Le nombre d’affaires de grosses malversations, récemment dévoilées en Tunisie, révèle un niveau alarmant de corruption, notamment dans les entreprises publiques, touchant tous les niveaux, de la petite tâche de distribution des denrées de base aux appels d’offres internationaux.
C’est déjà fondamental que de lever le voile sur ces dossiers. Mais, la généralisation de la corruption dans une entreprise donnée rend complexe sa mise à niveau, puisqu’il ne suffit pas de changer le premier responsable, du moment que le circuit est totalement pourri.
Et c’est ce qui explique les multiples visites du président tunisien, Kaïs Saïed, dans certaines entreprises publiques pour épauler les nouveaux responsables qu’il a désignés, dans leurs manœuvres de mise à niveau et de lutte contre les malversations. Kaïs Saïed se voit obligé d’agir directement sur le terrain pour montrer que l’Etat veut assainir ses entreprises afin qu’elles donnent l’exemple.
Et ces visitent font déclencher la machine judiciaire. Par ailleurs, et à travers les visites de Kaïs Saïed dans les régions pauvres, comme El Ala classée comme étant la plus démunie, le Président tunisien cherche à montrer, au petit peuple que l’Etat est là pour l’aider à faire face aux aléas de la vie.
En s’attaquant au redressement des entreprises publiques, le pouvoir du président Saïed montre aux institutions financières internationales qu’il est conscient des maux qui y sévissent et qu’il applique, à sa manière, l’objectif asséné à la Tunisie de les assainir. Lors des négociations avec le Fonds monétaire international (FMI), ce dernier a appelé à l’application de certaines recettes, favorisant la privatisation des entreprises publiques dans les secteurs concurrentiels.
L’approche du Président Saïed vise plutôt à en assainir la gestion et garder certaines entreprises publiques, comme l’usine du sucre de Béja ou la papeterie de Kasserine, pour réguler le marché, afin de protéger le pouvoir d’achat du citoyen lamda.
Plusieurs exemples de privatisation montrent que l’Etat a été dépossédé de ses joyaux pour des sommes dérisoires afin de servir certains intérêts occultes, comme le montre les cessions de l’usine Ateliers mécaniques du Sahel (AMS) et de la Société tunisienne des industries automobiles (STIA). Le Président Saïed demande des redditions de comptes sur ces affaires.
Donner l’exemple
La Tunisie n’a jamais connu de pénuries comme celles des années 2022/2023 qui ont concerné des domaines vitaux, comme le pain, le sucre, le café et le lait. A première vue, il s’agit d’incapacité financière du Trésor public à payer les cargaisons de céréales, de sucre ou de café. Toutefois, l’expertise approfondie a montré que certains spéculateurs avaient essayé d’exploiter les difficultés financières de l’Etat, afin de sévir et faire perdurer la crise, aidés en cela, semble-t-il, par certains politiques voulant montrer l’incapacité de l’Etat.
La récente descente du Président Saïed, le 11 janvier 2024, à l’Office du commerce tunisien (OCT) montre que la pénurie du café aurait été déclenchée volontairement en juin 2022 et que des orchestrations auraient été mises en place pour la réaliser, avec la disparition momentanée, pour 48 heures, d’un chèque destiné à cautionner la livraison de la cargaison de café. Des cadres supérieurs de l’administration de l’OCT seraient impliqués dans ces manœuvres.
Les malversations ne se limitent pas à l’importation des denrées de base. Elles touchent également les prêts accordés par les établissements bancaires étatiques, sans garanties réelles. La descente du Président Saïed à la Banque nationale agricole (BNA) l’a confirmé. L’audit exercé à la Banque de l’habitat (BH) a abouti à l’arrestation de son ex-directeur général.
Une affaire est en cours pour la Société tunisienne des banques (STB) pour les mêmes motifs. Les crédits carbonisés font légion dans ces institutions et c’est le contribuable qui paie leur redressement à travers le Budget de l’Etat. D’autres manœuvres frauduleuses sont constatées dans des entreprises comme la SNCFT, où des marchés fictifs auraient été instruits, d’où la récente descente inopinée du Président Saïed. La tâche de redressement des institutions de l’Etat est certes compliquée. Mais, les résultats enregistrés en 2023 montrent qu’il y a espoir.
Rapatriement de 2557 Subsahariens à partir de la Tunisie en 2023
L’Organisation Internationale de la migration (OIM) a publié un communiqué indiquant que 2557 migrants subsahariens ont été rapatriés volontairement chez eux à partir de la Tunisie en 2023 et ce dans le cadre du programme européen de réinsertion des migrants dans leurs sociétés d’origine, entamé en Janvier 2023. L’OIM avait déjà aidé 1614 migrants à rentrer dans le cadre d’un programme similaire. Le même communiqué de l’OIM indique que 392 migrants sont rentrés chez eux durant la 1re quinzaine de janvier 2024. L’action s’est faite en coordination avec le Croissant-Rouge tunisien et les autorités locales de Sfax, Tataouine et Médenine. Le programme européen consiste à convaincre les migrants de ce retour volontaire, leur assurer les moyens de subsistance dans le pays de transit en attendant leur retour et leur offrir de quoi assurer leur réinsertion dans leur pays d’origine.
Tunis
De notre correspondant Mourad Sellami