L’aide au cinéma a été débloquée pour une partie des films déposés, ce qui représente environ 40 ou 50% du budget de ces œuvres. Avec ça, comment produire son film, où, comment, quand et surtout pourquoi ?
Il y a une semaine, le ministère de la culture donnait les résultats du bac Fndaticpal, avec 12 lauréats pour les longs métrages sur 43 déposés, visés par une commission d’experts, dont c’était probablement la dernière réunion, puisque le ministère a communiqué par la suite à propos de l’installation de «la Commission de lecture et d’aide à la cinématographie pour l’année 2023 sur proposition des membres et son approbation par Mme la ministre», commission qui pourrait être opérationnelle à la rentrée pour des «projets artistiques déposés, longuement examinés par la commission en toute transparence», selon toujours le communiqué officiel.
Pourtant, il ne faut pas croire que tout est réglé et que les films vont bientôt sortir. Tout d’abord, si le montant global a été annoncé (47 milliards de centimes pour les 12 longs métrages), les producteurs n’ont pas été encore notifiés de leur part du global. Mais selon les estimations, 4 milliards (centimes) seront octroyés pour chaque long métrage, «juste de quoi payer la facture de la post-production», explique un producteur dont le film a été sélectionné.
En effet, le Fndticpal va donner environ 40 à 50% du budget des films, «sans oublier que près de 10% [400 millions] doivent aller dans les taxes et impôts», précise un autre producteur, «ce qui pousse d’ailleurs 80% des producteurs à changer d’entreprise tous les 5 ans pour échapper aux impôts».
Mais les producteurs élus vont donc commencer à entamer les démarches pour les budgets complémentaires, et ces films ne seront évidemment pas disponibles cette année. «Les choses avancent mais on est loin du compte», explique Amin Sidi Boumediène, auteur de Abou Leïla, et dont le film («Derniers jours») à propos d’un écrivain menacé de mort, qui s’exile dans l’espace et dans son imaginaire, vient d’être approuvé par le Fndaticpal, pour un début de tournage en 2024, car il faut trouver des financements extérieurs afin de compléter le budget. «En France ou Belgique», précise encore Amin, «ce qui n’est pas facile vu que les personnages du film sont à 100% algériens».
C’est pour cette raison qu’une bonne partie des producteurs retenus (Merzak Allouache, Salah Issaad ou Abdelkrim Bahloul) ont déjà leurs coproducteurs étrangers, démarchés avant même le dépôt de leur film au Fndaticpal, évidemment pour gagner du temps. Conséquence, 80% des films retenus auront une (des) autre(s) nationalité(s) que l’algérienne exclusive. Mais pourquoi aller chercher des financements ailleurs ? Parce que c’est très difficile d’en trouver ici, en dehors de l’Etat, le cinéma restant ici encore un sujet sensible.
LOCALEMENT ET BLOQUALEMENT
En théorie, ce pourrait être plus simple, Bachir Derrais, producteur associé, dont le film (« Jawhara») de Abdelkrim Bahloul a été retenu, annonce une date de tournage pour avril 2024 et pointe «l’absence des télévisions pour produire les films comme cela se fait partout, ce qui pousse tout le monde a aller vers l’étranger», ajoutant à titre d’exemple que «L’ENTV pourrait mettre 2 milliards par film», elle qui dispose d’un budget (avec publicités générées) de plus de 100 millions d’euros, soit 2000 milliards.
Autre volet, ce film, dont le tournage se fera à Saïda, «pourrait être soutenu par la wilaya de Saïda, puisque l’argent sera dépensé sur place et des emplois y seront créés, ressort financier qui pourrait être appliqué à d’autres wilayas et d’autres films». Même chose enfin pour l’ONDA, Office des droits d’auteur, qui dispose énormément d’argent et «pourrait donner aussi 2 milliards par film». Mais l’essentiel est ce petit début après des années de vide, même si le cinéma ne semble pas une priorité pour le gouvernement.
Yacine Bouaziz, cofondateur de Thala, production et réalisateur d’un film sélectionné (Poupiya) autour du thème du conflit de générations, va dans le même sens : «Je suis soulagé de voir que mon scénario a enfin reçu le soutien du ministère après 3 ans et heureux d’entrer dans les premiers pas du développement, même s’il faut maintenant aller chercher des financements.» De l’avis général donc, tout le monde est content de voir le cinéma redémarrer, malgré les budgets timides et l’absence de réglages locaux pour des coproductions en interne.
Ceci pour les longs métrages, et pour les documentaires et courts métrages où les budgets ne sont pas les mêmes, autour d’un milliard alloué pour chaque film, le problème est le même. Hassen Ferhani, auteur de Fi rassi rond-point et 143 rue du désert, dont le documentaire, Jaracanda, adapté d’un livre sur Alger, à paraître, a été sélectionné, explique : «On est contents d’être soutenus par notre pays, nous sommes quand même nationalistes», précisant que «on a déjà un coproducteur mais on doit compléter le budget», pour un coût global qu’il estime à 3 milliards.
Ceci pour le comment et le quand, budgets complémentaires à trouver donc et dates de sortie entre 2024 et 2025, ce qui est assez loin. Oui, on a oublié l’autre question, mais pourquoi faire des films ?