceux du Maroc. Macron avait fait de beaux discours sur la réconciliation algéro-française, mais en une décision hasardeuse, il a tout balayé. 

A la rentrée politique française, le Nouveau Front populaire ne manquera pas de lui rappeler toute cette réalité et de lui demander des comptes. Macron ne sortira pas indemne du piège dans lequel le royaume du Maroc l’a fait tomber.

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