Le sommet Italie-Afrique s’est tenu hier à Rome, avec la participation de dirigeants et de hauts représentants de plus de 25 pays africains. Le ministre des Affaires étrangères et de la Communauté nationale à l’étranger, Ahmed Attaf, a participé à ce sommet en sa qualité de représentant du président de la République, Abdelmadjid Tebboune.
Dans une intervention lue en son nom par Ahmed Attaf, le président Tebboune a mis l’accent sur l’importance de renforcer le développement économique à travers les infrastructures de base. Il a affirmé, dans ce sillage, que le manque d’infrastructures de base entraîne «une réduction annuelle de la croissance économique de 2% en Afrique» en plus de la baisse de la productivité de près de 40%.
«(…) La plupart des études confirment le lien étroit entre la faiblesse des investissements étrangers et le manque des structures de base. A titre d’exemple, seulement 25% des routes africains sont bitumées», a-t-il souligné, estimant que «ces données et bien d’autres affectent négativement l’activation totale de la Zone de libre-échange continentale, entravant les opportunités d’intégration et de prospérité partagée offertes par ce mécanisme à l’intérieur et à l’extérieur du continent, dans le cadre de la coopération avec les partenaires internationaux».
Le chef de l’Etat précisera que le principal frein au développement des infrastructures de base est d’ordre financier. «L’un des obstacles les plus importants que rencontre le continent africain dans le domaine du développement des infrastructures est celui du financement. Les estimations de l’Union africaine confirment que le déficit financier pour fournir des services d’infrastructure distingués dans notre continent est situé entre 130 et 170 milliards de dollars américains annuellement», a encore indiqué le président Tebboune, tout en insistant sur l’importance d’investir grandement dans ce domaine.
Infrastructures de base
Le chef de l’Etat a rappelé dans ce contexte l’approche adoptée par l’Algérie depuis son indépendance pour le développement des infrastructures de base dans la région. Il a cité, comme exemple, cinq projets africains initiés et financés en partie par l’Algérie. Le premier est celui de la route transsaharienne reliant six pays africains et visant à désenclaver les pays du Sahel.
Le deuxième projet n’est autre que celui reliant la ville de Tindouf, en Algérie, à la ville de Zouerate, en Mauritanie, qui servira de trait d’union entre le Maghreb et l’Afrique de l’Ouest. Le troisième projet est celui du réseau de fibre optique africain qui concerne en tout six pays. A cela s’ajoute le grand projet de gazoduc transsaharien reliant le Nigeria à l’Algérie en passant par le Niger pour alimenter l’Europe.
Ainsi, la participation de l’Algérie à ce sommet vise, comme l’a déjà précisé le ministère des Affaires étrangères, «à affirmer la nécessité de placer les besoins et les aspirations des pays africains au centre des préoccupations du partenariat Afrique-Italie, en sus de proposer des projets concrets susceptibles de soutenir le développement socioéconomique des espaces sahélo-saharien et euro-méditerranéen».
De son côté, le ministre italien des Affaires étrangères, Antonio Tajani, a déclaré que l’Afrique occupe une place prioritaire dans la politique étrangère du gouvernement de Meloni, considérant ainsi que son pays veut «placer le continent africain (…) au centre de son agenda international». «L’Afrique constitue une priorité de la politique étrangère et de la diplomatie économique de l’Italie», a-t-il affirmé lors de son allocution à l’ouverture des travaux du sommet à Rome.
«Nous sommes confrontés à des défis mondiaux complexes, avec des répercussions sur les pays africains comme sur nous-mêmes. C’est pourquoi le sommet a une forte valeur stratégique», a poursuivi le MAE italien, selon lequel, «la présidence italienne du G7 mettra l’Afrique au centre de son agenda». «L’implication de l’Union européenne est fondamentale et centrale.
Nous devons unir nos forces pour construire un plan Marshall européen pour l’Afrique, dans le même esprit que le plan Mattei illustré aujourd’hui. Nous réfléchissons également à une invitation de l’Union africaine au sommet du G7 à Capri», a conclu le chef de la diplomatie italienne.
En finir avec les approches prédatrices
A l’initiative de la présidente du Conseil des ministres, Giorgia Meloni, ce sommet se voulait en effet différent de tous les autres formats existants. Par cette rencontre de haut niveau, la première responsable du gouvernement italien préparait le terrain à l’écriture d’un nouveau chapitre de la coopération entre son pays et le Continent noir.
Giorgia Meloni, qui ne cessait de critiquer, voire même de dénoncer les politiques colonialistes et paternalistes de certains pays européens en Afrique, a dévoilé les contours de son plan pour une nouvelle forme de partenariat entre l’Italie et l’Afrique, un partenariat «mutuellement bénéfique» et d’«égal à égal».
Baptisé «plan Mattei» du nom du fondateur de la compagnie italienne ENI qui est aussi un résistant antifasciste et anticoloniste, le «new deal» de Meloni avec l’Afrique se veut un projet ambitieux, qui permettrait aux pays africains de faire face à leurs problèmes complexes d’ordre socioéconomiques, climatiques et sécuritaires.
«Une certaine approche paternaliste et prédatrice n’a pas fonctionné jusqu’à présent. Ce qu’il faut faire en Afrique, ce n’est pas de la charité, mais des partenariats stratégiques d’égal à égal», a déclaré Giorgia Meloni, au début du mois de janvier, lors d’une conférence de presse. «Nous avons besoin d’une intervention stratégique pour l’Afrique.
Le changement climatique détruit l’agriculture dans de nombreux pays du continent, et si nous n’intervenons pas avec une sorte de plan Marshall, nous serons toujours en train de courir après les urgences. Il existe une situation d’instabilité croissante qui doit faire l’objet d’interventions à long terme, non seulement de la part de l’UE, mais aussi des Nations unies et du FMI», avait affirmé M. Tajani, dans une interview accordée au journal Corriere della Sera.
L’Italie cherche essentiellement à garantir sa sécurité énergétique mais aussi à endiguer le phénomène de l’immigration clandestine qu’elle subit depuis de longues années en l’attaquant à sa racine, à savoir la pauvreté aggravée par les bouleversements climatiques et l’insécurité, poussant les populations à se déplacer en quête d’horizons meilleurs. Pour mettre en œuvre cet ambitieux plan, l’Italie mise sur le fait qu’elle n’a pas un lourd passif colonial avec l’Afrique.